Archives

Fiscalité intercommunale - Pour une territorialisation accrue des impôts locaux

La rencontre "Vers la refondation des finances locales : quel carburant pour l'intercommunalité ?", qui s'est tenue le 23 janvier, a été l'occasion pour l'Assemblée des communautés de France de présenter ses propositions pour une réforme fiscale.

En ce début d'année, l'Assemblée des communautés de France (ADCF) a relancé les débats sur la fiscalité locale. Contradiction levée lors de la rencontre, due sans doute à la richesse des expertises des intervenants, la première partie des débats de la matinée a laissé planer des doutes réels sur l'opportunité d'une réforme de la fiscalité. Le plus provocateur des intervenants fut sans doute le sénateur Yves Fréville qui, en début de matinée, a déclaré : "Il est illusoire de croire que l'on puisse construire un nouveau système fiscal moderne sur des impôts dont les bases demeurent locales : l'impôt local est le plus inégalitaire de tous les prélèvements et les activités ne sont plus aujourd'hui localisables !" 

Une réduction de 50% des concours de l'Etat

Cette remise en cause de la pertinence des impôts locaux est-elle en contradiction totale avec les positions de l'ADCF ? On a le sentiment qu'à l'inverse, consciente de cettte problématique, l'ADCF choisit justement, comme les autres associations d'élus locaux, de se tourner vers un partage des impôts nationaux tout en soutenant une plus grande territorialisation des impôts locaux. Le débat du 23 janvier a illustré la contradiction qui plane depuis des années sur la fiscalité locale : les idées sont bonnes mais sont-elles réalisables ? La commission des finances de l'ADCF, consciente de l'ampleur de la tâche, a demandé un étalement sur dix ans de la réforme.

Les principes qui guident la position de l'ADCF sont similaires à ceux énoncés par Philippe Valletoux dans son rapport au Conseil économique et social, "Fiscalité et finances publiques locales : à la recherche d'une nouvelle donne". En effet, les communautés demandent la reconquête de l'autonomie financière des collectivités avec une réduction de 50% des concours de l'Etat en échange de nouvelles ressources. 
L'ADCF estime que deux affectations (c'est-à-dire deux niveaux de collectivités) doivent au maximum se partager un seul impôt et une seule doit avoir le pouvoir fiscal (c'est-à-dire la capacité de voter les taux). Elle donne au couple commune-intercommunalité la place centrale dans l'affectation des "quatre vieilles". Il faudrait plutôt parler de "cinq vieilles" car, à l'instar de Philippe Valletoux, la commission des finances de l'ADCF propose que la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) se décompose  en une part ménages et  une part entreprises. "Une réforme, a rappelé Charles Eric Lemaignen, vice-président de l'ADCF, qui ne peut se faire que si en parallèle, la prise en compte du foncier d'entreprise dans l'assiette de la taxe professionnelle disparaît. En effet, on ne peut pas demander aux entreprises de payer deux fois sur la même richesse." L'ADCF n'envisage pas, à l'inverse du rapport Valletoux, une prise en compte dans l'assiette de la taxe foncière ou de la taxe d'habitation du revenu des contribuables.

Pour l'interco...

Pour recentrer les impôts locaux sur le couple commune-intercommunalité, l'ADCF propose qu'une part d'IRPP soit affectée aux régions qui garderaient cependant une part de TP. Les ressources fiscales des départements seraient alimentées par une part de CSG et par une part de la TFPB entreprises. L'ADCF demande une diversification des ressources intercommunales. A noter, loin des discours des années précédentes, l'ADCF estime, réforme de la TP oblige, que la solution d'avenir est donc la fiscalité mixte. Elle propose que la TP intercommunale soit généralisée, que les impôts ménages soient tous affectés au bloc local, que la part entreprises de la TFPB soit partagée avec les départements. Le principe voudrait que la commune soit chef de file sur les impôts ménages mais la possibilité de transférer ce pouvoir fiscal à l'EPCI est envisagée. Philippe Josse, directeur du budget du Minefi, regrette que l'ADCF n'ait pas fait preuve d'un esprit plus "intégrateur". "On sait très bien que les taux des impôts ménages sont très différents entre communes d'un même EPCI et cette situation devrait, à terme, comme pour la TP, être lissée. De plus, rien n'est dit sur une dotation globale de fonctionnement intercommunale qui viserait à redistribuer au niveau de l'EPCI le surplus de DGF."

Des propositions réalistes ?

"Le transfert de la part des impôts nationaux serait de près de 32 milliards d'euros, compensé par une déduction équivalente des dotations." Le délégué général de l'ADCF, Nicolas Portier, a précisé que la part de péréquation de la DGF resterait la même. "Je n'arrive pas à voir comment ces propositions, que je trouve très intéressantes au demeurant, pourront trouver leur application dans la réalité, a commenté Yves Fréville. Comment les collectivités vont-elles rendre les sommes équivalentes à celles qu'elles auront gagné avec le transfert de parts d'impôts nationaux alors que ce ne sont pas les mêmes qui aujourd'hui bénéficient de la DGF et qui demain toucheront la CSG ou la part de l'impôt sur les revenus ?" Le sénateur estime qu'il y aura des perdants et qu'ils voudront être indemnisés. Ce discours a trouvé un écho favorable auprès du directeur du budget du Minefi qui a rappelé que l'assiette actuelle de la CSG était localisée pour 30% en Ile-de-France et pour une bonne part en région Rhône-Alpes et Paca : "Comment allons-nous redistribuer cet impôt ? Et puis, quand on me propose un schéma qui vise à transférer près de 40 milliards d'euros, j'appelle mon cardiologue à la rescousse." A la question, l'Etat pourra-t-il accepter une telle réforme, le haut fonctionnaire, qui s'interdit de parler au nom de l'Etat, a conclu, amusé, par une question : "Croyez-vous que l'Etat soit prêt à perdre son pouvoir fiscal sur près de 40 milliards d'euros ? "  

 

Clémence Villedieu


 

D'ici 2015

- Taxe professionnelle par les régions et l'intercommunalité (chef de file fiscal sur la TP) ;
- Taxe d'habitation, taxe foncière sur les propriétés nons bâties (TFPNB) et taxe foncière sur les propriétés bâties ménages affectées au seul bloc local qui récupère les parts des régions et des départements ;
- Taxe foncière sur les propriétés bâties entreprises partagée entre le bloc local et les départements qui récupèrent la fraction régionale.