Convention de l'ADCF - Un "voyage spatio-temporel" dans la France intercommunale de 2025
En ouvrant la dix-septième Convention nationale de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), Marc Censi, son président, n'a pas déçu l'auditoire venu en nombre à Deauville ce 12 octobre. Il s'est non seulement plié à l'exercice obligé de la "feuille de route" à la veille de l'élection présidentielle mais a aussi tracé, avec brio, l'avenir de l'intercommunalité à l'échéance de... 2025. Au-delà de l'anecdote, les innovations sont au rendez-vous, qu'il s'agisse de répartition des compétences, de modes d'élection, de positionnement des départements, de fiscalité ou de dotations. Verbatim de ce scénario d'anticipation, qui s'est conclu par les applaudissements appuyés de l'auditorium du centre international de Deauville.
"Je propose, pour ouvrir cette dix-septième Convention nationale, un voyage spatio-temporel : imaginez que je sois le Premier ministre et que je présente devant vous, en 2025, le bilan de l'intercommunalité, pour la trente-sixième convention de l'ADCF !
Je commencerais par vous rappeler que depuis 2015, les 30.000 communes de France - car environ 5.000 d'entre-elles ont opté pour une formule de jumelage - sont regroupées en 2.000 communautés territoriales et forment ensemble le premier niveau d'administration locale. Je rappellerai qu'en 2014, la France a accepté par référendum un nouveau traité européen qui inscrit dans la Constitution le principe de subsidiarité. Désormais, seul le niveau local constitué par le bloc communes-communautés dispose solidairement de la clause générale de compétences. Toutes les compétences qui ne peuvent pas être exercées par le couple commune-communauté sont transférées selon la règle de l'intérêt départemental ou régional aux échelons correspondants.
Depuis 2014, les scrutins de liste s'appliquent aux communes de plus de 2.000 habitants et les listes municipales présentent dans un ordre déterminé d'avance les candidats à un siège du conseil communautaire. C'est seulement en 2020 que la principale innovation est intervenue, après une longue phase de débats et d'expérimentations : si les systèmes diffèrent selon les strates démographiques de communautés, une partie des élus procèdent du suffrage universel sur une base intercommunale. Dans toutes les hypothèses, en 2025, le président de la communauté assure la représentation territoriale et siège de droit au conseil général quand celui-ci est maintenu. Car après expérimentation, certains grands départements urbains ont été recoupés. Dans les autres départements, le conseil est composé de deux collèges : un collège constitué de présidents de communautés, qui assure la représentation territoriale, et un deuxième collège constitué de personnes élues au scrutin de liste proportionnel.
Enfin, la réforme fiscale entre dans sa phase finale : elle aura été étalée sur dix ans et aura coûté à l'Etat une dizaine de milliards d'euros. Mais près de 8 milliards d'euros de dotations de compensation ont été progressivement supprimées en échange d'un regain d'autonomie fiscale. Une règle d'or été adoptée : un impôt ne peut revenir au maximum qu'à deux niveaux institutionnels. Lorsque deux échelons émargent sur la même assiette, seul l'un des deux est habilité à faire évoluer le taux d'imposition. Ajoutons que les départements reçoivent désormais une part de CSG et les régions une fraction de l'impôt sur le revenu, et que ces deux niveaux se partagent un nouvel impôt économique à assiette large fondé sur les télécommunications. En contrepartie, les parts régionale et départementale des quatre vieilles taxes ont été supprimées, le taux sur le contribuable 'entreprise' revient à l'intercommunalité et les taux appliqués sur le contribuable 'ménage' revient aux communes. Enfin, le fait de doter les collectivités territoriales d'impôts évolutifs a permis aux dotations de l'Etat de se recentrer sur la péréquation et la DGF territoriale s'est peu à peu généralisée selon des modalités propres de celles proposées par l'ADCF en 2006."
Propos retranscris par Clémence Villedieu (à Deauville)
En attendant 2025, la feuille de route pour la prochaine législature
- L'achèvement de la carte intercommunale : l'ADCF propose qu'une date butoir soit fixée au milieu de la prochaine législature (au 31 décembre 2011) pour organiser le rattachement des dernières communes isolées à des communautés ;
- Pour définir une méthode visant à perfectionner les périmètres actuels, l'ADCF demande que les commissions de coopération intercommunale soient recomposées afin de donner plus de place aux présidents de communautés ;
- Pour renforcer l'esprit communautaire, il faut imaginer de nouvelles règle du jeu , telles que la mise en place d'un débat public approfondi sur le projet de territoire - qui pourrait même être obligatoire -, mais aussi l'instauration de procédures simplifiées et la suppression des dates butoir pour la détermination de l'intérêt communautaire ;
- Pour améliorer les relations avec les communes, l'ADCF propose que le statut d'EPCI soit adapté et devienne celui d'une "communauté territoriale" ;
- En vue des prochains rendez-vous contractuels liés aux fonds structurels et aux futurs contrats de projet, l'ADCF appelle notamment l'Etat à donner une consistance réelle au volet territorial de ces contrats de projet ;
- Pour l'ADCF, la revendication d'une DGF territoriale fait son chemin et une expérimentation serait la bienvenue après les municipales de 2008 ;
- Concernant la question sensible de la désignation des élus communautaires, l'ADCF propose que soient clairement identifiés les futurs élus pour les élections municipales organisées en scrutin de liste et propose que le seuil des communes désormais concernées par ce mode de scrutin soit abaissé à 2.000 ou 2.500 habitants.
C.V.