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Finances - Le projet de budget confirme une baisse des dotations de 3,6 milliards en 2015

Dévoilé aux membres du Comité des finances locales, le projet de loi de finances confirme la réduction des dotations de 3,67 milliards d'euros en 2015 (soit le tiers de l'effort de 11 milliards d'euros programmé par le gouvernement). Les élus locaux s'inquiètent des conséquences de cette décision, particulièrement sur le plan de l'investissement local. Les quelques réponses du gouvernement ne sont pas à la hauteur de l'enjeu, estiment-ils.

Les délibérations prises par plus de 12.000 collectivités contre le projet du gouvernement de baisser les dotations de l'Etat aux collectivités de 11 milliards d'euros en trois ans n'ont rien changé. Le projet de loi de finances que les trois ministres, en charge du budget, de la décentralisation et de la réforme territoriale, ont présenté ce 30 septembre devant le Comité des finances locales met en place la première étape de ce plan gouvernemental. Pour 2015, la réduction des dotations sera de 3,67 milliards d'euros. Cette année, l'enveloppe des concours financiers aux collectivités s'élève à plus de 100 milliards d'euros. Sur cette somme, l'enveloppe concernée par la baisse est de 56,8 milliards d'euros. Cette même enveloppe sera, donc, en 2015, de 53,1 milliards d'euros (soit –6,5 %). Comme en 2014, la répartition de la pénurie entre les différentes catégories de collectivités sera calculée en fonction de leurs recettes réelles de fonctionnement. Ainsi, le "bloc communal" perdra 2,07 milliards d'euros (–1,45 milliard pour les communes et –0,62 milliard pour l'intercommunalité à fiscalité propre). Quant aux départements et aux régions, ils auront respectivement 1,14 et 0,45 milliard d'euros en moins.

Renforcement de la péréquation

Si les membres du CFL "sont conscients qu'il faut faire des efforts", ils restent convaincus que la baisse de 11 milliards entre 2015 et 2017 - qui succède à celle de 1,5 milliard d'euros en 2014 - est "exagérée", a réagi le président de l'instance, André Laignel. "La tonalité des élus a été très dure", a témoigné Charles-Eric Lemaignen, interrogé par Localtis. Visiblement, la manière d'annoncer les choses a choqué. "Le gouvernement semblait dire : 'Circulez, il n'y a rien à voir'", a précisé le président de la communauté d'agglomération d'Orléans Val de Loire. "Qu'on arrête de dire que les collectivités sont dépensières et que l'Etat, de son côté, baisse ses dépenses !", proteste-t-il.
De mauvaise humeur, les membres du CFL ont adopté, à l'unanimité moins une abstention, une résolution dans laquelle ils renouvellent leur souhait d'une "limitation de la baisse des dotations", ainsi que son "étalement".
Pour le gouvernement, le renforcement de la solidarité entre les collectivités riches et celles qui sont plus défavorisées permettra d'atténuer les effets des baisses de dotations. Le projet de loi de finances prévoit en effet que le fonds de péréquation intercommunal et communal (Fpic) augmentera de 210 millions d'euros en 2015 pour atteindre 780 millions d'euros, ce qui correspond en fait au montant prévu dans la loi de finances pour 2012. Quant aux dotations de péréquation, elles augmenteront l'année prochaine deux fois plus vite qu'en 2014. Sont ainsi prévues des hausses de 120 millions d'euros pour la dotation de solidarité urbaine (DSU), de 78 millions pour la dotation de solidarité rurale (DSR) et de 10 millions d'euros pour la dotation nationale de péréquation.
Cette orientation divise les élus locaux. "Nous ne devons pas tomber dans le piège : le renforcement de la péréquation n'effacera pas le repli des dotations", s'est exclamé Jean-Claude Boulard, sénateur-maire du Mans. "Avec une baisse de 1,5 milliard d'euros, c'est peut-être vrai. Mais ça ne l'est plus avec un recul de 3,6 milliards."

Investissements : cri d'alarme des élus locaux

Le gouvernement a par ailleurs mis sur la table ses efforts en matière de réduction des normes. Au mois d'août, il avait annoncé l'objectif d'annuler en 2017 le coût des nouvelles normes. Pour y parvenir, les ministres ont reçu une circulaire du Premier ministre dans laquelle ce dernier leur demande de faire des propositions concrètes d'ici au 15 octobre prochain. "On rentre dans le dur, il était temps !", s'est félicité Charles-Eric Lemaignen. "On a le sentiment que l'impératif de lutte contre les normes commence à pénétrer dans quelques ministères", s'est également réjoui le président du CFL. En estimant toutefois que la lutte contre l'inflation des normes ne portera ses fruits qu'après plusieurs années.
Les élus locaux ne peuvent que constater que le gouvernement n'a toujours pas répondu à leurs avertissements sur l'investissement local. Ce dernier a certes mis en avant "les projets d'investissement dans le très haut débit", la préparation des "contrats de plan" et "la relance du logement", comme le reconnaît André Laignel. Lequel n'est guère rassuré pour autant.

