Insertion - Le rapport Victoria jette le trouble sur la mise en place du RSA dans les DOM
René-Paul Victoria, député de La Réunion et maire de Saint-Denis, a remis à François Fillon son rapport sur la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA) et du contrat unique d'insertion (CUI), "adaptée au contexte social et économique dans les départements d'outre-mer et tenant compte des dispositifs spécifiques existants".
En principe, le RSA doit être mis en place dans les DOM au plus tard le 1er janvier 2011. Du côté des DOM, les élus sont plutôt favorables à une mise en place rapide, au nom de la parité avec la métropole. Mais le rapport Victoria voit les choses différemment et s'interroge sur l'intérêt de "mettre en œuvre à brève échéance le RSA, compte tenu de la création du RSTA" (revenu supplémentaire temporaire d'activité). Il estime au contraire "qu'il faut laisser fonctionner le RSTA avant de mettre en œuvre le RSA". Pour René-Paul Victoria, cette période de transition permettrait de comparer les deux dispositifs - le RSA entrant en vigueur en métropole le 1er juin - et de tirer ensuite le meilleur parti de leurs avantages respectifs. Pour le député de La Réunion, "l'essentiel est que l'outre-mer bénéficie du meilleur dispositif". Mis en place le 1er mars, le RSTA a constitué la réponse à la crise en Guadeloupe, avant d'être étendu aux autres DOM. Son principe - complément de salaire de 100 euros pour des personnes en emploi percevant jusqu'à 1,4 fois le Smic - ressemble de très près à celui du RSA chapeau. Il concerne environ 220.000 salariés des quatre DOM.
Le trouble provoqué outre-mer par le rapport ne tient pas au fait qu'il ne préconise pas une mise en place rapide du RSA. Intervenant à l'Assemblée nationale le 8 avril dernier (sur le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer), Yves Jégo avait déjà indiqué que le RSTA était mis en place pour trois ans et que l'Etat serait "pragmatique" sur sa durée de versement (voir notre article ci-contre du 9 avril 2009). La surprise vient de l'absence de toute perspective de date sur la mise en place du RSA. Or les deux dispositifs ne répondent pas à la même logique. Créé pour sortir d'un conflit social, le RSTA privilégie clairement les salariés, mais ignore la situation familiale du bénéficiaire. Le RSA couvre un champ plus large (socle et chapeau) et prend en compte la situation familiale dans le calcul de la prestation (socle). L'auteur du rapport et le gouvernement n'ignorent pas non plus que le remplacement du RSTA par le RSA mettrait vraisemblablement un terme aux compléments versés par les collectivités, créant ainsi une nouvelle source de tensions. Enfin, en pleine crise économique, rien ne dit que les entreprises des DOM seraient en mesure de prendre le relais de l'Etat et des collectivités sous forme d'une augmentation de salaires. En recevant le rapport, le Premier ministre s'est d'ailleurs bien gardé de prendre position. Le gouvernement ne devrait sans doute pas se prononcer avant la fin des Etats généraux de l'outre-mer. Il pourrait même attendre les résultats de l'évaluation du RSTA, proposée par le rapport Victoria.
Parmi les 21 propositions formulées par ce rapport, on peut relever - à l'inverse - la proposition d'avancer au 1er janvier 2010 la mise en place du CUI, qui présente plusieurs avantages dans les DOM. René-Paul Victoria propose également la création d'une "allocation logement jeune travailleur" et une ouverture du RSA chapeau aux jeunes de 22 à 25 ans lorsque celui-ci sera mis en place.
Jean-Noël Escudié / PCA