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PLF 2010 - DOM : le gouvernement fait volte-face et admet le cumul entre RSTA et PPE

Le feuilleton du cumul entre le revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) et la prime pour l'emploi (PPE) s'est enfin achevé, mais de façon surprenante et au prix d'une volte-face du gouvernement. A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010 au Sénat, le gouvernement a en effet présenté et fait adopter un amendement surprise sur l'article 11 du projet de loi. Celui-ci prend l'exact contre-pied de la position défendue par le ministre du Budget lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale (voir notre article ci-contre du 28 octobre 2009). La rédaction originelle de l'article 11 prévoyait en effet d'exonérer le revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) d'impôt sur le revenu mais, en revanche, de l'imputer sur le montant total de la prime pour l'emploi (PPE). Cette disposition était conforme au principe régissant, en métropole, le revenu de solidarité active (RSA), qui ne devrait toutefois pas entrer en vigueur dans les DOM avant le 1er janvier 2011. Toute la question étant alors de savoir si le RSTA est une prestation sui generis - auquel cas, il n'y a pas lieu de lui appliquer les modalités régissant le RSA - ou s'il s'agit d'une simple préfiguration de ce dernier. Cet enjeu avait suscité une vive passe d'armes entre le député et président du conseil régional de Guadeloupe, Victorin Lurel, et Eric Woerth et Marie-Luce Penchard, la ministre chargée de l'outre-mer. La nouvelle rédaction de l'article 11 donne finalement raison au premier. Non seulement l'imputation totale du RSTA sur la PPE est supprimée, mais le gouvernement va plus loin en exonérant de l'impôt sur le revenu les primes versées pendant une durée d'un an, en complément du RSTA, par les collectivités territoriales de Guadeloupe et de Martinique dans le cadre des accords interprofessionnels. Le coût de ce revirement est de l'ordre de 250 millions d'euros, correspondant aux économies budgétaires qu'auraient apportées l'imputation du RSA sur la PPE.
Lors de la présentation de l'amendement au Sénat, Eric Woerth a présenté ce revirement comme la résolution de simples "malentendus" et l'a justifié par la volonté "d'éviter que les bénéficiaires du RSTA ne soient pénalisés". La véritable raison réside dans le souci de ne pas verser d'huile sur le feu, au moment où le conflit social menace de reprendre en Guadeloupe avec l'appel à la grève lancé par le LKP et la manifestation de plusieurs milliers de personnes organisée le 25 novembre dans les rues de Pointe-à-Pitre. Il est vrai toutefois que, lors de la discussion de l'article 11 à l'Assemblée, le ministre du budget n'avait pas exclu un assouplissement de la position du gouvernement, indiquant alors : "Nous verrons ce qu'il en est au Sénat, et revérifierons ces différents points" (voir notre article ci-contre du 10 novembre 2009).
Au-delà de cette volte-face, c'est désormais la question de la mise en place du RSA dans les DOM - dans les mêmes conditions qu'en métropole - qui est désormais posée. Certes, Eric Woerth a affirmé devant le Sénat que "lorsqu'il sera mis en place outre-mer, le RSA se substituera au RSTA. Son régime fiscal sera identique à celui qui s'applique déjà en métropole : le RSA s'imputera sur la prime pour l'emploi ; c'est ainsi que fonctionne ce dispositif". Mais on voit mal pourquoi ce qui n'est pas socialement acceptable au 1er janvier 2010, le serait au 1er janvier 2011. Le RSTA comptant environ 250.000 bénéficiaires potentiels dans les DOM, on imagine facilement la mobilisation possible, même si tous les allocataires ne sont pas concernés par le cumul avec la PPE. Le nouveau contexte engendré par l'amendement du gouvernement donne en tout cas du poids aux arguments de ceux qui préconisent de prolonger le dispositif du RSTA, comme le faisait René-Paul Victoria, député de la Réunion et maire de Saint-Denis, dans son rapport à François Fillon sur la mise en oeuvre du RSA et du contrat unique d'insertion (CUI), "adaptée au contexte social et économique dans les départements d'outre-mer et tenant compte des dispositifs spécifiques existants" (voir notre article ci-contre du 29 mai 2009).

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : Projet de loi de finances pour 2010 (adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 17 novembre 2009, en cours d'examen au Sénat du 19 novembre au 8 décembre 2009).