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Territoires ruraux - Pour un retour en grâce de l'aménagement du territoire

Les députés Jérôme Bignon et Germinal Peiro veulent remettre l'aménagement du territoire à l'honneur avec un ministère de plein exercice rattaché au Premier ministre. Leur évaluation de 200 pages fait le point sur l'ensemble des politiques de développement rural. Elle place le numérique et les soins en tête des priorités pour accompagner des territoires en mouvement et non plus en déclin...

Réorganisation des services publics, raréfaction de l'offre de soins, territoires enclavés, retard dans le déploiement du très haut débit : "Force est de constater le sentiment largement répandu d'abandon du monde rural par l'Etat", concluent les députés Jérôme Bignon (UMP) et Germinal Peiro (PS) dans un rapport d'évaluation de la politique d'aménagement du territoire en milieu rural adopté à l'unanimité par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, le 2 février.
Après un an de travail passé à éplucher une à une toutes les politiques de développement rural (éducation, santé, gendarmerie, trésoreries, transport, logement, etc.), les rapporteurs plaident pour un retour en grâce de l'aménagement du territoire garant de l'équilibre. "Il faut faire passer l'idée que l'aménagement du territoire n'est pas là pour contenir un déclin mais pour accompagner une mutation", a insisté Jérôme Bignon lors d'une conférence de presse. Allusion au regain démographique des territoires ruraux avec des projections qui tablent sur un accroissement de 28% de la population en Midi-Pyrénées et de 26% en Aquitaine. "Il faut s'entendre sur un socle de services publics en dessous duquel la France risque" une rupture d'égalité, a ajouté le député de la Somme. Un message à l'attention des candidats à l'élection présidentielle et des futures équipes aux commandes qui disposeront à travers ce document de 200 pages d'un état des lieux de la situation des territoires ruraux. A ce titre, les députés regrettent que l'aménagement du territoire ait été ballotté au cours des dernières années, jusqu'à être rattaché au ministère de l'Agriculture de Bruno Le Maire. Eux plaident pour un ministère de plein exercice directement rattaché au Premier ministre. "Aujourd'hui, l'aménagement du territoire représente 11 ministères, 16 missions et 35 programmes budgétaires. Cette interministérialité ne peut être assumée que si existe un chef de file puissant", a insisté Jérôme Bignon.
Dans le même sens, le rôle de la Datar doit être "réaffirmé". Elle doit disposer d'un tableau de bord d'évaluation de la politique d'aménagement du territoire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Les députés ayant dû mené tout ce travail d'orfèvre.

Très haut débit

Pour les deux rapporteurs, la priorité des priorités est le déploiement des communications électroniques, comparé à l'arrivée de l'électricité. Car c'est lui qui conditionnera tout le reste : installation de jeunes médecins, et même de jeunes agriculteurs dont les modes de travail ont changé, arrivée de nouvelles activités économiques... Or, pour Germinal Peiro, "le risque de fracture numérique n'est pas encore écarté" malgré les efforts du programme national. Si le déploiement du haut débit en France a été "le plus précoce, le plus généralisé et au moindre coût", celui du très haut débit s'avère "plus complexe", jugent les députés. Alors que les 900 millions d'euros prévus dans le programme d'investissements d'avenir pour les zones les moins denses vont amorcer la pompe, le rapport se félicite des propositions du sénateur Hervé Maurey sur le financement pérenne du nouveau fonds d’aménagement numérique du territoire (Fant). Un fonds destiné à financer les 660 millions d'euros nécessaires chaque année pour achever la carte du très haut débit, selon les estimations de la Datar. Mais la proposition de loi du sénateur, adoptée par la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, le 2 février (voir ci-contre notre article de ce jour), a été amputée de deux sources de financement chères aux rapporteurs : la contribution de solidarité numérique sur les abonnements (téléphonie et internet) et la taxe de 2% sur les produits électroniques grand public.

Ingénierie

Par ailleurs, l'évaluation rappelle que l'accès aux soins est la première attente des habitants des territoires ruraux, sachant que "2,5 millions de personnes vivent dans des zones touchées par la désertification médicale". Les députés constatent des variations de un à huit d'un territoire à l'autre pour les infirmiers libéraux, et de un à quatre pour les dentistes... Ils ne tranchent pas la question du choix entre mesures incitatives ou contraignantes. Mais la pléthore d'aides incitatives s'avèrent inefficaces face au premier frein à l'installation de jeunes médecins : l'isolement. Selon eux, les collectivités commencent toutefois à s'approprier les outils de la loi du 21 juillet 2009 sur la réforme de hôpital (dite "HSPT"). Ils recommandent aux élus de soutenir la création de maisons pluriprofessionnelles. Ils appellent à la signature de contrats locaux de santé conclus entre élus et agences régionales de santé (ARS) sur tout le territoire à horizon 2015. Selon les rapporteurs, les ARS ont une "responsabilité particulière en la matière et doivent en rendre compte au Parlement".
Les députés s'inquiètent par ailleurs des effets de la révision générale des politiques publiques (RGPP) sur l'ingénierie apportée par l'Etat aux collectivités. "L'Etat s'est progressivement replié du fait de la RGPP", a souligné Jérôme Bignon. De fait, depuis le 1er janvier 2012, les directions départementales des territoires (DDT) n'assurent plus l'ingénierie aux communes assurée auparavant par les anciennes directions départementales de l’équipement (DDE) et les directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF). Tirant un bilan positif des pôles d'excellence rurale (PER), les députés pointent cependant les limites de la logique d'appel à projets. "Il faut tenir compte dans les appels à projets de la capacité des territoires les plus faibles, sinon les seuls à répondre seront les bien portants et les plus riches", prévient Jérôme Bignon. Les députés proposent ainsi un mix entre zonages prioritaires et appels à projets... 

 

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