PLF 2024 : levée de boucliers contre l'abandon de la hausse des redevances dues par les agriculteurs sur les pesticides et l'irrigation

Eau de Paris comme les associations environnementales ont dénoncé l'engagement pris par le gouvernement à l'issue d'une rencontre avec la FNSEA de renoncer à augmenter les redevances sur les pesticides et la ressource en eau, tel que le prévoyait le projet de loi de finances (PLF) pour 2024.

Le renoncement par le gouvernement à relever les taxes payées par les agriculteurs sur les pesticides et l'irrigation est un "scandale", a estimé ce 7 décembre la régie de distribution de l'eau de Paris, qui dénonce une envolée des coûts du traitement de l'eau pour les collectivités et donc les particuliers.

A la sortie d'une rencontre avec la Première ministre Elisabeth Borne, le syndicat agricole FNSEA s'est félicité mardi d'avoir obtenu gain de cause sur une "revendication majeure", le renoncement à la hausse de deux redevances : celle pour pollution diffuse (RPD), perçue sur les ventes de pesticides, en fonction de leur dangerosité, et celle pour prélèvement sur la ressource en eau, qui consiste en fait en une baisse des taux planchers sur les taux de redevance sur l’irrigation. Ces dispositions, prévues dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, devaient permettre de lever respectivement 37 et 10 millions d'euros supplémentaires pour abonder notamment les financements des agences de l'eau, qui participent à la gestion de la qualité et de la quantité d'eau sur un territoire.

"Permis de polluer et de gaspiller"

"Ce recul, ça revient à un permis de polluer et gaspiller l'eau au profit du lobby de l'agriculture intensive", a tonné Dan Lert, président d'Eau de Paris. "C'est encore une fois les citoyens qui vont payer le prix de la dépollution et le développement de l'irrigation en France, alors qu'on traverse un contexte de tension sur la ressource en eau, c'est scandaleux", a-t-il déclaré à l'AFP.

Il a rappelé qu'Eau de Paris et l'agence de l'eau aidaient les agriculteurs de la région Ile-de-France, avec un programme de 50 millions d'euros sur dix ans pour les aider à réduire pesticides et nitrates, en passant au bio pour préserver les zones de captage.

"Qui dit une eau brute moins polluée, dit moins de traitement et donc finalement des préventions à la source des pollutions, qui est le meilleur système en fait", a déclaré Dan Lert. "Sinon, ça revient à dire que les pesticides polluent les ressources d'eau et que c'est les services publics de l'eau, à travers les investissements sur le traitement toujours plus intensif, qui payent la facture", a-t-il ajouté. Depuis la mise en évidence par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) de la présence dans l'eau potable de résidus d'un fongicide, le chlorothalonil, Eau de Paris a augmenté les traitements pour éliminer les pesticides dans l'eau, dont le coût a triplé, passant de trois à neuf millions d'euros.

Coup de frein à la transition écologique de l'agriculture, pour les associations

Du côté des associations, Générations Futures a aussitôt réagi ce mardi. Elle "proteste fermement contre ce renoncement du gouvernement qui, une fois de plus, cède aux demandes de la FNSEA", alors que le plan Ecophyto est en cours de négociation. "C'est doublement catastrophique car d'une part l'Etat se prive ainsi de moyens qui permettraient de financer la transition écologique de l'agriculture et d'autre part se prive d'un levier fiscal capable de rendre plus attractives les agricultures à faible utilisation de pesticides", a déclaré son porte-parole, François Veillerette.

France Nature Environnement (FNE) a pour sa part fustigé dans un communiqué ce 7 décembre "un recul politique inadmissible", rappelant que cette réforme des redevances était un "pilier du financement du 'Plan Eau' présenté par Emmanuel Macron en mars 2023". Selon la fédération, qui représente 6.200 associations de protection de la nature et de l'environnement en France, cette hausse des taxes, permettant de financer les interventions des agences de l'eau, visait à "réparer une injustice", les irrigants ne contribuant en 2020 qu'à hauteur de 31,4 millions d'euros (pour 58% de l'eau douce consommée et 15% des exploitations) contre 273,9 millions d'euros pour les consommateurs d'eau potable (26% des volumes). Pour FNE, il faut "appliquer le principe pollueur-payeur pour une réelle transition agricole". "On entend souvent que le frein au développement de l'agriculture biologique serait son prix élevé mais si on faisait payer réellement à l'agriculture industrielle ce qu'elle coûte à la collectivité en pollution et en mise sous tension de la ressource par ses prélèvements, la bio deviendrait subitement très compétitive", affirme Antoine Gatet, président de FNE. Selon lui, "l'agriculture française n'est pas condamnée à polluer et assécher".

 

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