Accès aux soins - Santé et hôpitaux : les petites villes prônent une "approche territoriale"
"Proposer les voies et les moyens d'une approche territoriale de la santé donnant toute leur place aux petits hôpitaux, en les intégrant dans un parcours de soins cohérent." Tel est l'objet, selon les termes de Martin Malvy, du quatrième livre blanc que l'Association des petites villes de France (APVF) consacre à la santé et à l'offre de soins. Un document rendu public deux jours après la remise à la ministre Marisol Touraine du rapport Couty sur l'hôpital. Un hasard de calendrier, assure le président de l'APVF. Un heureux hasard sans doute, l'ambition de l'association représentant les villes de 3.000 à 20.000 habitants étant bien de peser dans l'élaboration de la future "stratégie nationale de santé" et de la loi sur la santé publique prévue pour 2014. "Une loi en 2014… cela signifie que nous avons un an pour faire un peu de lobbying, notamment sur la place des élus", glisse ainsi Fabrice Millereau, maire de Beaumont-sur-Oise et président de la commission santé de l'APVF. En notant d'emblée que le rapport Couty et le livre blanc de l'APVF se font directement écho sur certains points.
Renforcer le "dialogue" avec les élus
Le rapport Couty préconise par exemple, dans le cadre d'une réforme de la gouvernance des hopitaux, la création de "conseils d'établissements" des hôpitaux : "Une réelle assemblée délibérante et de surveillance doit être instaurée, prenant la place de l’actuel conseil de surveillance qui n’a pas aujourd’hui les prérogatives pour réellement délibérer et surveiller. Une telle assemblée pourrait être appelée 'conseil d’établissement'. Les élus y retrouveraient toute leur place, y compris les élus régionaux en ce qui concerne les CHU." Une proposition qui satisfait naturellement les maires de petites villes. "Le conseil de surveillance que les élus président est aujourd'hui trop souvent une coquille vide", regrette Martin Malvy, pour qui "les élus devront jouer leur rôle de vigie" au sein des futurs conseils d'établissement, y compris s'agissant des finances des hôpitaux et de la nomination des médecins. "Aujourd'hui, le conseil de surveillance ne donne généralement qu'un avis a posteriori", note de même Fabrice Millereau.
Mais pour les maires de petites villes, ce "dialogue avec les élus" – "irremplaçables connaisseurs des besoins et des trajectoires des territoires" – doit aussi se retrouver à d'autres échelles. Ainsi, l'association espère que les nouveaux outils que devrait créer la future loi de décentralisation sauront inclure le champ de la santé. Il s'agirait de faire en sorte que les futures conférences territoriales de l'action publique permettent bien aux représentants de tous les niveaux de collectivités de débattre des projets régionaux de santé. "Il y a certes déjà les CRSA, les conférences régionales de santé et d'autonomie, mais il nous faut un cadre plus large, moins technique", a commenté Martin Malvy ce 6 mars en présentant le livre blanc à la presse. De même, au niveau national, le futur Haut Conseil des territoires "devra pouvoir être saisi du sujet de l'accès des territoires à la santé, dans le cadre de l'une de ses formations spécifiques", explique l'élu de Midi-Pyrénées.
Des dotations spécifiques pour les petits hôpitaux
Au-delà de ces questions de gouvernance, de décentralisation et de place des élus, l'APVF centre naturellement ses constats et ses propositions sur la façon de "redonner aux hôpitaux des petites villes les moyens de mieux fonctionner", de faire de ces hôpitaux les "pivots" d'une "filière de santé territorialisée" incluant les autres établissements de santé (les Ehpad par exemple), les médecins libéraux, etc. Les communautés hospitalières de territoires de la loi HPST auraient pu constituer une réponse, mais selon l'APVF, cela ne marche pas. L'association propose aujourd'hui l'expérimentation, sur des bassins de vie-tests, d'une nouvelle "organisation intégrée des soins à l'échelle d'un territoire", avec contrat d'objectifs et de moyens.
Mais "redonner des moyens" c'est aussi, pour commencer, en finir avec un mode de financement uniquement basé sur le volume d'activité, autrement dit, avec la "mise en place intégrale" de la tarification à l'activité (T2A) qui pénaliserait les petits hôpitaux plus encore que les autres. A ce titre, Martin Malvy ne peut que saluer les propos de la ministre de la Santé qui entend, certes pas supprimer la T2A, mais adoucir ses effets en l'incluant dans une "tarification au parcours". L'APVF propose pour sa part que les petits hôpitaux, dans la mesure où ils auraient "des frais incompressibles proportionnellement plus élevés" que les gros établissements, bénéficient d'une "dotation minimale de fonctionnement". Elle demande de même la mise en place d'une "dotation de continuité territoriale" pour "permettre le maintien, voire le développement, de l'activité" des hôpitaux enclavés et pour financer leur rôle "pivot".
Encourager le salariat
Autre grand axe du livre blanc des petites villes, dont cette quatrième édition a étendu son champ de vision au-delà de la seule question des hôpitaux : les fameux "déserts médicaux". Un problème qui concerne à la fois les petits établissements – qui, note Martin Malvy, finissent parfois par devoir accepter le "mercenariat médical" pour assurer le fonctionnement de certains de leurs services… – et la médecine libérale. Le président de l'APVF reconnaît qu'il s'agit entre autres d'une "question d'attractivité des petites villes" pour des professionnels de santé souvent originaires du milieu urbain. Et pense qu'il faut aller plus loin que le contrat de praticien territorial créé par Marisol Touraine (apport d'une rémunération complémentaire aux revenus des activités de soins d'un médecin contre un certain nombre d'engagements), en encourageant tout simplement le salariat (par la Sécurité sociale) dans le cadre du développement des maisons pluridisciplinaires de santé. Conscient que nombre d'élus, notamment dans l'hémicycle du Sénat, considèrent désormais que seules des mesures coercitives permettront de résoudre le problème de certains territoires sous-dotés, Martin Malvy considère pour sa part que "la contrainte serait l'étape ultime si tout le reste échoue, mais n'est pas la meilleure formule". Enfin, sachant que Marisol Touraine proposait en décembre dernier, dans le cadre de son "pacte territoire-santé", la mise en place d'un "référent-installation" unique dans chaque région, l'APVF prône la création d'un "correspondant à l'installation" sur chaque "territoire de santé", autrement dit, à une échelle infrarégionale. L'association espère être prochainement reçue par la ministre afin de "débattre" de tous ces points avec elle.