Réindustrialisation - Un proche de Michel Barnier propose des "coopérations renforcées" pour l'industrie
Après un rapport parlementaire acerbe de janvier demandant à l'Europe de se réveiller, un nouvel opuscule édité cette fois-ci par le cercle de réflexion Confrontations Europe met les pieds dans le plat. Signé Philippe Herzog, conseiller spécial du commissaire au Marché intérieur Michel Barnier, ce document d'une trentaine de pages réclame une "stratégie industrielle européenne fondée sur la coopération" et formule 25 propositions pour réindustrialiser l'Europe au moment où celle-ci se cherche des leviers de croissance.
"Le moteur de la croissance passe encore principalement au niveau de l'industrie et des services connexes", a assuré l'économiste, lors de la présentation de son ouvrage, le 6 juin, à Paris. "Les écarts intra-communautaires explosent. Le problème de la coopération devient absolument majeur, sinon, on aboutira à une explosion de l'Eurozone mais aussi du marché intérieur [...] Si on ne parvient pas à réindustrialiser, le modèle social coule", a-t-il prévenu, ajoutant que l'Europe était "victime de la polarisation industrielle sur l'Allemagne et de la désindustrialisation chez les autres".
Agences publiques de projets
Comme il lui semble vain d'espérer faire avancer l'Europe des Vingt-Sept, et peu probable de convaincre des pays comme la Grande-Bretagne, l'ancien député européen plaide pour la voie de la coopération renforcée au sein de la zone euro et appelle les Etats qui le veulent à définir ensemble des stratégies industrielles, sur la base d'un nouveau traité (actuellement, le traité de Lisbonne impose un plancher minimum de 9 Etats pour engager une coopération renforcée). Il rappelle que la Communauté européenne n'a plus connu de politique industrielle depuis la Ceca et que le conseil de compétitivité n'est qu'un "fantôme". Parmi les secteurs prioritaires qui pourraient faire l'objet d'une coopération figure l'automobile pour laquelle "il y a le feu" et où les "restructurations vont être massives".
Sur le terrain, ces coopérations doivent s'appuyer sur un réseau d'agences publiques. L'idée de "projects bonds" est selon lui une réponse "mineure" au regard des enjeux et même "équivoque". "On demande à la Banque européenne d'investissement d'établir le portefeuille de projets rentables, mais ce n'est pas son rôle. Il faut des agences publiques de projets", a-t-il insisté. Ces agences territoriales ne seraient pas les décideurs, ni les sélecteurs des projets, mais des "médiateurs" permettant aux porteurs de projets de disposer des informations et de soutiens adéquats, précise le document. Dans son texte, Philippe Herzog tacle par ailleurs la politique de la concurrence européenne coupable d'avoir "priorisé l'intérêt à court terme du consommateur et négligé le surplus du producteur" sans avoir agi sur "les excès de la finance ou encore de la grande distribution". Il propose de remettre à plat la question des aides publiques aux entreprises et d'autoriser la mutualisation de ces aides autour de projets industriels d'intérêt européen.
Embryon de ministère européen de l'Economie
L'économiste a aussi recommandé la création "d'une agence économique et du Trésor capable d'agir vite" afin de sortir la Grèce de l'eau. Une agence placée au cœur de l'Eurogroupe, qui constituerait "un embryon de ministère de l'Economie et des Finances". Il s'en est pris à deux fausses bonnes idées. La première venant de Paris qui voudrait interdire aux entreprises de fermer des sites dits "rentables" ou "viables", l'autre chère à Berlin qui serait de créer des zones franches dans les pays de la zone euro les plus touchés par la crise, afin d'attirer les investisseurs. "Certains proposent des zones franches, mais on attend d'autres réponses", a-t-il déclaré, en soutenant son projet d'agence économique. Il a également demandé que la réindustrialisation de la Grèce soit "jugée d'intérêt communautaire". Navigation, solaire, agro-alimentaire et transit : l'économie hellène ne manque pas d'atouts à ses yeux, mais son redressement "ne sera possible qu'en coopérant alors qu'aujourd'hui, tous les investisseurs fuient". Alors que la chancelière allemande a déjà pris les devants en se prononçant en faveur d'une union politique et budgétaire, la balle est désormais dans le camp de la France.