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Industrie - Arnaud Montebourg : "Le protectionnisme n'est pas un gros mot"

Alors qu'un plan de soutien à l'automobile sera présenté en Conseil des ministres, le 25 juillet, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, auditionné mercredi dernier par les députés, a évoqué la nécessité de mesures protectionnistes pour redresser l'industrie. Un texte contre les délocalisations de sites rentables devrait être proposé à la rentrée...

Le protectionnisme et la lutte contre les licenciements abusifs pointent à nouveau leur nez, alors que deux plans économiques sont sur l'agenda gouvernemental. L'un dit de "reconquête industrielle", préparé par le commissaire général à l'investisssement, Louis Gallois, qui doit présenter ses premières pistes mi-octobre. L'autre est le plan automobile qui sera présenté en Conseil des ministres le 25 juillet, en pleine restructuration de PSA. L'idée d'une loi contre les licenciements abusifs est également évoquée depuis plusieurs semaines par le gouvernement. A l'issue de la conférence sociale des 9 et 10 juillet, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait appelé les partenaires sociaux à une nouvelle négociation pour "encadrer les licenciements abusifs, et, en cas de projet de fermeture de site rentable, créer une obligation de recherche de repreneur".
Le vice-président du groupe PS à l'Assemblée, Thierry Mandon, a confirmé, mardi 24 juillet, qu'un texte de loi serait présenté "à la rentrée". Mais les députés du groupe GDR (Font de gauche et "progressistes" ultramarins) ont pris les devants en déposant le 19 juillet leur propre proposition de loi dont l'objectif est d'interdire à une entreprise ayant distribué des dividendes dans au moins une des deux dernières années de procéder à des licenciements économiques. Le texte prévoit aussi que les entreprises qui bénéficient d'aides publiques s'engagent, en contrepartie, à ne pas réaliser de licenciements boursiers, au risque de devoir restituer les sommes perçues. Les députés citent dans leur texte les multiples cas de réduction d'activité, de fermeture de sites ou de licenciements, notamment chez Air France, Valeo, Carrefour, ArcelorMittal, PSA Peugeot-Citroën et Sanofi, expliquant qu'il s'agit "dans bien des cas, de conserver des marges de profit nécessaires au maintien ou à l'augmentation de la part revenant aux actionnaires ou à la constitution de réserves de capital", les travailleurs étant pour leur part "relégués au rang de variables d'ajustement d'une économie de casino". La proposition de loi reprend un texte déposé par les sénateurs du groupe communiste, repoussé le 16 février par une courte majorité mais votée par les sénateurs socialistes. Dans l'exposé des motifs, les députés GDR soulignent que "l'ampleur de la crise, la violence des comportements des dirigeants à l'égard des industriels (500.000 emplois détruits depuis 2008) imposent une action rapide du législateur".

Retour du protectionnisme

Au cours de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale le 18 juillet, Arnaud Montebourg a lui aussi insisté sur la nécessité d'empêcher un groupe rentable de fermer un site industriel ou tout du moins d'organiser la reprise du site. Mis en difficulté dans le dossier PSA, le ministre du Redressement productif a également précisé ses intentions pour tenter d'améliorer la situation industrielle. Parmi les actions qu'il envisage : la mise en place de mesures de protectionnisme pour les secteurs les plus affaiblis par la mondialisation, thème qu'il avait sur-exploiter lors de la primaire socialiste, en 2011. "Le protectionnisme n'est pas un gros mot", a ainsi affirmé le ministre, montrant du doigt Bruxelles qui "doit faire l'apprentissage de tout ce que les autres puissances économiques ont fait pour protéger leur industrie et leur économie, c'est-à-dire tout ce que nous interdit l'Europe". Il s'agit selon lui de passer d'un modèle libéral et financier à un "modèle entrepreneurial, innovant et patriotique autour de la renaissance industrielle de notre pays". Une stratégie qui implique un assouplissement des règles du droit de la concurrence européen et une réelle réciprocité dans les accords de libre-échange signés par l'Union européenne. "La réciprocité, il ne faut pas seulement en parler comme un des sujets importants, il faut maintenant la traduire dans le droit", a souligné Arnaud Montebourg.
Pour autant, le ministre n'a pas jeté aux orties les outils mis en place par le précédent gouvernement. D'ailleurs, ses commissaires au redressement productif s'inspirent des anciens commissaires à la réindustrialisation, même s'ils se veulent plus performants. Le crédit impôt recherche, réformé en 2008, connaîtra un ajustement à la marge, afin d'exclure les banques et assurances du dispositif pour que cet "argent soit plutôt utilisé pour les PME et l'innovation industrielle et technologique", a indiqué le ministre, dans la ligne du rapport du sénateur socialiste Michel Berson
Pour les pôles de compétitivité, le ministre estime qu'il y a "du bon et du mauvais". "On souhaite s'engager plus là où c'est bon ; là où c'est mauvais, il ne faut pas décourager mais stimuler, nous allons en discuter avec les présidents de région." Arnaud Montebourg a également insisté sur la nécessité d'acheter français. "Le consommateur français nuit au producteur qu'il est lui-même et met en péril son emploi. Nous devons éduquer le consommateur français sur cette question pour en faire un acteur citoyen." Citant une étude du Crédoc, il a rappelé que 60% des Français étaient prêts à payer un peu plus cher des biens fabriqués en France... Enfin, le ministre a lancé une piste concernant le financement de l'économie : mieux utiliser les fonds de l'assurance-vie. D'après Arnaud Montebourg, les "1.600 milliards de l'assurance-vie" ne sont pas suffisamment dédiés au financement des entreprises. Outre la mise en place d'un livret industrie, le ministre compte ouvrir un chantier dans ce domaine.

Emilie Zapalski

Pour Louis Schweitzer, le coût du travail est une cause parmi d'autres

"Le coût du travail n'est qu'une cause parmi d'autres des difficultés de l'industrie française." C'est ce qu'a affirmé Louis Schweitzer, à l'occasion de son audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale le 20 juillet 2012. Le coût du travail français est pourtant souvent critiqué, et jugé au-dessus de celui de nos voisins européens, notamment allemands. Le président d'honneur de Renault, qui est l'auteur d'un rapport intitulé "Investir dans l'avenir : une politique globale de compétitivité pour la France", publié le 11 juillet, propose sur ce point de réaliser un "transfert de charges sociales" pour les orienter davantage vers les secteurs industriels exposés à la concurrence internationale, et non vers les secteurs protégés. Il plaide par ailleurs pour un programme d'investissement d'avenir annuel et pour la mise en place d'un taux d'impôt sur les sociétés réduit pour les bénéfices réinvestis. Enfin, il propose la création d'un commissariat général à la compétitivité, destiné à élaborer la politique et le suivi interministériel, et d'un conseil national de l'industrie, véritable lieu de concertation. "Il ne s'agit pas de créer de nouvelles instances qui viennent s'ajouter aux autres mais de recréer le dialogue autour du problème de l'industrie et de la compétitivité entre toutes les parties concernées, a expliqué Louis Schweitzer. Ce dialogue est un élément essentiel pour définir des politiques."

E.Z.