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Habitat - Quelle politique logement pour 2010?

Le 3 février, Benoist Apparu a présenté les grandes lignes de sa politique 2010 en matière de logement social, qu'il souhaite "territorialiser". Il s'est aussi prononcé sur les regroupements d'organismes et sur une évolution possible de la loi SRU.

Lors de la présentation du rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre, lundi 1er février, Benoist Apparu, le secrétaire d'Etat au Logement, avait déclaré qu'une "grande partie de ses orientations (politiques) se retrouvaient dans les propositions de la Fondation" et étaient "en cours de mise en œuvre". Deux jours plus tard, il présente à la presse les grandes lignes de sa politique logement pour 2010. Pas sûr que la Fondation Abbé-Pierre y retrouve ses billes.

 

Programmation 2010 : +17% pour les PLS, stabilité des PLUS et PLAI

Premier objectif du point presse : présenter la programmation des agréments qui seront délivrés par les services de l'équipement courant 2010. Un document, qui, cette année, est particulièrement attendu. En effet, depuis six mois, le secrétaire d'Etat répète à chacune de ses interventions publiques, que les organismes HLM construisent des logements au mauvais endroit, essentiellement dans les zones non-tendues, alors qu'il faudrait en construire en Ile-de-France, en Paca et en vallée du Rhône. Bref, là où sont les besoins. D'où le caractère fort politique de cette circulaire 2010.
Et que dit cette nouvelle programmation ? D'abord qu'au niveau national, le nombre de logements les moins sociaux augmente fortement : les PLS passent de 32.000 à 37.500, soit une progression de 17%. Au contraire, les logements vraiment sociaux (PLUS et PLAI) restent stables. A l'échelle régionale, les grands gagnants sont les bailleurs franciliens : le nombre d'agréments PLS double en Ile-de-France, passant de 8.000 à près de 17.000… or ces logements aux loyers relativement élevés sont, par nature, ceux qui rapportent le plus d'argent aux bailleurs. Au contraire, les logements les plus sociaux (PLUS et PLAI) augmentent beaucoup plus lentement, passant de 20.000 à 22.000. Pour les autres régions, les changements sont plus modestes : sont en forte baisse les régions Centre, Limousin, Lorraine, Basse-Normandie, Picardie. Pour toutes ces régions, il faut noter que les baisses sur les PLS sont avant tout optiques : ces dernières années, dans de nombreuses régions, les bailleurs refusaient de construire des logements PLS, les demandeurs de logement sociaux dans leur région étant trop pauvres pour payer ces loyers… et donc les agréments programmés n'étaient pas distribués effectivement. Sur cette programmation 2010, Pierre Quercy, le délégué général de l'Union sociale pour l'habitat (USH), note que "ces évolutions sont plus modérées que les discours ministériels de ces derniers mois".

 

Logements d'insertion : baisse d'un tiers des subventions d'Etat dans le monde rural

Deuxième annonce de ce matin : le montant des subventions d'Etat aux logements les plus sociaux (PLAI) va baisser d'un tiers dans les zones rurales : si leur montant pourra toujours atteindre 12.000 euros par logement en zone A (Paris, première couronne, Côte d'Azur, Genevois), il sera limité à 8.000 euros en zone C (toutes les villes de moins de 50.000 habitants). Une annonce qui est une mauvaise nouvelle pour les collectivités territoriales concernées : elles  devront compléter les plans de financement si elles veulent que les logements sortent de terre… Mais cette décision, le secrétaire d'Etat l'assume : il faut arrêter, a-t-il expliqué, "cette schizophrénie délirante" qui consiste "à constater les déficits publics tout en demandant des augmentations partout". Donc "oui, les aides à la pierre sont en baisse dans le budget 2010", mais "l'enveloppe surcharge foncière est maintenue". Et "on ne peut pas parler de désengagement de l'Etat". La preuve ? Sur les "15 milliards d'euros de loyers que touchent chaque année les organismes HLM, 5 milliards proviennent des aides au logement donc de l'Etat". Pour Pierre Quercy, cette assimilation d'une aide sociale à une aide au logement social n'est  juste "pas sérieuse". Rappelons que les allocations logement, versées par les caisses d'allocations familiales, sont destinées à aider les locataires les plus modestes du parc public comme du parc privé à payer leur loyer.  

Regroupements des organismes : "L'OPH de Chalons ne financera pas des logements à Reims !"

Sur les regroupements d'organismes, Benoist Apparu a expliqué qu'il n'a jamais été question de faire des mutualisations entre offices, "qui sont l'expression même de la politique d'une collectivité territoriale". Il a reconnu qu'il n'avait aucun moyen direct d'imposer à des ESH de se rassembler : "On est dans une économie libérale !" La méthode retenue est donc de "négocier avec le 1%". Le secrétaire d'Etat s'est dit favorable aux moyens proposés par l'USH depuis plusieurs années pour encourager les organismes (offices et ESH) à collaborer entre eux et a cité pour exemple les groupements d'intérêt économique. Pierre Quercy prend acte, mais attend la mise en œuvre concrète.
On peut toutefois relever le retournement de la perspective : il y a un an, tout le monde parlait de la fameuse taxation des "dodus dormants", qui avait pour but d'inciter les organismes ayant "trop" de fonds propres à construire. Le décret d'application vient juste de paraître (voir notre article du 11 janvier 2010). Or, ce matin, Benoist Apparu a expliqué à l'aide d'une carte (p.13 du dossier de presse), que les organismes du nord et de l'est de la France, du fait de l'ancienneté de leur parc, avaient trop de fonds propres (au passage, la carte dit seulement que le montant moyen des apports des organismes dans la construction de nouveaux logements est important, et ne représente aucunement le volume total des fonds propres des organismes considérés). Désormais, pour le gouvernement, ces organismes ne doivent plus construire de nouveaux logements mais faire en sorte de donner leur argent à d'autres régions - par ailleurs au niveau de vie globalement plus élevé - l'Ile-de-France, Rhône-Alpes ou Paca. Bref, au programme, dans l'ordre, pour un bailleur un peu malchanceux : payer la taxe dodus-dormants, puis vendre une part de son parc (sur ce point rien de nouveau ce matin), puis aider un organisme situé à 200 km à boucler son plan de financement...

 

Améliorer la loi SRU ?

Enfin, Benoist Apparu a confirmé ses propos de lundi (discours devant la Fondation Abbé Pierre, p. 13) sur l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) : c'est une "bonne loi", "forte et musclée"… ce qui n'empêche pas qu'il faut "l'améliorer par des bouts d'amendements par ci, par là". Il a lancé trois pistes de réforme : premièrement, il "n'est pas normal que les PLS et les PLAI soient comptés de la même façon", deuxièmement, "il faudrait que les logements en intermédiation locative soient intégrés dans le calcul". Troisièmement, le secrétaire d'Etat s'interroge : "Pourquoi existe-t-il ce taux unique de 20% sur tout le territoire alors que les situations locales sont si différentes ?" Si le secrétaire d'Etat n'a pas donné de calendrier, un bon connaisseur du secteur estime qu'"on ne touchera pas à la loi SRU jusqu'au jour où la réforme des collectivités locales sera effective. Une fois toute la compétence logement basculée au niveau intercommunal, tout sera différent..."

Hélène Lemesle
 

 

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