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Santé - Stratégie nationale de santé : deux mesures phares dans le brouillard

Le 8 février dernier, à l'occasion d'un déplacement à Grenoble, Jean-Marc Ayrault lançait le chantier de la "stratégie nationale de santé". L'annonce avait quelque peu surpris, car elle télescopait deux autres démarches lancées par Marisol Touraine : le "pacte territoire santé", centré notamment sur la lutte contre les déserts médicaux, et le "pacte de confiance pour l'hôpital", issu du rapport demandé à Edouard Couty. En présentant la stratégie nationale de santé, le Premier ministre fixait - en termes très larges - un objectif ambitieux : "Une réforme structurelle de notre système de santé et cela ne sera pas l'œuvre de quelques mois, mais des cinq ans et je dirais même voire plus, peut-être des dix ans à venir si nous voulons pleinement réussir." Un comité des Sages d'une dizaine de personnes - présidé par Alain Cordier, inspecteur général des finances et ancien directeur général de l'AP-HP - devait notamment "réorganiser notre système de santé en améliorant la coordination entre les praticiens et les établissements et en organisant une véritable continuité entre la prévention, les soins et l'accompagnement autour de la personne et de ses besoins".

Généralisation du tiers payant et de la complémentaire santé

Si le groupe des Sages a bien livré son rapport en juin dernier, cette remise s'est déroulée dans un climat de tension, qui est d'ailleurs l'un des motifs avancés pour expliquer le récent départ surprise du secrétaire général des ministères sociaux. Et la "feuille de route" de la stratégie nationale diffère assez sensiblement du rapport des Sages, même si on y retrouve bien sûr de nombreux éléments communs. Là où le rapport Cordier formulait des propositions, en allant parfois loin dans le détail de la mise en œuvre, la feuille de route se contente d'axes assez généraux.
Le document lui-même surprend, tant il semble constitué de deux parties très différentes. La première partie tient dans les quelques lignes de l'axe 2.1.2 "Améliorer l'accessibilité aux soins". Celui-ci comporte il est vrai deux mesures fortes et très attendues : la généralisation, entre 2015 et 2017, du tiers payant chez les médecins généralistes et spécialistes et la généralisation de la couverture complémentaire santé, deux éléments clés pour permettre l'accès de tous à la santé et lutter contre la montée du non-recours aux soins. La seconde mesure n'est d'ailleurs pas complètement une nouveauté, puisqu'elle est déjà prévue par l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, repris dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi. La mesure annoncée par Marisol Touraine consistera donc notamment à étendre cette généralisation de la complémentaire santé au-delà de la seule population couverte par l'accord interprofessionnel.

Un "cadre indispensable au déploiement de la stratégie"

Le reste de la stratégie nationale de santé est d'une autre nature. Là où on attendait déjà des orientations, voire un certain nombre de décisions - comme pour le tiers payant et la complémentaire santé -, il s'agit en fait du "cadre indispensable au déploiement de la stratégie nationale de santé sur la base des orientations définies par le Premier ministre". A ce stade, la vingtaine d'orientations proposées sont formulées en termes très généraux et largement consensuels, qui rendent difficile d'en mesurer la portée réelle et la possible traduction concrète.
Ce décalage entre les deux mesures fortes et le reste du document s'explique, pour une bonne part, par la méthode choisie, qui prévoit trois étapes. Tout d'abord, l'introduction des premières mesures dès le PLFSS 2014 (mais le document ne précise pas les mesures dont il s'agit). Ensuite, "l'organisation d'une phase de concertation en région sur la base de la présente feuille de route". Enfin, "l'élaboration de la loi Santé courant 2014, qui intègrera les mesures nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé".
Un dernier point apparaît à la lecture du document. Tout en évoquant, parmi les différents axes, la nécessité de "renforcer le pilotage national", le document frappe par le pilotage très allégé de la mise en place de cette stratégie nationale de santé. La seule mesure prévue à ce titre est en effet la création d'un "comité interministériel pour la santé", placé auprès du Premier ministre. Si une telle instance est le lieu adapté pour les arbitrages et les décisions importantes, elle ne peut évidemment gérer au quotidien une réforme qui se veut aussi ambitieuse. Or il est de notoriété publique qu'il était envisagé la nomination d'un haut-commissaire à la stratégie nationale de santé. Son titulaire était même plus que pressenti, en la personne de Claude Evin, directeur général de l'ARS d'Ile-de-France et ancien ministre de la Santé. Mais, pour des raisons faciles à deviner, Marisol Touraine s'est opposée à la nomination d'une personnalité de cette envergure, qui aurait pu devenir - au vu du champ couvert par la stratégie - une sorte de ministre bis de la Santé. La question de la gouvernance d'une telle réforme - le communiqué du ministère de la Santé évoque rien moins qu'une "refondation du système de santé français - reste donc posée.

Et les collectivités dans tout ça ?

Enfin, les collectivités territoriales devraient faire une lecture mitigée du document. Bien que les axes tracés par la feuille de route donnent une large place au décloisonnement du système, à l'articulation entre le sanitaire et le social et à la démocratie sanitaire, les collectivités sont quasi absentes du document. Si les collectivités sont globalement évoquées à une dizaine de reprises - essentiellement sur des aspects de concertation et de coordination - les départements, qui jouent pourtant le premier rôle sur la prise en charge médicosociale des personnes âgées, n'apparaissent nulle part dans le document.

 

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