Santé - Pour la Cour des comptes, le système de santé outre-mer laisse à désirer
La Cour des comptes publie un rapport thématique intitulé "La santé dans les outre-mer, une responsabilité de la République". Cette accroche un peu solennelle est bien en phase avec le contenu du rapport. En pas moins de 287 pages, la Cour pointe en effet différentes faiblesses, voire carences, en la matière, qui concernent un total de 2,7 millions d'habitants. Un jugement qui doit toutefois être relativisé, car le rapport ne manque pas de rappeler que "les outre-mer connaissent une situation sanitaire beaucoup plus satisfaisante que celle des pays qui les avoisinent".
De forts écarts entre territoires
La première de ces faiblesses tient aux écarts très importants - même s'ils tendent à se réduire - entre les territoires d'outre-mer, y compris entre les DOM. Ces écarts valent pour les déterminants de santé, pour la vulnérabilité aux maladies et aux addictions, mais aussi pour le niveau des dépenses de santé. Sur tous ces points, il apparaît un classement informel qui voit - pour les DOM - les Antilles (Martinique et Guadeloupe) en tête, suivie de la Réunion et de la Guyane. De même, les dépenses de santé par habitant vont de 4.970 euros par an à Saint-Pierre-et-Miquelon à 825 euros à Mayotte.
Autre point faible : des difficultés sanitaires persistantes. La Cour des comptes s'attarde plus particulièrement sur trois domaines : la mère et l'enfant (avec des taux de mortalité infantile doubles de ceux de Métropole), les risque infectieux (dengue, hépatite, VIH…) et des conduites addictives spécifiques (alcool, cannabis, crack...). Sans oublier, dans les Antilles, le poids particulier du risque environnemental, avec le chlordécone.
Des systèmes de santé "à la peine"
Face à ces enjeux sanitaires, le rapport juge les systèmes de santé "à la peine". Ces carences se lisent dans différents domaines. C'est le cas en matière de prévention, qualifiée par la Cour de "priorité perdue de vue". C'est aussi le cas en matière de soins ambulatoires, dont l'offre locale est marquée par de très forts écarts - aggravés par l'insularité -, que le rapport appelle à rééquilibrer. S'y ajoutent les réticences des professionnels de santé à développer les coopérations interprofessionnelles. La situation n'est guère meilleure du côté de l'hôpital, qui joue certes un rôle central, mais présente des faiblesses de gestion et une qualité des soins "inégale".
Parmi les autres difficultés pointées par la Cour des comptes figurent également la situation tendue en matière d'urgences et de permanence des soins, le développement inégal des alternatives à l'hospitalisation ou encore la gestion des ressources humaines (avec en particulier le vieillissement rapide des professions de santé, des niveaux de rémunération libérale "parfois élevés" et un "manque de rigueur" dans la gestion du personnel hospitalier).
Face à ce constat, le rapport pointe aussi les défaillances du pilotage national de l'Etat et les effets limités - en termes stratégiques - du plan santé outre-mer de 2009. Il appelle également l'attention sur quatre territoires très différents, mais qui connaissent chacun des difficultés plus fortes que la moyenne en matière de santé : Mayotte, la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.
Un programme de santé pour l'outre-mer, afin de décliner la stratégie nationale
En attendant l'élaboration d'une stratégie nationale pour l'outre-mer, la Cour des comptes formule une quinzaine de propositions. On en retiendra notamment la mise sur pied d'outils de suivi permettant d'engager les actions correctrices, le développement rapide des protocoles de coopération entre professionnels, le recentrage de l'hôpital sur les pathologies les plus lourdes et le développement concomitant des alternatives ou encore l'amélioration de la gestion des hôpitaux "en veillant attentivement au recrutement d'équipes de direction expérimentées" et "en renforçant les équipes médicales, notamment par la mobilité outre-mer de praticiens hospitaliers".
Autres mesures suggérées par le rapport : l'intervention obligatoire de l'Anap (Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médicosociaux) dès la phase de conception des projets de construction ou la mise sur pied d'un programme de santé pour les outre-mer, qui déclinerait la stratégie nationale de santé.