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Commande publique - Prudence quant aux conditions de recours au marché à bons de commande !

Un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux, daté du 11 décembre 2008, précise que le recours à un marché à bons de commande ne peut être justifié qu'en cas d'incertitude portant sur la quantité et sur le rythme du besoin à satisfaire. Il est toutefois important de préciser que la solution retenue par cet arrêt, rendu sur le fondement du code des marchés publics (CMP) de 2004 alors applicable, pourrait être sensiblement différente si elle avait été rendue dans le cadre du code de 2006.

 

Application des conditions formelles fixées par le code de 2004

Dans cette affaire relative à un marché de fourniture de mobilier scolaire, la cour administrative d'appel a confirmé l'annulation du marché à bons de commande conclu par la commune du Tampon, au motif que le rythme et l'étendue des besoins à satisfaire pouvaient être "entièrement déterminés par le marché". La commune du Tampon avait en effet reconnu qu'elle était en mesure de déterminer le nombre de classes ouvertes, le volume de mobilier qu'elles contiennent et l'état de celui-ci. Elle soutenait en revanche que le recours à la forme du marché à bons de commande était justifié par l'incertitude "tenant à des risques de détérioration du matériel et à son incapacité à maîtriser la carte scolaire ou l'évolution des effectifs scolaires et notamment celle des élèves à mobilité réduite". Au vu des prestations concernées, le juge a estimé que la commune n'avait pas démontré que les éléments d'incertitude invoqués auraient pu avoir une réelle incidence sur l'étendue et le rythme des besoins à satisfaire ou qu'il lui était impossible de prévoir le rythme normal de remplacement de ces fournitures. Le juge a donc considéré que, "dans les circonstances de l'espèce, la passation d'un marché à bons de commande n'était pas légalement justifiée".

 

La suppression de ces conditions par le code de 2006 permet-elle d'envisager une solution différente ?

Il est important de souligner que la solution retenue par la cour ne doit pas être généralisée. Elle a en effet été rendue, rappelons-le, sur le fondement de l'article 71 du CMP de 2004 qui soumettait alors la passation d'un marché à bons de commande à l'existence de difficultés d'ordre économiques, techniques ou financières empêchant la personne publique de définir avec précision le rythme et l'étendue des besoins à satisfaire. La rédaction de l'article 77 du CMP de 2006 est sensiblement différente puisque les conditions formelles de recours imposées par le code de 2004 ont été supprimées. L'utilisation de ce type de contrat semble donc, à première vue, être plus souple et ne plus nécessiter de raisons économiques, techniques ou financières rendant difficile la définition préalable du besoin en termes de rythme ou de d'étendue. La lecture de la circulaire du 3 août 2006 portant manuel d'application du code des marchés publics peut toutefois porter à confusion. En effet, celle-ci ne reprend pas stricto sensu les trois exigences formelles du code de 2004, mais il est tout de même précisé dans son article 6.2.1, que l'acheteur public peut avoir recours à un marché à bons de commande lorsqu'il "n'est pas en mesure de connaître précisément à l'avance les quantités à commander ou s'il a des raisons de douter de la possibilité de réaliser en une seule fois l'ensemble d'un programme".
Une réponse du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, publiée au JO du Sénat du 15 février 2007, met en principe fin à ces incertitudes en confirmant d'une part, que l'article 77 du CMP "ne pose plus de condition formelle au recours au marché à bons de commande" et en précisant que la circulaire du 3 août 2006 "ne présente pas un caractère réglementaire". Celle-ci se borne, indiquait le ministre, "à illustrer certains cas où le recours au marché à bons de commande est particulièrement opportun pour l'acheteur public" et "sa rédaction ne saurait en aucun cas consister une limitation à l'appréciation du pouvoir adjudicateur qui décide de recourir à un marché à bons de commandes ".
Les conclusions de l'arrêt de la cour administrative d'appel auraient donc très certainement été différentes si le contrat en cause avait été conclu sur la base du code de 2006 et non celui de 2004.

 

L'Apasp

Ce que disent les textes

Article 71 du CMP de 2004 : "Lorsque, pour des raisons économiques, techniques ou financières, le rythme ou l'étendue des besoins à satisfaire ne peuvent être entièrement arrêtés dans le marché, la personne publique peut passer un marché fractionné sous la forme d'un marché à bons de commande."
Article 77 du CMP de 2006 : "I. - Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande. Il peut prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ou être conclu sans minimum ni maximum."
Article 6.2.1 de la circulaire du 3 août 2006 portant manuel d'application du code des marchés publics :  "Si l'acheteur public n'est pas en mesure de connaître précisément à l'avance les quantités à commander ou s'il à des raisons de douter de la possibilité de réaliser en une seule fois l'ensemble d'un programme, il peut avoir recours à un marché à bons de commande."

 

 

 

Références : c our administrative d'appel de Bordeaux, 11 décembre 2008, Commune du Tampon, 07BX00734. Question écrite 25456 de Bernard Piras. Réponse du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie publiée dans le JO Sénat du 15 février 2007, page 346.