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Développement local - Economie verte : quelle stratégie pour les collectivités ?

Après l'euphorie des derniers mois, quelle est la réalité de la croissance verte en France ? Pour certains spécialistes, il y aura autant de destructions que de créations d'emplois et, surtout, beaucoup de mutations. La formation devient donc un enjeu majeur pour ne pas rater le coche. Les collectivités vont devoir mettre au point des stratégies territoriales pour avoir une vision de long terme.

Après la révolution internet, l'économie verte semblait ouvrir la voie à une nouvelle ère de croissance, avec de nombreuses créations d'emplois à la clé. Le Boston Consulting Group avait même chiffré l'an dernier à 600.000 le nombre d'emplois verts créés ou sauvés grâce aux mesures du Grenelle en France. Mais la croissance verte n'est peut-être pas l'eldorado qu'on nous présentait il y a quelques mois encore. Quelques mauvais signaux (baisse des tarifs du rachat de l'électricité photovoltaïque, fin du crédit d'impôts...) sont venus refroidir l'enthousiasme général. Et le moratoire sur l'obligation de rachat de l'électricité de certaines installations photovoltaïques pourrait causer la disparition d'une centaine d’entreprises et de plusieurs milliers d'emplois, estime le Syndicat des énergies renouvelables (voir ci-contre notre article du 10 décembre 2010).
Selon une étude de la direction générale du Trésor publiée le 9 décembre, certes il y aura bien un surcroît d'activité. Celui-ci pourrait générer entre 200.000 et 250.000 emplois supplémentaires dans les dix prochaines années. Mais attention au retour de manivelle : après 2020, le contrecoup financier des mesures va se faire sentir.

Chocs contradictoires

Pour Tristan Klein, du Conseil d'analyse stratégique, "la croissance verte est un mécanisme de destruction créatrice". "Il y aura bien des créations mais aussi des destructions dans certaines filières industrielles de la vieille économie", a-t-il expliqué lors d'un séminaire organisé par l'OCDE et ETD, le 8 décembre, dans les locaux de la Caisse des Dépôts. L'expert invite à ne pas reproduire les erreurs commises avec l'arrivée d'internet : faute d'anticipation, "les nouvelles technologies ont été diffusées avec un retard pour l'économie française". D'où la nécessité de mettre en place de véritables stratégies pour gérer au mieux les "chocs contradictoires" entre créations et destructions d'emplois. Au niveau de l'Etat, le ministère de l'Ecologie a déjà donné une trame en désignant dix-huit filières stratégiques. Dans un rapport à mi-parcours sur la stratégie pour une croissance verte, l'OCDE partage cet avis et considère que l'intervention des pouvoirs publics va être indispensable pour assurer la transition verte. Eric Meyermans, de la direction de l'Emploi de la Commission européenne, a mis en avant "le rôle des autorités locales et régionales à travers les transports, la construction, les infrastructures, les ressources, l'achat public". Il les a appelées à adopter des "stratégies de l'emploi" pour anticiper les besoins de qualification et de compétence". Car c'est l'un des points essentiels à gérer dans les années à venir. Le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) avait ainsi indiqué en début d'année qu'un besoin de formation de "grande ampleur" allait se manifester, chiffrant à 360.000 le nombre de personnes nécessitant une remise à niveau chaque année, rien que dans le bâtiment, un secteur particulièrement touché par l'introduction des nouvelles normes environnementales.

Formation continue

"La croissance verte ne va pas faire naître des dizaines de milliers de nouveaux métiers mais va plutôt engendrer des mutations des métiers traditionnels", a averti Tristan Klein. Un enjeu de taille pour la formation professionnelle accusée de ne pas profiter à ceux qui en ont le plus besoin. Car avec moins d’un jeune sur deux occupant un premier emploi correspondant à sa formation initiale, la formation continue va être en première ligne, davantage que la formation initiale, a encore souligné Tristan Klein, insistant sur le rôle des nouveaux outils : validation des acquis de l'expérience, droit individuel à la formation, etc. Quant aux universités, beaucoup ont mis en place des formations très alléchantes mais parfois éloignées du marché du travail. "Dans les métiers où l'on a de réels besoins comme l'assainissement de l'eau, le traitement des déchets, les étudiants sont beaucoup moins attirés", a ironisé Tristan Klein.
Dans le cadre du plan de mobilisation du gouvernement, cinq régions (l'Alsace, la Corse, le Nord-Pas-de-Calais, les Pays-de-la-Loire et la Réunion) doivent se doter d'un observatoire régional des emplois et des formations de la croissance verte, en lien avec un observatoire national. De leur côté, les maisons de l'emploi, dont le rôle était remis en cause avec la création de Pôle emploi, retrouvent du service. Trente-trois d'entre elles travaillent ainsi avec l'Ademe à mettre en place des plans d'actions pour que l'offre puisse répondre à la demande. C'est le cas de la maison de l'emploi de Mulhouse qui a mis en place de nouveaux modules de formation destinés aux demandeurs d'emploi afin de parfaire leur formation traditionnelle et de l'enrichir des nouveaux savoir-faire qu'exige la conversion environnementale. En contrepartie, les employeurs se sont engagés à les recruter.

Silicon Valley version verte

Avec les financements disponibles (notamment le FSE européen, ceux de la Caisse des Dépôts, les investissements d'avenir pour la ville de demain, etc.), les collectivités ont donc des outils pour parfaire leur stratégie. En France, des territoires comme la biovallée de la Drôme commencent à avoir une véritable identité. Mais c'est du côté de l'Autriche, avec le Land de Styrie situé au sud-est du pays, que l'on trouve l'un des meilleurs exemples en Europe de la façon dont des collectivités peuvent construire leur avenir. Cette région est aujourd'hui considérée comme une sorte de Silicon Valley version verte. Depuis la fin des années 1980, le Land a mis en place une politique qui vise à assurer son indépendance énergétique à travers le développement des énergies renouvelables et la maîtrise des consommations d’énergie. La Styrie compte ainsi sur son sol le premier "cluster" de technologies propres au monde, Eco World Styria, et affiche des chiffres de croissance "à la chinoise" : + 15,9 % en 2008, quand l'emploi, lui, a progressé de 18,7 % en un an. Le potentiel serait ici de 67.000 postes créés. "Certes, 2009 a été marquée par un léger ralentissement mais moindre que dans les autres industries", a témoigné Michael Forschner, directeur du Centre pour l'innovation sociale (ZSI) autrichien. La ville de Mureck, à la frontière slovène, est la vitrine de ce que la région veut faire. Usine de biodiesel, centrale de chauffage au bois et centrale de méthanisation : 90 % de tous les besoins de la ville sont aujourd'hui assurés. "Ce sont des réponses locales aux enjeux mondiaux", a souligné Michael Forschner. La question est de savoir combien de Styrie il peut y avoir en Europe.