Assises du grand âge - Pour une meilleure coordination de la réponse gérontologique
Les troisièmes Assises nationales du grand âge, organisées par Ideal Connaissances, réuniront le 4 décembre à Paris les acteurs du secteur des personnes âgées, notamment du côté des collectivités, leur permettant de faire le point et d'échanger sur les chantiers à venir (cinquième risque dépendance, projet de loi Bachelot, plan Alzheimer...) et les enjeux prioritaires du moment. Alors que s'amorcent de nouvelles perspectives de rapprochement entre sanitaire et social, l'accent sera mis sur les questions de pilotage, de "gestion concertée", d'articulation entre les différents niveaux d'intervention. Le tout autour de la présentation de démarches territoriales exemplaires. Parmi elles, l'expérience du département de la Marne et de ses coordinations gérontologiques locales, à travers le cas du CCAS-CIAS porteur de la première d'entre elles, la coordination locale d'Aÿ Epernay. Et à travers le témoignage de Guy Carrieu, directeur général des services du conseil général de la Marne, qui a visiblement depuis le départ joué un rôle moteur en faveur de cette politique volontariste. En préambule à ces Assises nationales, Guy Carrieu nous a apporté un premier éclairage.
Localtis - Quels sont selon vous les principaux enjeux actuels dans le domaine de la prise en charge des personnes âgées, tel que vous pouvez les percevoir dans votre département ?
Guy Carrieu - Le premier élément qui nous préoccupe est évidemment le vieillissement de la population - ainsi que l'aggravation des phénomènes de dépendance - et l'adaptation des réponses que nous pouvons apporter, que ce soit à domicile ou en établissement. S'y ajoute un élément plus nouveau : la mise aux normes des établissements aux standards actuels et le surcoût que cela engendre. Lorsqu'un prix moyen de journée passe en quelques années de 45 à 65 euros, soit d'environ 1.300 euros à 2.000 euros par mois, cela devient difficilement supportable pour nombre de personnes âgées et leurs familles. Cela se vérifie partout. Les personnes âgées ne se tourneront alors plus vers la maison de retraite qu'en fin de vie, ce qui implique une forte adaptation des établissements - un changement de la réponse à apporter. Aujourd'hui déjà, la moyenne d'âge en maison de retraite dans notre département est de 84 ans. On y vient plus tard... et donc avec une durée moyenne de séjour de plus en plus courte, actuellement de 400 jours. Cela, d'ailleurs, ne fait que renforcer la nécessité d'une forte coordination entre le sanitaire et le médico-social, entre le médical et le nursing... Ainsi que la nécessité de développer d'autres types de structures d'accueil, des structures intermédiaires pour personnes valides, à prix abordables, du type des Marpa, les maisons d'accueil rurales pour personnes âgées, dont je suis un ardent défenseur.
A ce contexte économico-démographique, fait de déséquilibres croissants, s'ajoute un problème qui commence juste à poindre, lié aux plus de 60 ans qui n'ont pas cotisé. On peut par exemple songer à une personne âgée ayant été Rmiste pendant 20 ans après des années de chômage... Même si ce phénomène est embryonnaire pour l'instant, comment répondre à ce type de situations ? On peut dire que jusqu'à présent, le sort des personnes âgées en termes de capacité de financement s'était amélioré... mais que la tendance risque de s'inverser.
La troisième grande préoccupation concerne le personnel, son adaptation à ces évolutions et la façon de le mobiliser alors même qu'il est confronté à un travail de plus en plus lourd. Comme on parle du burn-out des travailleurs sociaux, on peut parler d'un burn-out des personnels des établissements pour personnes âgées, qui est à prendre sérieusement en compte dans notre réponse gérontologique. Cela passe par exemple par des dispositifs tels que la VAE, pour permettre de vrais parcours professionnels. Cette validation des acquis, que le conseil général soutient, apporte des réussites, même si on peut encore améliorer les choses. Cela passe aussi, là encore, par une nouvelle coordination ouvrant la voie à de nouvelles mobilités : faire en sorte que les personnels puissent alterner entre intervention à domicile et établissement, accueil de jour et long séjour... Actuellement, ce n'est pas infaisable mais c'est compliqué. Cela implique un changement de culture - et une connaissance partagée des métiers, des milieux, des pratiques...
Est-ce que cette mobilité fait partie des objectifs de votre schéma départemental de gérontologie ? Et qu'implique ce même schéma en termes de coordination justement ?
Nous essayons en tout cas d'aller dans le sens de cette mobilité. Le premier schéma départemental a été adopté il y a treize ans, en 1999. Le deuxième l'a été en 2006... et le troisième est en réflexion. Dès le départ - au-delà des axes d'action eux-mêmes, tel que le maintien à domicile par exemple -, il s'est agit de placer la coordination au coeur des politiques gérontologiques du département, que ce soit au niveau de l'évaluation des besoins, des moyens ou des compétences. Et ce, avant que les Clic n'existent.
Nous avons animé de nombreuses réunions sur le terrain afin de sensibiliser les acteurs, dont certains avaient naturellement peur de perdre une partie de leur pouvoir. Le premier volontaire pour entrer dans cette démarche a été le CCAS d'Aÿ, dont nous évoquerons l'expérience le 4 décembre lors des Assises, avec lequel nous avons créé la première coordination gérontologique locale du département. Aujourd'hui, la Marne compte sept coordinations gérontologiques, qui sont des Clic de niveau 3. Lorsque tout le territoire sera couvert, on devrait en compter dix ou onze.
Quel est le territoire d'intervention de ces coordinations gérontologiques locales ?
Les échelles d'intervention sont très variables d'une coordination à l'autre. Cela va des communautés de communes jusqu'à un canton voire plusieurs cantons, en fonction par exemple, des zones d'attractivité des équipements et services. Elles peuvent aussi évoluer. Ainsi, à Aÿ, la coordination concernait une communauté de communes et 11.000 habitants il y a onze ans... et s'étend aujourd'hui à Epernay, soit plus de 40.000 habitants. Je pense que la bonne échelle moyenne d'une coordination est de l'ordre de 30.000 à 50.000 habitants, soit 5.000 à 10.000 personnes de plus de 60 ans. Mais il est difficile d'établir un modèle type.
Il en est de même, d'ailleurs, pour les porteurs des coordinations qui, chez nous, sont multiformes. Certaines sont portées par le CCAS-CIAS, d'autres par la maison de retraite, une par l'hôpital, deux par une association de personnes âgées, une par une association familiale... Tout est possible, y compris par exemple le portage par un médecin libéral.
En tout cas, tous les intervenants du champ gérontologique sont impliqués dans chacune des coordinations locales. Une fois lancées, les choses fonctionnent bien en général. Et le service est connu de la population, grâce à une large information via les bulletins municipaux, les pharmacies... Un service à quatre niveaux d'intervention : l'accueil et l'information des personnes et des familles ; l'évaluation de la situation de la personne ; l'orientation vers les services adaptés ; le suivi de la prise en charge.
Propos recueillis par Claire Mallet