Santé / Social - Les sénateurs perplexes devant la gouvernance des ARS
Dans le cadre de son travail sur les agences régionales de santé (ARS), la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat a procédé à une double audition : celle de Denis Piveteau, secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales, et de Laurent Gratieux, responsable du pôle santé au secrétariat général de ces mêmes ministères, et celle de Luc Allaire, directeur, et de Xavier Dupont, directeur des établissements et services médicosociaux de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
Les membres de la Mecs se sont notamment intéressés de très près à la gouvernance des ARS. Denis Piveteau et Laurent Gratieux, qui ont pris très récemment leurs fonctions, ont indiqué que "l'enjeu est aujourd'hui de donner un nouveau souffle au pilotage de la politique de santé et au pilotage des ARS, après les trois premières années de leur fonctionnement, dans le cadre des objectifs de la stratégie nationale de santé annoncée le 8 février dernier par le Premier ministre dans son discours de Grenoble". Ils ont également insisté sur le caractère original du conseil national de pilotage (CNP), chargé d'animer le réseau des ARS. Face à "l'inflation des directives" évoquée par plusieurs sénateurs, ils ont cependant reconnu que "plusieurs choses méritent d'être améliorées". Parmi celles-ci, les deux responsables ont cité la nécessité de renforcer la coordination des directions en amont du CNP et d'améliorer le circuit des instructions adressées aux ARS. Ils ont également admis que "davantage d'anticipation dans la conception des instructions, un calendrier d'envoi plus cohérent et distinguant selon le degré d'urgence, un plus grand souci de qualité rédactionnelle, d'applicabilité et de pertinence permettraient aux ARS de mieux organiser leur travail".
A qui incombe la décision finale ?
Luc Allaire et Xavier Dupont ont été plus directs dans leurs propos. La CNSA est présente au CNP et participe au dialogue de gestion entre l'Etat et les ARS. Elle en tire la conclusion "qu'il faut laisser une certaine marge d'appréciation et d'autonomie aux ARS". Devant une sénatrice qui avouait "[sa] difficulté à comprendre à qui incombe la décision finale" et qui se demandait "qui rend les arbitrages sur la déclinaison des plans à l'échelle régionale", Luc Allaire a reconnu la difficulté. Il a rappelé que "les ARS ne constituent pas un service déconcentré de l'Etat [...]. Il s'agit d'établissements publics à statut particulier, entretenant toutefois un lien fort avec l'Etat : leurs directeurs généraux sont nommés par décret en conseil des ministres et l'instance de pilotage est présidée par le secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales. Cette situation laisse une certaine marge d'autonomie aux directeurs généraux d'ARS".
Mais le directeur de la CNSA a indiqué que, "s'agissant de la réalisation des plans médico-sociaux, il me semble justifié de cadrer nationalement la marge de manoeuvre laissée aux ARS, qui est cependant nécessaire car il y a toujours besoin d'une adaptation locale". Plus précisément, il estime qu'"il est nécessaire de laisser une marge de respiration au niveau régional, mais on ne peut pas pour autant laisser les ARS dévoyer la réalisation d'un plan national". Interrogé par Jacky Le Menn, sénateur d'Ille-et-Vilaine et rapporteur de la Mecss, sur les "frictions qui peuvent exister entre les services des collectivités territoriales et ceux des ARS" et sur le sentiment - mal vécu - d'une tutelle exercée par les ARS, le directeur de la CNSA a affirmé que "les frictions sont inévitables" et que le phénomène n'est pas nouveau. Luc Allaire a toutefois reconnu qu'"en revanche, l'éloignement géographique accroît ce risque, d'où la nécessité pour les directeurs généraux d'ARS de travailler étroitement avec leurs directeurs territoriaux et de maintenir un contact personnel avec les élus".