Insertion - Outre-mer : un RSA "transformé" en attendant le RSA
Les avancées dans les négociations qui doivent permettre une sortie de crise en Guadeloupe - et sans doute par extension dans les autres départements d'outre-mer -, permettent d'y voir plus clair sur la place exacte du revenu de solidarité active (RSA). Dans un premier temps, le gouvernement avait misé sur une accélération de la mise en place du RSA, qui doit être opérationnel en métropole en juin 2009 pour des premiers versements en juillet. En attendant cette mise en place, une prestation temporaire aurait pris le relais. Mais - comme nous l'indiquions dans notre article du 20 février ci-contre - une telle accélération de la mise en place du RSA paraissait difficile à envisager sans sérieuses anicroches, au risque de relancer la tension par des erreurs ou des retards de paiement. La loi du 1er décembre 2008 prévoit en effet une mise en place du RSA dans les DOM "avant le 1er janvier 2011". Or, les services des départements et les CAF d'outre-mer ne sont pas en mesure de faire face à un raccourcissement des délais de plus d'un an.
Ainsi que l'a annoncé François Fillon à l'issue de la réunion avec les élus d'outre-mer le 26 février, le "revenu de solidarité active de droit commun" sera finalement mis en place "à la date initialement prévue par la loi, au début de 2011". En attendant cette échéance, le gouvernement va mettre en place un RSA "transformé", qui s'inspire assez fortement de la prime de solidarité active (voir nos articles ci-contre). Celui-ci prendra la forme d'un "revenu supplémentaire" de 80 euros par mois, versé durant deux ans à tous les salariés touchant moins de 1,4 Smic et financé par l'Etat. Le Premier ministre a bien pris soin de préciser qu'il s'agit là d'une "formule transitoire", jusqu'à la mise en place du RSA proprement dit. De leur côté, les collectivités territoriales devraient ajouter, durant une année non reconductible, 50 euros par mois, le solde correspondant à la hausse des salaires consentie par les entreprises, pour porter le tout à un montant compris entre 180 et 200 euros par mois. Présent à la réunion de Matignon, le président du conseil régional de Guadeloupe, Victorin Lurel, a confirmé l'engagement des collectivités, à hauteur de 25 euros par mois pour le département et 25 euros pour la région (soit au total une enveloppe de 24 millions d'euros). La durée de versement d'un an prévue par les collectivités ne permettra pas de faire la jonction avec le RSA proprement dit. Conscient des effets potentiels de cet écart, Victorin Lurel a affirmé que "si l'Etat met 100 euros (NB : au lieu de 80), nous sommes prêts à conserver l'enveloppe non plus sur une année mais sur deux années".
En dehors même des difficultés techniques de mise en place de ces dispositifs, la solution qui se dessine est cependant loin de répondre à toutes les questions. Il reste par exemple à régler le sort des salariés au-delà de 1,4 Smic horaire et qui pourraient prétendre au RSA (environ 1.000 à 2.000 personnes en Guadeloupe). L'Etat garderait pour eux une "petite enveloppe", afin qu'ils ne soient pas lésés. Il reste aussi et surtout à préciser les modalités de transition entre ce RSA "adapté" et le RSA proprement dit. En principe, les entreprises devraient, à échéance, se substituer aux aides de l'Etat et des collectivités sous forme de hausses supplémentaires de salaires. Selon Yves Jégo, le secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, "il faudra ensuite que le patronat fasse sa part (...) pour qu'au-delà d'un an et demi, deux ans, trois ans éventuellement, ce soit l'entreprise qui prenne à sa charge ce qui sera un revenu RSA et qui redeviendrait un revenu de salaire". Mais on voit mal pourquoi ce qui semble difficile aujourd'hui le serait moins dans deux ans. Sauf si l'Etat consent d'ici là des exonérations de charges sociales aux entreprises des DOM, ce qui serait une autre forme de financement public...
Jean-Noël Escudié / PCA