Insertion - RSA et RSTA vont-ils cohabiter outre-mer ?
Après l'épisode du cumul entre revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) et prime pour l'emploi (voir nos articles ci-contre), c'est l'hypothèse d'un cumul entre revenu de solidarité active (RSA) et RSTA dans les départements d'outre-mer (DOM) qui commence à émerger. Il est vrai que la situation juridique n'est pas des plus claires. D'un côté, la loi du 1er décembre 2008 instaurant le RSA prévoit que ce dernier entrera en vigueur dans les DOM au plus tard le 1er janvier 2011. De l'autre - et tout en maintenant officiellement l'objectif du 1er janvier 2011 -, le gouvernement reste très discret sur les modalités de ce basculement du RSTA vers le RSA. Lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2010, cette discrétion a d'ailleurs irrité les sénateurs, au point qu'Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial des crédits de la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances", a évoqué en commission des finances "l'idée que [le gouvernement] pourrait préférer maintenir le revenu supplémentaire temporaire d'activité plutôt que de généraliser le RSA" (voir notre article ci-contre du 10 novembre 2009).
Dans un courrier du 16 décembre adressé à Marie-Luce Penchard - la ministre chargée de l'outre-mer -, Victorin Lurel, député et président du conseil régional de Guadeloupe, et Gabrielle Louis-Carabin, députée de Guadeloupe, demandent la mise en oeuvre du RSA "dans le plus bref délai". Moins que la demande elle-même, c'est l'argumentation qui surprend. Alors que Victorin Lurel n'avait pas hésité à engager une vive polémique avec Eric Woerth, le ministre du Budget, lors de la discussion du PLF 2010, pour défendre le RSTA et son cumul avec la PPE (voir notre article ci-contre du 28 octobre), il se fait désormais le défenseur d'une mise en place accélérée du RSA. Le président du conseil régional s'appuie notamment sur le rapport de son collègue René-Paul Victoria, député (UMP) de la Réunion et maire de Saint-Denis, pour estimer que le RSA permettrait une amélioration directe du pouvoir d'achat pour 42% de la population outre-mer, bénéficiant à près de 360.000 foyers. Les deux députés proposent néanmoins que, jusqu'au 1er janvier 2011, les intéressés puissent librement choisir de percevoir le RSTA ou le RSA.
Inquiet des conséquences sociales de l'arrêt du RSTA - programmé pour mars 2011 selon les accords du 4 mars 2009 qui ont mis fin au conflit social en Guadeloupe - le gouvernement a sauté sur l'occasion. Dès le 18 décembre, Marie-Luce Penchard a ainsi indiqué, dans un communiqué, avoir pris "note avec intérêt" de cette proposition "qui envisage, pour la période de transition, l'application du RSA sans cumul individuel possible avec le RSTA, et dans le cadre des financements votés en loi de finances" (autrement dit dans l'enveloppe prévue pour le RSTA, le PLF 2010 ne prévoyant aucun crédit pour le RSA outre-mer). La ministre chargée de l'Outre-mer indique qu'il convient "néanmoins de prendre en compte les aspirations de chacun [des DOM] et d'étudier les solutions les plus adaptées". Elle a donc demandé à René-Paul Victoria de poursuivre sa mission d'évaluation du RSTA et de se pencher également sur les modalités de basculement vers le RSA. Ce dernier ayant fait part de son intention de travailler avec des parlementaires de chacun des départements concernés, Marie-Luce Penchard indique que "compte tenu de l'intérêt qu'ils témoignent pour ce sujet, il va être proposé à Gabrielle Louis-Carabin et à Victorin Lurel de participer à cette mission".
Jean-Noël Escudié / PCA