Commande publique - Suspension d'un marché à bons de commande : attention danger
Par un arrêt du 7 juin 2010, le Conseil d'Etat vient de condamner la ville de Marseille à verser 75.000 euros - plus les intérêts moratoires - à deux entreprises d'entretien d'espaces verts. Le motif ? La ville de Marseille avait passé un marché à bons de commande afin d’entretenir ses espaces verts. Le contrat l’engageait sur un prix annuel et global avec paiement mensuel. Début octobre, elle a adressé au titulaire un ordre de service lui prescrivant de suspendre le marché durant les mois d’octobre et de novembre (pour cause d’intempéries) avant de donner l’instruction de reprendre le service en décembre. Cette suspension était-elle légitime ? La société pouvait-elle demander à être payée des deux mois de suspension ? Réponse défavorable à la collectivité du Conseil d'Etat.
Le recours au marché de commande justifié par l’impossible anticipation des besoins
Conclu avant 2001, le contrat était régi par l’ancien Code des marchés (CMP). L’article 272 de ce dernier, encadrant les marchés à bons de commande, disposait que les prestations devaient nécessairement répondre aux besoins à satisfaire et que les spécifications inhérentes devaient être déterminées aussi exactement que possible avant l’appel à la concurrence. Le choix d’un contrat à bon de commande se justifie lorsque des raisons économiques, financières ou techniques rendent difficiles l’anticipation des besoins. Selon la cour administrative d'appel, pour le marché en question, Marseille n'aurait pas dû utiliser cette procédure : "les prestations ayant un caractère systématique et mensuel, la collectivité pouvait définir préalablement ses besoins". Or le Conseil d’Etat infirme ce jugement : le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) mettant à la charge de la société, outre la réalisation de travaux courants, celle "de tous les travaux d’entretien exceptionnels, dont la commune ne pouvait estimer par avance le montant". Dès lors, les Sages en concluent qu’il s’agit bien d’un marché à bons de commande.
Ne pas confondre modification du périmètre et suspension de l’exécution
Mais la ville pouvait-elle le suspendre? Le CCAP stipulait que l’administration pouvait modifier à son gré la liste des espaces verts à entretenir et, ce, sans que le titulaire ne puisse réclamer aucune indemnisation. Mais les juges font valoir que ce droit à modification du périmètre d’exécution ne peut être assimilé à un droit à suspension du marché. Le pouvoir adjudicateur doit donc effectuer le paiement du prix (assorti des intérêts légaux) pour les deux mois durant lesquels les travaux ont été suspendus par la collectivité alors que rien ne l’y autorisait. Et ce, même si le motif avancé par la collectivité pour cette suspension était de mauvaises conditions météorologiques.
L’Apasp et Hélène Lemesle
Référence : CE 7 juin 2010, n°316528, Ville de Marseille
Les marchés à bons de commande
-
Article 77 du CMP 2006 : un marché à bons de commande est un marché à exécution successive conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Désormais, il peut être conclu sans maximum ni minimum et avec plusieurs titulaires. Cela octroie une plus grande liberté à l’acheteur public puisque ce dernier n’est plus tenu de garantir dès le départ un minimum de dépenses. Un acheteur peut ainsi effectuer des achats à caractère répétitif en organisant une seule procédure complète de mise en concurrence des fournisseurs potentiels.
- La
circulaire du 29 décembre 2009 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics rappelle que si l’acheteur public n’atteint pas le minimum prévu au contrat, il devra indemniser son cocontractant du préjudice subi (
CE 18 janvier 1991, n°80827, Ville d’Antibes c/ SARL Dani).
-
CE 8 août 2008, n°309136, Commune de Nanterre : les marchés à bons de commande au sens du Code des marchés publics français sont des accords-cadres au sens du droit communautaire.
-
Question écrite n° 05529 de M. Bernard Piras, JO Sénat du 02 /07/2009 : les bons de commande sont des modalités d'exécution des marchés à bons de commande mais ne constituent pas eux-mêmes des marchés.
-
CE 3 juin 2009, 324405, OPAC du Rhône