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Energie - Photovoltaïque : le décret instaurant un moratoire est paru

Un décret du 9 décembre 2010 suspend, à compter du 10 décembre, l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations photovoltaïques. Cette suspension est prévue pour une durée de trois mois, au lieu des quatre mois prévus par le projet de décret dévoilé par le gouvernement le 2 décembre dernier à l’issue d’une réunion interministérielle sur le photovoltaïque. Aucune nouvelle demande ne pourra donc être déposée avant le 10 mars 2011. Les professionnels des énergies renouvelables proposaient un délai de deux mois pour la concertation, afin de réduire au maximum la période d’incertitude. Les amendements élaborés par les représentants de la filière et défendus lors de l’examen du projet par le Conseil supérieur de l’énergie ont dans leur très grande majorité été repoussés.
Plus de 350 MW en cours de construction ou engagés (matériels commandés, acomptes payés aux fournisseurs) risquent d’être définitivement arrêtés, pour un investissement de plus de 1,5 milliard d’euros, une centaine d’entreprises  et plusieurs milliers d’emplois menacés, estime le Syndicat des énergies renouvelable (SER). Le comité de liaison des énergies renouvelables (Cler) et l'association Hespul considèrent de même qu’en mettant tous les projets, autres que les petits systèmes des particuliers, dans le même sac, le gouvernement fait fi de l’activité économique et de projets de milliers d’entreprises (architectes, bureaux d’études, PME…) et de collectivités locales qui sont loin d’êtres tous spéculatifs. Aussi demandent-ils à présent que les trois mois de suspension du tarif d'achat "soient l’occasion d’une réelle concertation ouverte et non la validation de mesures déjà prises ".

Dérogations

La suspension de l’obligation d’achat ne concerne pas les installations photovoltaïques domestiques "lorsque la somme des puissances crêtes situées sur la même toiture ou la même parcelle est inférieure ou égale à 3 kW", précise le décret. De même, en sont exclues les installations dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau avant le 2 décembre 2010 son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau. Initialement, le projet de décret excluait de la suspension les projets pour lesquels le producteur a versé au gestionnaire de réseau, avant cette date, un premier acompte en vue de son raccordement au réseau.
Ces dérogations sont subordonnées à la mise en service de l'installation (c’est-à-dire à la mise en service de son raccordement au réseau) dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification de l'acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ou, lorsque cette notification est antérieure de plus de neuf mois à la date d'entrée en vigueur du présent décret, à la mise en service de l'installation dans les neuf mois suivant cette date - le délai prévu initialement était de trois mois et les organisations professionnelles souhaitaient quant à elles un délai de douze mois.

Perte de confiance

L'Association des producteurs d'électricité solaire indépendants (Apesi) relève, dans un communiqué du 10 décembre, l’inadaptation du critère de "la notification au gestionnaire de réseau de l’acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau". Ce nouveau jalon, "décisif dans l’éligibilité au tarif de rachat", ne tient pas compte des délais de transmission par ERDF de ses propositions de raccordement, des différences réglementaires entre les petites toitures, les grandes toitures et le sol (par exemple, délais de dix-huit mois, investissements de 100.000 euros nécessaires pour constituer et instruire un dossier de permis de construire pour des projets de centrales au sol), des impacts en termes d’emplois ou encore de la perte de confiance des investisseurs, insiste l’Apesi. Pour cette dernière, le décret est par ailleurs particulièrement paradoxal dans la mesure où il maintient les projets les plus coûteux (disposant d’un tarif de rachat à 0,60 euro) et supprime tous les nouveaux projets (disposant d’un tarif allant de 0,27 à 0,50 euro) initiés dans le cadre réglementaire rénové.
Les délais seront prolongés lorsque la mise en service de l'installation sera retardée du fait des délais nécessaires à la réalisation des travaux de raccordement et à condition que l'installation ait été achevée dans les délais prévus. Dans tous les cas, la mise en service de l'installation devra intervenir au plus tard deux mois après la fin des travaux de raccordement. Le gouvernement accède sur ce point en partie aux revendications des organisations professionnelles, notamment en acceptant de prolonger les délais du temps nécessaire aux travaux de raccordement.

Moratoire ou "coup d'arrêt" ?

Toutefois, si le texte qui vient d’être publié "a légèrement assoupli les conditions permettant d'échapper au moratoire de trois mois, il a confirmé et aggravé les conditions de sortie du moratoire", déplore l’avocat spécialisé en droit de l’environnement Arnaud Gossement sur son blog. Ainsi, l’article 5 du décret prévoit-il qu’à l'issue du moratoire "les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat". "Ce n'est donc pas une suspension mais un coup d'arrêt, c'est-à-dire un nettoyage de la file d'attente des dossiers en attente de raccordement qui vient d'être décidé, lequel sera sans doute prochainement couplé à une baisse tarifaire", relève Arnaud Gossement. En effet, si les organisations professionnelles s’accordent sur la nécessité d’un moratoire permettant la redéfinition du cadre du marché photovoltaïque français, c’est sur la rétroactivité du dispositif que le bât blesse.
Jean-Michel Charpin, inspecteur général des Finances et auteur d’un rapport controversé sur la régulation de la filière photovoltaïque, et Claude Trink, ingénieur général des Mines, sont chargés de mener les travaux de concertation, associant outre les professionnels, les élus, les représentants des consommateurs et les organisations environnementales. La première rencontre avec les acteurs de la filière est fixée au 20 décembre prochain.