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Finances publiques - PLF 2015 : comment économiser 21 milliards

Au lendemain de la présentation aux élus locaux de son volet finances locales, l'ensemble du projet de loi de finances pour 2015 a été exposé ce 1er octobre. Une partie des 7,7 milliards d'économies attendus du côté de l'Etat et de ses opérateurs aura un impact sur les territoires, par exemple dans le champ des aides aux entreprises. S'agissant de la baisse des dotations aux collectivités, Christian Eckert a jugé que celle-ci sera compensée par le dynamisme des bases fiscales locales. Certains maires s'offusquent de cette vision.

Comme il l'avait fait la veille devant les membres du Comité des finances locales (CFL), le gouvernement a confirmé ce 1er octobre en présentant le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 que les collectivités devront contribuer l'an prochain au "plan d'économies" du pays à hauteur de 3,67 milliards d'euros. Autrement dit que les concours de l'Etat aux collectivités diminueront de 3,67 milliards, et d'autant en 2016 puis en 2017, pour une diminution totale sur trois ans de 11 milliards. Dans le même temps, l'Etat et ses agences devront économiser 19 milliards (dont 7,7 dès 2015), que les dépenses d'assurance maladie devront diminuer de 10 milliards (3,2 en 2015) et la protection sociale hors assurance maladie de 10 milliards également (mais avec 6,4 milliards de ressources en moins l'an prochain). Soit, donc, un total de 50 milliards d'économies prévues en trois ans.
Les économies attendues sur la dépense publique locale représentent "un effort important, je ne le nie pas", a reconnu Christian Eckert, le secrétaire d'Etat chargé du budget, en présentant à la presse les grandes lignes du PLF. Mais il a d'emblée tenu à relativiser les choses, connaissant le front quasi unanime des élus locaux contre cette baisse jugée à la fois trop importante et trop rapide. Un front qui s'était une nouvelle fois fait entendre lors du CFL (voir notre article du 30 septembre). Il a ainsi souligné que la baisse ne représentera que "1,9% des recettes réelles de fonctionnement des collectivités", sachant que les concours de l'Etat correspondent à 28% de leurs recettes réelles de fonctionnement", contre 60% pour la fiscalité locale. Or du fait de "l'augmentation de l'assiette des impôts directs locaux", en réalité la hausse des ressources et des dépenses des collectivités resteront plus importantes que la baisse des dotations et continueront donc à augmenter, certes "moins vite que par le passé". Le document de synthèse diffusé à la presse par Bercy étaye ce "dynamisme de la fiscalité locale" par le fait que "les recettes de fiscalité directe et indirecte de l'ensemble des collectivités ont progressé de 2,3% en 2012 et de 1,9% en 2013" et que "cette croissance se poursuit en 2014 sur les recettes de DMTO (droits de mutation à titre onéreux) et de CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises)". Bercy indique ainsi dans l'un de ses histogrammes qu'en miroir à la baisse des dotations de 3,67 milliards, les "autres ressources locales" devraient augmenter d'environ 5,8 milliards en 2015, puis de plus de 7 milliards en 2016 et de 8 milliards en 2017…

Une nouveauté, l'"Odedel"...

"Nous sommes choqués par cette façon de présenter les choses, c'est de la désinformation", réagit-on à l'Association des maires de grandes villes (AMGVF), où l'on voit mal en quoi les bases pourraient augmenter l'an prochain : "Ce ne sont guère les prévisions de croissance qui vont permettre cela – après une croissance de 0,5% en 2014, on est sur une hypothèse de 1% pour 2015. On rappellera ensuite que le produit de la CVAE subit en 2014 une baisse de 2,5%. Troisièmement, la chute des mises en chantier aura forcément un impact sur la fiscalité locale." Enfin, si Christian Eckert a bien évoqué le dynamisme des bases et non des taux, les élus locaux craignent fort que ce discours crée une confusion dans l'esprit des citoyens, alors même que la très grande majorité des maires, précisément, se sont engagés à ne pas augmenter leurs taux.
Tout comme les autres associations d'élus (voir encadré à notre article du 30 septembre), l'AMGVF se dit en outre "farouchement opposée" à l'"objectif de dépense locale" que le gouvernement a annoncé dans le cadre de ce PLF. "Désormais, grâce à l'objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel), la dépense des collectivités locales fera l'objet d'un suivi et d'une programmation", indique Bercy, précisant que cet objectif respectera le principe de libre administration des collectivités et sera donc "indicatif". "Exprimé selon les normes de la comptabilité générale afin d'être directement utilisable par les collectivités", cet objectif sera "décliné par catégorie de collectivités" à partir de 2016. "Il est fixé à 0,3% en 2015 et 1,8% en 2016", peut-on lire… sans contradiction avec les propos sur le "dynamisme" ?

