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Emploi - Chômage partiel : des effets d'aubaine dans l'industrie et la construction

Le Centre d'analyse stratégique fait le point sur l'efficacité du chômage partiel dans huit pays industrialisés, dont la France et l'Allemagne, et trois secteurs d'activité. Pour la France, il prône une révision de l'ensemble des dispositifs d'activité partielle, avec notamment un versement de l'allocation aux entreprises dès l'accord de la mise en oeuvre du chômage partiel.

En France, "les dispositifs d'activité partielle devront faire l'objet d'une révision concertée afin de les améliorer et de les unifier". C'est l'une des conclusions d'une étude que le Centre d'analyse stratégique (CAS) vient de publier sur "l'ajustement de l'emploi pendant la crise". La note repose sur une comparaison entre huit grands pays industrialisés (Allemagne, France, Italie, Espagne, Etats-Unis, Danemark, Royaume-Uni, Suède) et trois secteurs d'activité (secteur marchand non agricole, le secteur manufacturier et la construction).
Le dispositif de chômage partiel est reconnu comme efficace pour préserver l'emploi mais "à des degrés divers toutefois selon les pays et les secteurs d'activités". Ainsi en France, le chômage partiel a surtout retardé les licenciements et a accompagné le déclin d'entreprises, "détournant le dispositif de son objectif visant à stabiliser l'emploi en cas de choc d'activité temporaire", détaille la note. Mais l'étude porte pour la France sur la période 1995-2004. Depuis, le dispositif a subi de nombreuses évolutions, notamment à la suite du sommet social organisé le 18 janvier 2012 par le précédent gouvernement : possibilité pour les salariés en chômage partiel de suivre des actions de formation durant les heures de réduction d'activité suppression de l'autorisation préalable de l'administration à l'entreprise, avant de pouvoir mettre ses salariés en chômage partiel... De même, les délais administratifs d'autorisation de mise en chômage partiel ont été raccourcis. Des mesures qui sont censées améliorer le dispositif et augmenter son utilisation. Car jusque-là, il est peu utilisé : 0,85% seulement de la population active en a bénéficié entre 2007 et 2009 contre plus de 3% en Italie et en Allemagne. L'actuel gouvernement souhaite encore améliorer le dispositif et suivre dans ce sens les conclusions de l'Inspection général des affaires sociales (Igas), remises à Michel Sapin, ministre de l'Emploi, en juillet 2012. L'Igas a ainsi proposé une remise à plat complète du dispositif et la fusion de tous les systèmes existants pour aboutir à un dispositif d'activité partielle unifié.

Le "miracle allemand"

La note du CAS s'intéresse aussi au fameux "miracle allemand". L'Allemagne a en effet connu une diminution du taux de chômage de 20,8% de 2007 à 2010 quand ses voisins voyaient le chômage exploser du fait de la crise. Mais d'après l'analyse du centre, ces résultats ne sont pas entièrement dus au développement du chômage partiel. L'efficacité du dispositif est surtout liée aux effets de substitution avec d'autres programmes utilisés par l'entreprise pour réguler le nombre d'heures travaillées. Ainsi dans ce pays, la diminution du nombre d'heures travaillées s'est effectuée à hauteur d'un quart seulement par l'utilisation du chômage partiel et "pour le reste par les mesures de modulation des heures travaillées négociées au sein de l'entreprise, les heures supplémentaires et surtout le compte épargne-temps".
Outre ces comparaisons Allemagne/France, la note du CAS fait le point sur les effets du chômage partiel constatés globalement dans les pays étudiés. Il a "un effet de protection de l'emploi durant la crise même si son ampleur est toutefois très variable selon les études d'évaluation". Autres conclusions : il concerne exclusivement l'emploi permanent et des effets d'aubaine sont parfois identifiés. L'étude met aussi en avant la "très nette surutilisation du chômage partiel dans certains secteurs d'activité" comme l'industrie et la construction et "sa sous-utilisation dans d'autres (secteurs des services notamment)".
Le CAS met aussi en avant la difficulté de pilotage du chômage partiel, "le dispositif s'avérant optimal dans un contexte conjoncturel particulier, alors que dans un cas plus général, il peut entraver les ajustements structurels de l'économie et de l'emploi en soutenant des activités en déclin". D'où la necessité d'identifier au mieux la nature et l'ampleur des crises lors de leur déclenchement et pendant leur développement, afin de distinguer les chocs structurels des chocs transitoires et ainsi d'adapter les instruments de politique publique. Le CAS recommande de poursuivre l'évolution du chômage partiel par une modification de son fonctionnement financier. Il propose notamment de permettre aux entreprises de toucher l'allocation dès l'acceptation simplifiée de la mise en chômage partiel, au lieu de la recevoir a posteriori.