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Accès aux soins - Douze engagements et 250 millions d'euros pour attirer les médecins à l'hôpital public

Après la séquence consacrée à la médecine libérale - qui vient notamment de se traduire par la création du contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire et du contrat de praticien isolé à activité saisonnière (voir notre article ci-contre du 2 novembre 2015) - place à la séquence hospitalière, avec la présentation par Marisol Touraine, le 2 novembre, du "Plan d'action pour l'attractivité de l'exercice médical à l'hôpital public". Si les outils diffèrent, l'objectif reste le même : lutter contre les déserts médicaux et améliorer la couverture médicale des territoires défavorisés.

Une "prime d'engagement" pour inciter à rejoindre l'hôpital

Le plan s'inspire très largement des préconisations du groupe de travail animé par Jacky Le Menn, sénateur (PS) d'Ille-et-Vilaine. Il s'inscrit aussi dans le cadre du pacte Territoire Santé, lancé en 2012 par la ministre des Affaires sociales et de la Santé (voir notre article ci-contre du 13 décembre 2012).
En pratique, le plan comporte trois axes et douze engagements. Premier axe : favoriser l'engagement dans la carrière médicale hospitalière. A ce titre, il prévoit de faciliter l'entrée des jeunes praticiens dans la carrière hospitalière (en les accompagnant dans la construction de leur projet et en simplifiant les dispositions statutaires), d'homogénéiser les droits sociaux et d'exercice en début de carrière (par exemple, avec une meilleur protection maladie et maternité), mais aussi d'inciter à l'engagement dans la carrière hospitalière dans les zones sous-denses ou les spécialités en tension. Pour cela, il est prévu la mise en place, dès 2016, d'une "prime d'engagement hospitalier", puis d'un avancement accéléré après cinq ans de carrière. Trois mille praticiens devraient bénéficier de cette prime d'engagement d'ici à 2018.

Une "prime d'exercice territorial" pour 15.000 praticiens hospitaliers

Le second axe du plan consiste à fidéliser les professionnels et à favoriser leur implication dans les projets médicaux de territoire. Ceci passe notamment par un soutien aux "dynamiques d'équipes médicales de territoire", avec la création d'une "prime d'exercice territorial", versée aux praticiens exerçant sur plusieurs sites. Quinze mille praticiens hospitaliers devraient en bénéficier d'ici à 2018. Le plan prévoit aussi d'améliorer la valorisation du temps de travail médical - grâce à une indemnisation de la permanence des soins améliorée et homogénéisée - et d'accompagner l'évolution des modes d'exercice hospitalier, par exemple en faisant converger les statuts de praticiens hospitaliers à temps plein et à temps partiel et en facilitant les activités à temps partagé, notamment en début de carrière.
Autres engagements sur ce second axe : la dynamisation des parcours professionnels grâce à une diversification des missions confiées aux praticiens et l'amélioration des dispositions statutaires "pour relever les défis de la démographie médicale". En pratique, il s'agit notamment de permettre la prolongation d'activité jusqu'à 70 ans et le cumul emploi-retraite jusqu'à 72 ans. L'objectif est, en l'occurrence, de compenser les effets du creux démographique prévu jusqu'en 2022. Environ 30% des praticiens hospitaliers doivent en effet partir en retraite d'ici à 2020.

Un effort sur les conditions et la qualité de vie au travail

Enfin, le troisième axe du plan d'action prévoit de renforcer l'animation des équipes et d'améliorer les conditions de travail à l'hôpital. Ceci passe, entre autres, par l'amélioration du management des équipes médicales (un guide d'accompagnement est annoncé pour 2016) et par le développement du volet "personnel médical" dans les projets sociaux des établissements.
Les deux autres engagements sur cet axe consistent à développer une "nouvelle dynamique" autour des conditions et de la qualité de vie au travail pour les personnels médicaux (sans toutefois l'annonce de mesures très précises) et à "impliquer les professionnels médicaux" dans les démarches d'actualisation des connaissances, de développement des compétences et d'amélioration des pratiques. Il s'agit en l'occurrence de réformer le DPC (développement professionnel continu) et de déployer le nouveau dispositif à partir de 2016.

Vers un pacte Territoire Santé 2

Dans son intervention lors de la présentation du plan d'action, Marisol Touraine a redit son engagement en faveur de mesures incitatives - une constante depuis sa prise de fonctions -, en affirmant que "les mesures incitatives répondent aux attentes des professionnels et changent la donne sur le terrain". Elle a également annoncé qu'elle "[prolongera] prochainement cette dynamique par un pacte Territoire Santé 2, fidèle à la logique incitative".
Pour assurer le financement de ces mesures, la ministre des Affaires sociales et de la Santé annonce la mobilisation d'une enveloppe d'"environ 250 millions d'euros", répartie entre 2016 et 2019. Une partie de cette enveloppe devrait être financée par une diminution des dépenses d'intérim médical, qui représentant aujourd'hui un coût annuel de l'ordre de 500 millions d'euros.
Enfin, ce plan devrait être complété par un autre volet - concernant l'ensemble des praticiens - lors de la "grande conférence de la santé", annoncée par Manuel Valls en mars dernier face aux manifestations de médecins et qui se tiendra le 11 février 2016 (voir notre article ci-contre du 24 juin 2015). Cette conférence devrait être consacrée notamment à la formation des médecins, à l'évolution des métiers et aux conditions d'exercice.

Jean-Noël Escudié / PCA

Les petites villes saluent l'effort mais resteront vigilantes
L'Association des petites villes de France (APVF) a d'emblée fait savoir qu'elle approuve "la mise en place de cet investissement conséquent qui va dans le bon sens et doit permettre de renforcer la présence de praticiens hospitaliers dans les territoires en situation de désertification médicale". Elle veillera toutefois à ce que dans le même temps, dans le cadre de l'examen au Parlement du PLFSS pour 2016, des mesures d'économies ne viennent pas donner lieu à "de nouvelles restructurations ou fermetures de services hospitaliers dans les petits établissements". L'APVF appelle à "la création de territoires prioritaires de santé" élaborés "à l'échelle d'un ou de plusieurs bassins de vie et selon des critères comme l'accessibilité et la disponibilité des soins en secteur 1" et qui pourraient notamment "comprendre un nouveau renforcement des mesures de financement à l'égard des structures d'exercice en commun de la médecine (centres de santé, maisons pluridisciplinaires de santé)", précise-t-elle dans son communiqué.
C.M.

 

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