Congrès AMF - Réforme de la fiscalité locale : "Il faut rassembler nos forces"

Pour le traditionnel débat du Congrès des maires consacré aux finances locales, les trois principales associations d'élus (AMF, ADF, ARF) ont, pour la première fois, présenté un front commun, force de propositions unique pour une réforme négociée de la fiscalité locale. Premières pistes de réflexion.

A quelques mois des échéances électorales, le temps n'est plus, en matière de finances publiques, celui des passes d'armes entre l'Etat et les collectivités. Alors qu'il y a quelques semaines, les débats parlementaires sur le projet de loi de finances pour 2007 s'annonçaient difficiles, l'adoption du texte en première lecture à l'Assemblée nationale s'est accompagnée d'une dizaine d'amendements sans grandes répercussions. Ce 23 novembre, tandis que la première lecture du projet de budget débutait cette fois dans l'hémicycle du Sénat, le rendez-vous de l'Association des maires de France (AMF) consacré aux finances locales n'a sans doute pas été, contrairement aux années précédentes, l'événement phare du congrès - cette occasion rituelle de regrouper les troupes des maires, toutes tendances politiques confondues, derrière une identité commune, celle de l'élu local appelant l'Etat à plus de compréhension.
Le débat de jeudi s'est voulu consensuel, autour d'un constat partagé depuis des années, celui d'une nécessaire réforme de la fiscalité locale. La réelle avancée porteuse d'un message d'avenir peut sembler dérisoire mais devrait, si elle perdure dans l'avenir, avoir des répercussions réelles : pour la première fois, les trois principales associations d'élus locaux, l'AMF, l'ADF et l'ARF, se présentent comme un front commun. Les trois associations, qui ont demandé au Conseil économique et social son avis sur les perspectives de réforme de la fiscalité locale, devraient attendre les conclusions du CES annoncées pour le 13 décembre avant de faire leurs propositions communes.

Une part de l'impôt sur le revenu

Déjà, des premières pistes ont été proposées le 23 novembre par la commission des finances de l'AMF. Son président, Philippe Laurent, a déclaré : "Nous estimons désormais nécessaire l'introduction des revenus dans l'assiette taxable au niveau local, pas nécessairement des communes mais, par exemple, des départements." Cette position devrait trouver un écho favorable auprès des maires qui, interrogés à cette occasion par un sondage CSA, estiment à 51% que l'assiette fiscale doit prendre en compte le revenu des ménages. Sans être précisée, cette ouverture ressemble à la proposition consistant à affecter une part de CSG aux conseils généraux.
"Nous proposons également, a ajouté le maire de Sceaux, une nouvelle façon de fixer les valeurs locatives foncières qui tienne compte de la valeur réelle des biens ; enfin, nous souhaitons que la taxe professionnelle évolue dans le sens d'une extension du champ des contribuables et d'une simplification et relocalisation des bases." L'AMF suggère aussi, comme l'a répété durant le débat son président, Jacques Pélissard, que soit étudiée une nouvelle fiscalité automobile en lien avec les conséquences environnementales de l'utilisation de la voiture individuelle, estimant que "la suppression de la vignette n'a pas été une bonne démarche".
D'autres pistes ont été abordées : la création d'un impôt sur les activités de services et les activités financières, dans la mesure où, a commenté Maxime Camuzat, maire de Saint-Germain-du-Puy (Cher), "la fiscalité doit s'adapter aux évolutions des activités génératrices de richesses". Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), a appelé à la solidarité entre niveaux de collectivités : "Changeons de méthode, on peut dès aujourd'hui introduire, dans les contrats territoriaux, un pacte fiscal." Et Claudy Lebreton d'ajouter, pour alimenter l'attente d'une plus forte péréquation demandée par tous : "Je propose que l'on crée un fonds national de péréquation alimenté par l'impôt économique."

La négociation s'impose

La méthode a donc changé, comme l'a d'ailleurs montré le déroulement de la rencontre. Alors que les années précédentes, le ministre concerné bouclait les débats dans une ambiance électrique, cette année, Jean-François Copé était absent durant les discussions de fond. Il faut dire qu'au même moment, la discussion du projet de loi de finances imposait la présence du ministre du Budget au Sénat. Il était seulement venu se prêter, quelques minutes plus tôt, au jeu des questions-réponses avec la salle. "Démocratie participative oblige", a commenté, amusé, Philippe Laurent.
Pour autant, les positions défendues par l'Etat n'étaient pas absentes. Gilles Carrez, rapporteur du budget, et Alain Méhaignerie, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, ont donné leurs avis "au risque de ne pas être applaudis par la salle", tel que l'a précisé le second. L'un comme l'autre se sont montrés perplexes vis-à-vis d'une réforme de la fiscalité locale, "alors que depuis 15 ans, la refonte des bases locatives est à l'ordre du jour". Pour les deux députés, la vraie question est ailleurs : l'Etat ne pourra plus prendre en charge dans son budget les augmentations de dotations et de dégrèvements. Les collectivités devront donc faire des efforts pour maîtriser leurs dépenses. "Nous ne voulons pas plus d'impôt", a rétorqué Claudie Lebreton. "Nous sommes désormais partie liée, a conclu le président de l'ADF, nous ne sommes plus le front de l'opposition mais le front territorial. Et  nous ne demandons pas la grande réforme du grand soir. Nous voulons un changement de méthode, une véritable négociation. Prenons trois ans s'il le faut pour trouver enfin une réponse satisfaisante pour l'Etat comme pour les collectivités." 

 

Clémence Villedieu