Finances locales - Baisse des dotations aux collectivités : le gouvernement inflexible
Les responsables des associations d'élus locaux étaient "désabusés" ce 11 septembre à la sortie de leur rendez-vous avec le gouvernement sur les finances locales, témoigne André Laignel, président du Comité des finances locales (CFL), qui a participé à la réunion. "Le débat n'a pas avancé, car les ministres ont campé sur la baisse de 11 milliards d'euros", explique-t-il. L'Association des maires de France avait annoncé il y a quelques jours que 10.000 collectivités ont adopté des délibérations demandant au gouvernement de revenir sur son objectif d'économie. En dépit de cette mobilisation massive, ce dernier est resté inflexible sur le montant prévu. Il refuse également d'étaler la réduction des dotations sur une durée supérieure à trois ans, comme le réclament les élus locaux. Dans un document de travail qui leur a été remis, l'exécutif évoque trois baisses de 3,6 milliards d'euros chaque année sur la période 2015-2017, soit le scénario envisagé dès le printemps.
"La ministre en charge de la Décentralisation a pour souci de parvenir à une répartition de la baisse qui soit la meilleure possible", reconnaît néanmoins Laurence Tartour, chargée de mission finances de l'Association des petites villes de France (APVF). Pour atténuer les effets de la chute des concours de l'Etat, le gouvernement mise donc sur la solidarité entre les collectivités. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoira ainsi un doublement de la progression des dotations de péréquation aux collectivités. En particulier, les dotations de solidarité rurale et urbaine (DSR et DSU) augmenteraient respectivement de 78 millions et 120 millions d'euros l'année prochaine. Quant au Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), il croîtrait de 210 millions d'euros pour atteindre 780 millions d'euros, soit le montant prévu dans la loi de finances pour 2012. "Grâce à ce renforcement de la péréquation, la baisse des dotations des collectivités les plus pauvres sera en moyenne 8 fois moins importante que celles des communes les plus riches", ont assuré les ministres de la Décentralisation et de la Réforme territoriale, ainsi que le secrétaire d'Etat au budget, dans un communiqué commun.
Refonte de la dotation globale de fonctionnement
La solidarité financière étant confortée, la répartition de la baisse des dotations entre les communes ne serait pas calculée en fonction de leur richesse, suivant en cela ce que le groupe de travail du CFL avait souhaité en juillet, certes "à une légère majorité", comme le relève André Laignel. "L'avis du CFL doit être respecté, il ne faut pas introduire de la péréquation au sein de la répartition de l'effort, cela générerait de la complexité", avait prévenu Olivier Dussopt, le président de l'APVF, à la veille de la réunion. "On ne peut pas à la fois amplifier la péréquation et répartir la baisse de manière péréquée", reconnaît de même le maire d'Issoudun. Qui admet aussi que la montée en puissance de la péréquation va poser la question de sa "soutenabilité" pour les collectivités mises à contribution.
Pour rendre la baisse des dotations la moins douloureuse possible, le gouvernement a aussi donné des gages aux départements, en annonçant que, comme promis il y a un an, une "clause de revoyure" permettra de dresser le bilan des mesures mises en place pour assurer un meilleur financement des allocations individuelles de solidarité (APA, PCH, RSA). Si nécessaire, des amendements seront introduits au cours de la discussion des textes de lois financiers de fin d'année.
L'exécutif a par ailleurs présenté aux élus locaux un certain nombre d'engagements vis-à-vis des collectivités. Le renforcement de la lutte contre l'inflation des normes, avec notamment l'objectif annoncé le 20 août dernier en Conseil des ministres de ramener à zéro le coût net des nouvelles normes à l'horizon de 2017 (notre article du 26 août 2014), y figure en bonne place.
Annoncée à l'automne 2013, puis reportée, la refonte de l'architecture des concours financiers, en particulier de la dotation globale de fonctionnement (DGF) devra figurer dans le projet de loi de finances... pour 2016. Le gouvernement en attend à la fois plus de simplicité, de cohérence et d'efficacité. Des parlementaires accompagnés par des universitaires devront lui remettre des propositions sur le sujet "avant la fin de l'année".
Dialogue renforcé entre l'Etat et les collectivités
André Laignel l'assure : le gouvernement a fait preuve d'une "meilleure écoute". Cela pourrait durer. Car ce dernier compte associer les collectivités à la définition des politiques et des objectifs financiers qui les concernent. Comme le recommandait entre autres en avril dernier le rapport Lambert-Malvy (notre article du 17 avril 2014), un "dialogue national des territoires" sera mis en place. Sa première réunion aura lieu "au cours du mois d'octobre", selon le gouvernement. Qui donne ainsi satisfaction aux élus locaux. Ceux-ci avaient regretté fin 2013 la suppression, du fait de l'hostilité du Sénat, du projet de Haut Conseil des territoires.
Par ailleurs, une conférence des finances publiques réunissant les représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale abordera au moins une fois par an la situation financière. En sachant qu'une instance portant ce nom avait été instaurée en janvier 2006 à la suite de la remise du rapport Pébereau sur la dette publique. L'instance "évaluera la contribution des différentes administrations publiques requise pour assurer le respect de [la] trajectoire [des finances publiques]", indique le document de travail remis aux élus locaux, qui informe "dans le même temps, le gouvernement associera les collectivités territoriales à la définition d'un objectif d'évolution de la dépense publique locale". "A compter de 2016", un objectif sera défini pour chaque catégorie de collectivités territoriales et pour les groupements de communes. Une mesure qui ne sera sans doute pas du goût des élus locaux, qui mettront certainement en avant la libre administration des collectivités locales et demanderont des contreparties.
En outre, les élus locaux pourraient juger insuffisants l'ensemble des "engagements" mis sur la table par le gouvernement. Dans ces conditions, ceux qui sont membres du CFL pourraient ne pas se prononcer sur les modalités de la baisse des dotations, afin de ne pas l'avaliser. Un choix que regretterait le président de l'instance.
Soutien de l'investissement local : les élus locaux déçus
S'agissant du risque de chute brutale de l'investissement local, le gouvernement semble prendre les choses au sérieux. Mais à l'instar d'André Laignel, les élus locaux déplorent n'avoir obtenu "aucune réponse concrète". Le gouvernement n'a pas accédé à leur demande de rembourser la TVA aux collectivités à la fois plus rapidement et à un taux plus élevé. De plus, les ministres n'ont nullement évoqué la piste d'un fonds d'1 milliard d'euros destiné à soutenir l'investissement des collectivités, dévoilée début septembre par le quotidien Les Echos. Ils ont tout de même confirmé la "sanctuarisation" en 2015 du fonds de compensation pour la TVA. L'enveloppe dédiée au remboursement en faveur des collectivités de la TVA qu'elles ont payée sur leurs investissements, progressera ainsi de 166 millions d'euros. En outre, le gouvernement a fait état du prolongement pour un an, jusqu'en août 2015, des taux attractifs (taux de livret A + 100 points de base) proposés par la Caisse des Dépôts aux collectivités dans le cadre de l'enveloppe de 20 milliards d’euros mobilisés sur 2013-2017.