Commande publique - Réactions virulentes des acheteurs territoriaux aux conseils de Bercy sur les accords-cadres

La direction des affaires juridiques de Bercy (DAJ) vient de mettre à jour trois fiches techniques portant respectivement sur les accords-cadres, la passation des contrats de transports scolaires et la procédure de conception-réalisation. Si les deux dernières constituent surtout des rappels pour les acheteurs, celle sur les accords-cadres a fait fortement réagir l'Association des acheteurs des collectivités territoriales (AACT). La fiche évoque en détail les conditions de recours à l’accord-cadre, son contenu, ses modalités de passation, son régime juridique ainsi que les possibilités de combinaison avec d’autres outils du Code des marchés publics (CMP) (marchés à bons de commande et mutualisation des achats).

Fixer sans figer

La DAJ rappelle que "la philosophie de l’accord-cadre repose sur la possibilité d’ajuster la réponse aux besoins, à mesure de l’apparition de ceux-ci". Cet outil permet en effet aux acheteurs publics de sélectionner un ou plusieurs titulaires au stade de l’accord-cadre puis de leurs attribuer des marchés subséquents au moment de la survenance du besoin. Il est donc particulièrement adapté pour des achats répétitifs "dont les contours ne sont pas totalement délimités en amont, ou qui sont susceptibles d’évolutions technologiques". Sur un plan plus juridique, la fiche rappelle que l’accord-cadre n’est pas un simple système de référencement de fournisseurs. C’est un contrat comportant des obligations et des engagements pour chacune des parties. Les termes de l’accord-cadre doivent donc être déterminés avec attention : ils ne pourront être substantiellement modifiés par la suite. D'où un équilibre difficile à trouver entre une trop grande précision et des conditions trop vagues.

Prudemment, Bercy indique que "concernant les clauses relatives au prix ou aux modalités de sa détermination, il s'agira de fixer un certain nombre de conditions financières sans pour autant figer celles-ci". Des propos critiqués avec virulence par l'AACT. Dans un communiqué, celle-ci estime que fixer systématiquement un prix de base - ce qui peut être utile pour des marchés subséquents à périodicité courte - serait "s'exposer à des difficultés de mise en oeuvre et de mise en application". Même divergence sur les durées : un accord-cadre, rappelle Bercy, peut être conclu pour une durée maximale de quatre ans. De son côté, l'AACT conseille la passation d'accords-cadres d'un an reconductible une seule fois pour éviter d'assécher la concurrence sur un secteur ou une zone géographique. Enfin, le communiqué de l'association est particulièrement critique sur les propos de la DAJ encourageant les acheteurs à sanctionner les entreprises qui ne répondent pas aux marchés subséquents.

Par ailleurs, la fiche apporte des précisions sur les modalités d’attribution des marchés subséquents. Ainsi, il n’est pas possible d’engager des négociations avec les titulaires de l’accord-cadre lorsque celui-ci a été conclu selon une procédure formalisée. Enfin, les textes n’imposent pas que les marchés subséquents des collectivités territoriales d’un montant supérieur aux seuils communautaires soient soumis à l’avis de la commission d’appel d’offres. Cependant, une circulaire du ministre de l’Intérieur du 30 mars 2007 le recommande vivement par mesure de précaution.

Passation de contrats de transports scolaires, marchés de conception-réalisation

Le choix entre délégation de service public et marché public est une problématique ouverte dans l’organisation des transports scolaires (voir nos articles ci-contre). La DAJ rappelle les éléments distinctifs de ces deux modes de gestion et attire l’attention des acheteurs sur les écueils à éviter lors de la conclusion d’un marché public dans ce domaine.

Concernant les marchés de conception-réalisation, la fiche de Bercy fait le point sur cette procédure dérogatoire au droit commun qui permet au maître d’ouvrage de confier simultanément la conception et la réalisation d’un ouvrage à un groupement d’opérateurs économiques (ou à un opérateur unique pour les ouvrages d’infrastructures). Selon l’article 37 al. 2 du CMP, il n’est en effet possible de recourir au marché de conception-réalisation que lorsque "des motifs d’ordre technique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage". La DAJ note que la passation de tels marchés est source de contentieux fréquents et rappelle quelques jurisprudences importantes.

 

L’Apasp et Hélène Lemesle

 

Références : fiche technique "les accords-cadres" ; fiche technique "la procédure de conception-réalisation" ; fiche technique "la passation des contrats de transports scolaires" - direction des affaires juridiques, ministère de l'Economie, septembre 2010.