Aides aux entreprises : grand ménage

Au-delà de ce volet finances locales, les 7,7 milliards d'économies attendus du côté de l'Etat et de ses opérateurs intéresseront évidemment aussi les collectivités à plusieurs titres. Ces 7,7 milliards se ventilent entre 1,4 milliard sur la masse salariale (en notant au passage que "le gel du point d'indice sera poursuivi" et que les effectifs de l'Etat seront stables voire en légère baisse), 2,1 milliards sur les dépenses de fonctionnement (fonction achat, immobilier…), 2,4 milliards sur les dépenses d'intervention et 1,9 milliard sur les agences et les opérateurs.
Concernant la baisse des dépenses d'intervention de l'Etat, Michel Sapin a fait valoir que "derrière chaque économie, [il y a] un vrai choix de réforme de l'Etat et de modernisation du service public", avec "une sélectivité accrue". Et ce, en allant chercher les économies dans bon nombre de ministères différents. Christian Eckert a mentionné quelques exemples de ce que le PLF prévoit à ce titre : une refonte des aides à l'agriculture pour "mieux les articuler" avec la PAC ; un "ciblage" de l'accession à la propriété sur le neuf ; l'"extinction des exonérations de cotisations sociales dans les zones franches urbaines"…
Plus globalement, on relève que le champ des aides aux entreprises va être assez fortement impacté par le PLF. Il s'agit, estime Bercy, de "rationnaliser" les choses, et notamment de mettre en cohérence les interventions de l'Etat avec "le rôle de chef de file des régions en matière de développement économique local". Sur les ZFU, il s'agit en fait d'arrêter les nouvelles entrées dans le dispositif. En sachant que l'expérimentation des emplois francs est quant à elle tout simplement arrêtée. Les crédits de la prime à l'aménagement du territoire (PAT) seront "davantage ciblés", le Fisac va se transformer en procédure d'appel à projets… Christian Eckert sait que, secteur par secteur, des mesures "susciteront des réactions".

Diesel : 2 centimes par litre pour l'Afitf

Du côté des dépenses des opérateurs (agences et autres organismes), le secrétaire d'Etat a cité, parmi ceux qui verront leurs ressources diminuer, les chambres de commerce et d'industrie (CCI), les chambres d'agriculture, les agences de l'eau (invitées à reverser 175 millions d'euros par an au budget de l'Etat de 2015 à 2017), ou encore le Centre national de développement du sport (CNDS) qui devra réduire ses dépenses de 33 millions sur trois ans, dont 13 millions dès 2015.
Le gouvernement a naturellement mis l'accent sur le fait qu'en revanche, "des moyens supplémentaires sont réservés à la mise en œuvre" de certaines priorités, telles que le financement de dépenses de solidarité avec la revalorisation de l'AAH et du RSA ou encore l'insertion des jeunes avec les emplois d'avenir, la garantie jeunes et le service civique.
L'affichage de certaines priorités apparaît aussi au niveau de certaines des mesures fiscales du PLF. Il a été beaucoup question de l'allègement de 3,2 milliards d'euros prévu sur l'impôt des ménages "aux revenus modestes et moyens" avec la réforme du barème de l'impôt sur le revenu. Mais aussi de dispositions fiscales devant contribuer à "préserver certains domaines d'investissement", à savoir le renforcement du "crédit d'impôt pour la transition énergétique", et avec une nouvelle manne destinée à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) : une hausse de 2 centimes par litre de la TICPE sur le gazole, qui viendra s'ajouter au produit du péage de transit poids lourds. "Cette hausse sera intégralement destinée aux projets financés par l'Afitf ; c'était indispensable pour boucler les contrats de plan", a précisé Christian Eckert.
On mentionnera aussi les dépenses fiscales visant à stimuler la construction, qui s'élèvent à 22 milliards d'euros, soit une augmentation de 400 millions d'euros en 2015 (puis 1,2 milliard d'euros en 2016) correspondant aux nouvelles mesures déjà connues : dispositif d'investissement locatif "Pinel", abattement exceptionnel de 30% sur les plus-values des terrains à bâtir, TVA à 5,5% pour l'accession à la propriété dans les 1.300 quartiers de la politique de la ville, renforcement du PTZ. Ces dépenses fiscales "participeront à la relance de l'activité et de l'emploi et généreront à terme des recettes", a précisé le ministère du Logement en présentant ses propres crédits. Un ministère qui dispose d'un budget de 13,4 milliards d'euros (dont 270 millions d'euros pour l'égalité des territoires et la ruralité), en hausse de 80 millions d'euros à périmètre constant.
Michel Sapin a souligné plusieurs fois que la "mobilisation de moyens exceptionnels en faveur de l'emploi et de l'investissement" passe avant tout par la mise en œuvre du crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) et du pacte de responsabilité et de solidarité. Ce pacte, a-t-il rappelé, représente "plus de 20 milliards d'euros supplémentaires sur trois ans pour permettre aux entreprises de retrouver les marges nécessaires pour embaucher, former leurs salariés, investir et innover", principalement à travers des allègements de cotisations qui, s'agissant des mesures qui seront effectives début 2015, ont déjà été votées l'été dernier dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

 

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