Accès aux soins - Pour l'UFC-Que Choisir, l'accès aux soins s'est fortement dégradé depuis quatre ans
L'étude publiée par l'UFC-Que Choisir fait l'effet d'un pavé dans la mare. Alors que le gouvernement met en avant les efforts entrepris pour lutter contre la désertification médicale de certains territoires - maisons de santé, contrats d'engagement de service public, prime d'engagement hospitalier, modulation du numerus clausus... -, l'association de consommateurs estime que la situation en matière d'accès aux soins s'est fortement dégradée depuis quatre ans, autrement dit depuis sa précédente étude sur le sujet.
Cinq typologies de territoires
La méthodologie de l'enquête de 2016 est identique à celle de 2012, ce qui permet une véritable comparaison (même si certains aspects méthodologiques pourraient être discutés). L'étude porte sur l'exploitation des données de "l'annuaire santé" de la Cnam, ciblées sur quatre professions médicales : généraliste, ophtalmologiste, gynécologue et pédiatre.
Ce travail - qui combine une approche en termes d'offre de soins et de proximité géographique (moins de 30 minutes du domicile) - aboutit à une typologie en cinq territoires : désert médical (au moins 60% en dessous de la moyenne médicale), accès difficile aux médecins (entre 30 et 60% en dessous), accès satisfaisant (entre la moyenne nationale et 30% en dessous), offre abondante de médecins (entre la moyenne nationale et 30% au-dessus) et offre surabondante (au-delà de 30%).
Vingt millions de Français ont un accès restreint aux soins
Selon l'étude, jusqu'à 20 millions de Français ont un accès restreint aux soins et, entre 2012 et 2016, l'accès à un médecin généraliste s'est dégradé pour environ un quart de la population. Cette dégradation monte même à 38% pour les ophtalmologistes, 40% pour les pédiatres et 59% pour les gynécologues (chiffres en partie biaisés, puisqu'ils ne tiennent pas compte des choix de santé publique concernant ces deux dernières professions).
Entre 14,6 millions d'usagers (pour les généralistes) et 21,1 millions (pour les pédiatres) vivraient ainsi dans un territoire "où l'offre de soins est notoirement insuffisante", principalement dans les zones montagneuses et rurales (même s'il existe aussi des déserts médicaux urbains).
Encore ces chiffres ne tiennent-ils pas compte de l'accès financier aux soins, autrement dit de la question du secteur d'exercice du praticien (secteur 1 ou secteur 2). Si on cherche à se faire soigner sans dépassement d'honoraires, ce sont ainsi plus de huit Français sur dix qui n'ont pas accès à un ophtalmologiste ou à un pédiatre près de chez eux.
L'échec du "saupoudrage incitatif"
L'UFC-Que Choisir voit deux raisons principales à cette situation. La première tient à "une moins bonne répartition géographique des médecins". L'association estime notamment que "les mesures de 'saupoudrage incitatif', qui visent à inciter financièrement les médecins à s'installer dans les zones sous-dotées, prouvent ici leur criante inefficacité".
La seconde raison résiderait dans "le dispendieux échec du contrat d'accès aux soins". L'UFC-Que Choisir estime ainsi qu'en 2014, ce contrat n'a permis d'éviter que 59 millions d'euros de dépassement, sur un total de 2,49 milliards.
Forte de ces différents constats, l'UFC-Que Choisir – qui n'a jamais caché son inclination pour des mesures coercitives - "exhorte la ministre de la Santé et l'assurance maladie à tirer les leçons des échecs passés, en adoptant deux solutions concrètes à l'aggravation de la fracture sanitaire". La première consisterait à fermer l'accès au secteur 2, "dont les effets délétères ne sont plus à prouver". La seconde porterait sur la mise en place d'un conventionnement sélectif des médecins. Dans cette hypothèse, l'installation ne pourrait se faire qu'en secteur 1 dans les zones à l'offre surabondante, "ce qui permettra de réinjecter de l'offre accessible dans des territoires qui en manquent et d'améliorer la répartition géographique des médecins".