Un objectif de dépenses dans la loi

Après avoir atteint des records (58,3 milliards d'euros en 2013, selon l'Observatoire des finances locales), l'investissement public local devrait reculer de 5 à 6% en 2014, puis à nouveau de 10% en 2015, selon des estimations citées par le maire d'Issoudun. Les élus locaux n'ont pourtant pas manqué de propositions, de la création d'un fonds spécial dédié à l'investissement local à la mise en place d'un versement anticipé pour toutes les collectivités du fonds de compensation pour la valeur ajoutée (FCTVA).
L'absence de réponse du gouvernement étonne d'autant plus les élus que les ministres présents ce 30 septembre ont semblé "préoccupés" et "à l'écoute" sur ce sujet. "Pour le ministre en charge du budget, il est clair que l'économie française est confrontée à deux risques : la déflation, d'une part, et la baisse de l'investissement, d'autre part", a estimé André Laignel. Il garde l'espoir que les élus locaux soient entendus. Pour ce faire, il invitera dans les jours prochains le Premier ministre à débattre avec le CFL de "l'investissement public".
Le gouvernement a en outre confirmé qu'il allait mettre en place (par la loi de programmation des finances publiques, selon André Laignel) un objectif de dépenses pour les collectivités territoriales, une initiative inédite. Ce dernier serait indicatif. Les élus locaux ont brocardé cette nouvelle intention du gouvernement, la jugeant insensée et inapplicable. Si l'objectif devait devenir contraignant, soulignent-ils, il compromettrait la libre administration des collectivités territoriales, principe sur lequel les élus ne feront aucune concession.

Thomas Beurey / Projets publics

Les premières réactions des associations d'élus locaux

Villes de France
Près des deux tiers des villes et intercommunalités comptant réduire leurs investissements en 2015, notamment sur leurs projets de nouveaux équipements culturels ou sportifs et l'entretien de certains monuments… Tel est l'un des premiers constats de l'enquête que Villes de France (ex-Fédération des villes moyennes) est en train de mener auprès de ses adhérents afin de connaître leurs principales orientations budgétaires pour 2015. Dévoilée juste avant la réunion du Comité des finances locales, il s'agissait d'illustrer les effets néfastes de la baisse des dotations qui devait y être confirmée.
Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de Villes de France, l'a illustré pour sa propre ville : "Nous anticipons une baisse des dotations de 2 millions d'euros. Si l'on ajoute à cela le coût de la réforme des rythmes scolaires, de 600.000 euros, et les 400.000 euros de notre participation au fonds de péréquation, cela fait 3 millions. Résultat, nous allons devoir baisser l'investissement de 30% par an sur la durée de la mandature." Et Caroline Cayeux de souligner que 80% des villes interrogées pour l'enquête n'ont pas l'intention d'augmenter la pression fiscale.
"Le problème, c'est le caractère linéaire de cette baisse des dotations", note Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse, président délégué, qui aurait espéré que le gouvernement accepte l'idée d'un étalement dans le temps et/ou un dispositif spécifique de soutien à l'investissement local. Et qui relève que les diverses mesures d'économies pouvant être prises par les villes et leurs agglomérations, telles que les mutualisations de personnels, "ne pourront pas produire d'effets tout de suite". Jean-François Debat rappelle aussi à quel point la dépense locale est dépendante de coûts que la collectivité locale ne maîtrise pas : les conventions collectives qui régissent le secteur associatif financé par le secteur public, les normes sportives, la rémunération des agents territoriaux dictée par l'Etat… "Alors oui, on peut sans doute faire mieux avec moins… mais on ne pourra pas le faire tout seuls."

Association des petites villes
Olivier Dussopt, le président de l'Association des petites villes de France (APVF), a dit accueillir "sans surprise et sans plaisir" les principales dispositions du PLF 2015 concernant les collectivités. "L'effort demandé aux collectivités locales sur les trois prochaines années est difficilement soutenable", juge-t-il comme la plupart des autres élus, mettant en avant les conséquences sur l'investissement et donc sur l'emploi. Si l'APVF se dit satisfaite "que le gouvernement maintienne l'évolution du Fpic", elle continuera de demander un remboursement "immédiat et réévalué" dans le cadre du FCTVA et Pierre Jarlier, son vice-président délégué membre de CFL, de plaider pour "un abondement des dotations d'investissement".

Assemblée des communautés de France
Face aux "contraintes budgétaires sans précédent [qui] vont peser très fortement sur la gestion publique locale", l'ADCF met d'emblée l'accent sur ce qui pourrait constituer des leviers d'économies… et prévient à ce titre qu'il "apparaît essentiel d'établir sans tarder les schémas de mutualisation prévus avant mars 2015 (par la loi RCT de décembre 2010), de conclure des pactes financiers et fiscaux entre communautés et communes, de définir de nouveaux projets de territoires et les priorités d'investissement du mandat".

Association des régions de France
Les régions aussi préviennent des "conséquences lourdes, notamment sur les capacités d'investissement", qu'aura pour elles la baisse de 11 milliards sur trois ans et demandent donc "des contreparties" à cette baisse : être " associés au pilotage global des finances publiques", "appliquer le principe du prescripteur-payeur"… "Si rien ne bouge, nous allons perdre un milliard d'euros de recettes d'ici 2017", a prévenu Martin Malvy (voir ci-contre notre article de ce jour sur l'ARF).
 C. Mallet