Energie - Photovoltaïque : le nouveau cadre de régulation soumis à consultation
Le gouvernement a transmis le 23 février au Conseil supérieur de l'énergie (CSE) et à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) les trois projets de textes réglementaires fixant le nouveau cadre de régulation du photovoltaïque. Deux dispositifs sont prévus : des tarifs d'achat pour les installations sur bâtiments de moins de 100 KW et des appels d'offres pour les installations sur les bâtiments de plus de 100 KW et les centrales au sol. La note d'accompagnement des textes rappelle que, au-delà des projets maintenus par le décret du 9 décembre 2010, la cible annuelle de nouvelles capacités photovoltaïques est de 500 MW par an.
Deux critères pour le tarif d'achat
Comme François Fillon l'avait indiqué le 22 février lors de la réunion interministérielle sur le photovoltaïque puis devant le Conseil économique, social et environnemental (voir notre article ci-contre), les tarifs d'achat pour les installations sur bâtiments seront fixés à 20% environ en dessous du tarif en vigueur au 1er septembre 2010. Ils seront ajustés par arrêté chaque trimestre en fonction du volume de projets déposés au cours du trimestre précédent. "Ainsi, autour d'une trajectoire tendancielle de baisse des tarifs d'achat de 10% par an, les tarifs d'achat baisseront plus fortement si la trajectoire-cible annuelle est dépassée. Inversement, si cette trajectoire n'est pas atteinte, les tarifs d'achat baisseront moins rapidement", précise la note. L'exposé des motifs de l'arrêté précise que "deux segment évoluent de manière autonome" : on compte d'une part les installations résidentielles intégrées au bâti de puissance inférieure ou égale à 36 kW, pour lesquelles la trajectoire-cible annuelle est de 100 MW et d'autre part les installations de puissance inférieure ou égale à 100 MW pour lesquelles la trajectoire-cible annuelle est de 80 MW.
Le tarif d'achat dépend de deux critères : le type de bâtiment (résidentiel, enseignement ou santé, autres bâtiments) et le type d'intégration au bâti (simplifié ou non). Le plus élevé va aux installations de moins de neuf kilowatts intégrées au bâti dans le secteur résidentiel (46,4 centimes d'euros le kilowattheure), le moins élevé aux installations avec intégration simplifiée au bâti des "autres bâtiments" de 36 à 100 KW (28,85 centimes d'euros/kW/h). Un tarif pour "tout type d'installation" de moins de 12 mégawatts est également établi, à 12 centimes d'euros/kW/h. La durée du contrat d'achat est de 20 ans. La mise en service doit avoir lieu dans un délai de 18 mois à compter de la date de demande complète de raccordement au réseau public par le producteur. En cas de dépassement de ce délai, la durée du contrat d'achat est réduite du triple de la durée du dépassement. Pour les projets au-dessus de 9 KW, une attestation bancaire doit être remise lors de la demande de raccordement et ce "afin d'attester du sérieux des projets", souligne la note.
Des appels d'offres lancés dès l'été 2011
Pour les toitures de plus de 100 KW et les centrales au sol, les premiers appels d'offres seront lancés à l'été prochain, "après avis des acteurs de la filière sur les principales conditions techniques des cahiers des charges", souligne la note d'accompagnement. Un système d'appel d'offres simplifié est proposé pour les installations sur bâtiments entre 100 et 250 kW (équivalent à une surface de toiture comprise entre 1.000 et 2.500 m2). "Ce mécanisme simplifié consistera à répondre à un cahier des charges standard, élaboré avec les acteurs de la filière et prévoyant notamment des exigences environnementales, poursuit la note. Les offres répondant à ce cahier des charges seront sélectionnées uniquement sur le critère prix du kWh". Ce dispositif est censé "garantir une réponse rapide aux porteurs de projet" et "prévenir tout phénomène spéculatif ou d'emballement sur le segment concerné, grâce à un contrôle optimal des volumes".
Pour les très grandes toitures (plus de 2.500 m2 de panneaux) et les centrales au sol, des appels d'offres annuels seront mis en oeuvre sur la base de plusieurs critères (prix, environnement, innovation...). "Ces appels d'offres pourront être pluriannuels afin d'apporter une visibilité suffisante aux investisseurs, indique la note. Les espaces à faible valeur concurrentielle (friches industrielles notamment) seront privilégiés afin de préserver la biodiversité et les usages agricoles et forestiers et des critères environnementaux et industriels devront être respectés afin de privilégier le rendement énergétique des équipements et l'innovation industrielle."
Mesures transitoires
L'arrêté d'abrogation du précédent arrêté tarifaire prévoit des "mesures transitoires afin que certaines installations pour lesquelles le contrat d'achat n'est pas encore signé puissent bénéficier des conditions tarifaires telles qu'elles résultent de l'application de l'arrêté tarifaire du 31 août 2010", selon l'exposé des motifs. Il s'agit des installations des particuliers, d'une puissance inférieure à 3 kW, pour lesquelles la demande complète de raccordement a été effectuée avant l'entrée en vigueur de l'arrêté et des "installations qui satisfont aux dispositions des articles trois et quatre du décret 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat". Le projet de décret modifie quant à lui le décret 2001-410 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par des producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat afin de permettre que l'arrêté tarifaire prévoie "la fourniture de documents attestant de la faisabilité économique du projet, de l'impact environnemental du projet ainsi que le respect de critères techniques ou architecturaux", précise l'exposé des motifs.
Les professionnels "sous le choc"
Au vu de ce nouveau cadre réglementaire, les industriels se disent "sous le choc". "Le projet ne retient aucune des recommandations exprimées lors de la concertation lancée par le gouvernement, a affirmé le Syndicat des énergies renouvelables (SER). Il énumère "une série de dispositions très restrictives" : la suppression du tarif au-delà de 100 kW "au bénéfice d'appels d'offres à l'issue incertaine" ; la "diminution immédiate de 20% des tarifs qui subsistent qui obère considérablement l'équilibre économique des projets" ; "la définition d'une cible annuelle de 100 MW pour les particuliers et de 100 MW pour les toitures moyennes inférieures à 100 kW, "bien en deçà des objectifs faisant consensus lors de la concertation" ; une dégressivité allant jusqu'à 9,5% par trimestre lorsque le volume trimestriel de projets dépasse 65 mW, "ce qui n'existe dans aucun autre pays au monde)" et "un système d'entrée en file d'attente des projets qui défavorise les PME". Très alarmiste, le SER craint "la disparition à brève échéance d'une grande partie des entreprises". "Dans l'état actuel du projet de texte, plus de 25.000 emplois seraient détruits d'ici l'anne prochaine."
Dans un communiqué commun, le Comité de liaison des énergies renouvelables (Cler), France Nature Environnement (FNE) et la Fondation Nicolas-Hulot jugent aussi "la filière photovoltaïque en péril". Ils regrettent notamment que pour éviter l'emballement, la proposition de plafonnement du coût du dispositif en euros et non en puissance installée n'ait pas été retenue. "Le gouvernement fait fi des propositions et des débats de la concertation, dans une totale négation des efforts des parties prenantes pour trouver des solutions permettant de dégager des compromis", dénoncent les trois associations. Le CSE et la CRE doivent se prononcer le 2 mars sur le dispositif gouvernemental et les trois textes être publiés au Journal officiel avant le 9 mars. Mais le débat est encore loin dêtre clos.