Plan Eau et agriculture : alimenter le circuit (des financements)
Comme les autres secteurs, l’agriculture doit prendre sa part à l’objectif de réduction des prélèvements d’eau fixé par le président de la République. Un défi, alors que l’extension des phénomènes de sécheresse va conduire à l’augmentation des surfaces irriguées. Pour aider les agriculteurs à le relever, le fonds hydraulique en cours de constitution sera mis à contribution. Reste que ces derniers devront également participer à son alimentation.
La déclinaison du plan Eau (voir notre article du 30 mars dernier) se poursuit. Ce 7 novembre, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, et Sarah El Hairy, secrétaire d'État chargée de la biodiversité, réunissaient directeurs des agences de l’eau et présidents des comités de bassin pour une réunion de travail consacrée au secteur agricole.
Sobriété et irrigation augmenteront de pair
Alors que chaque comité de bassin est en train d’arrêter (voir notre article du 24 octobre) sa nouvelle stratégie pour intégrer - et décliner dans leur territoire, entre les différentes catégories d’usagers - l’objectif de réduction de 10% des prélèvements fixé par le président de la République d’ici 2030 (par rapport à 2019), un double constat s’impose : "La sobriété à l’hectare doit augmenter" ; pour autant, avec l’extension des phénomènes de sécheresse, "le nombre d’hectares devant être irrigués va aller croissant", soulignent les cabinets de Marc Fesneau et de Sarah El Hairy. "D’autant plus avec la volonté de monter en puissance sur les fruits et légumes" (voir notre article du 2 mars), précise-t-on.
Pour compenser ces nouveaux besoins, il va donc falloir redoubler d’efforts ailleurs. "Cela passe par une adaptation du matériel, mais aussi par une évolution des pratiques culturales. La carte de France des cultures, de l’irrigation… va être dynamique", insiste le cabinet de Marc Fesneau. Qui souligne que "si des expérimentations existent, toute la question aujourd’hui est celle du changement d’échelle".
La réutilisation des eaux usées traitées devrait également aider ; attendu, l’arrêté d’application du décret du 30 août (voir notre article du même jour) "est parti aux parapheurs des ministres et va donc sortir incessamment sous très peu", prévient-on.
Mur de financements, mur administratif
Face au mur d’investissements qui se profile, le fonds hydraulique en cours de constitution sera mis à contribution. "Le régime d’aide a été notifié à la Commission. Il y a encore des échanges avec elle", indique-t-on. La liste des actions éligibles sera "assez large". Au cabinet de Marc Fesneau, on souligne que l’enjeu sera également de faire en sorte que les agriculteurs ne se retrouvent pas face à un "mur administratif" qui leur ferait rebrousser chemin.
Pour mémoire, ce fonds sera alimenté par les redevances des agences de l’eau, qui augmenteront de 475 millions par an à compter de 2025. "L’agriculture prendra sa part", affirme le cabinet de Marc Fesneau. À hauteur de 47 millions d’euros : 37 millions d’euros via la redevance pour pollutions diffuses (qui pèse sur les produits phytopharmaceutiques) et 10 millions via la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau (l’irrigation). Le cabinet souligne que le défi sera de "veiller à ce que les augmentations de cette redevance restent soutenables pour les agriculteurs", et en particulier "ceux des bassins Rhône-Méditerranée et Adour-Garonne, les plus concernés par l’irrigation". Et de relever qu’il n’y a "que 58.000 irrigants en France, sur lesquels pèsera donc l’effort des 10 millions d’euros". Au moment où le projet de loi de finances prévoit d’introduire des taux planchers de contribution par catégories d’usagers, l’enjeu est "de ne pas mettre des exploitations en difficulté financière".
Retenues d’eau : les décisions de justice seront toutes appliquées
Comme dans toute réunion sur l’eau qui se respecte, la question des retenues de substitution n’a bien évidemment pas été écartée. Alors que certains projets viennent d’être remis en cause par la justice (voir notre article du 4 octobre), le cabinet de Marc Fesneau l’assure, "il n’y a aucune ambiguïté : toutes les retenues illégales seront bien évidemment vidées et démontées. Mais l’État s’assurera également que les décisions de justice favorables à de telles retenues seront également appliquées et que les retenues seront bien mises en œuvre. Il y a des territoires pour lesquels ces retenues font parties des solutions. Elles sont un outil parmi d’autres". "Un outil parmi d’autres, et pensé de manière cohérente avec les autres à l’échelle d’un territoire, et non pris isolément", ajoute le cabinet de Sarah El Hairy.