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Environnement - Les emplois verts risquent-ils de favoriser l'exclusion sociale ?

Les analyses concernant les emplois verts se précisent. La dernière en date, celle du Centre d'analyse stratégique (CAS), "La croissance verte : quels impacts sur l'emploi et les métiers ?", qui vient d'être publiée, fait notamment le point sur ces évolutions. "Quelle que soit l'ampleur de la création nette d'emplois, la croissance verte ne va pas susciter en masse de nouveaux métiers, mais va essentiellement contribuer à faire évoluer les emplois existants voire traditionnels", détaille la note, qui explique qu'il s'agira plutôt de "mettre en œuvre les savoir-faire et gestes professionnels fondamentaux". Face à ces évolutions à venir, le besoin en formation, reconnu par tous comme le "talon d'Achille" du Grenelle de l'environnement, est important. "La difficulté de la tâche réside dans des enjeux quantitatifs et qualitatifs, explique le CAS. Les volumes de personnels à former sont très importants et vont peser fortement sur les dispositifs de formation." Autre constat : "Les métiers de la croissance verte sont divers et hétérogènes, avec quelques métiers très qualifiés (cadres du BTP, des transports, etc.), mais pour la plupart, ils sont occupés par des professionnels titulaires au plus d'un niveau bac." Pourtant, de nombreux acteurs, dont les régions, s'inquiètent de la capacité de la croissance verte à s'adresser à tous les niveaux de formation et à tous les publics. "Va-t-on améliorer l'exclusion sociale ou la renforcer avec la croissance verte ?", a ainsi interrogé Marie-Laure Meyer, conseillère régionale d'Ile-de-France, lors de la conférence nationale sur les métiers verts organisée le 28 janvier 2010 à Paris "L'enjeu de la croissance verte doit être de travailler par filière mais aussi de manière transversale par territoire pour être un outil de cohésion sociale et territoriale et ne pas reproduire une forme d'exclusion." Même inquiétude pour le député du Nord, Francis Vercamer, chargé par le Premier ministre d'une mission sur le développement de l'économie sociale et de l'entreprenariat social. "Il ne faudrait pas que la croissance verte ne soit que pour certains et que les autres restent au bord du chemin", a-t-il ainsi fait remarquer lors de la même réunion, soulignant qu'avec le nouveau Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), dédié à la formation des personnes les plus éloignées de l'emploi, "il y a des moyens à utiliser".

 

Expérimentation dans les maisons de l'emploi

Si l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) a développé depuis plusieurs années des formations vertes (40.000 stagiaires sur 180.000 par an), son directeur général, Philippe Caïla, estime "qu'on ne forme pas assez ou mal les niveaux bac ou inférieurs". "L'offre globale pour ces niveaux est faible, et l'Afpa ne peut pas faire face seule à cet effort de formation nécessaire", a-t-il souligné lors de la conférence sur les métiers verts. 75% des offres d'emplois verts devraient pourtant concerner ces bas niveaux (IV ou V), d'après le gouvernement… Sur le terrain, les avis sont un peu différents. "Dans le secteur du bâtiment que nous traitons, nous allons travailler avec des bas niveaux", explique ainsi Marie-Dominique Lacoste, directrice de la maison de l'emploi de Lille. Exemple d'action que cette structure a mis en place pour ces jeunes : la construction, par des ingénieurs de l'Afpa, d'une maison démontable, permettant de faire des tests énergétiques et de présenter les différents dispositifs et techniques écologiques aux jeunes des quartiers. "Les publics en insertion sont très sensibles à ces sujets qui les touchent, alors qu'on a souvent du mal à les mobiliser, détaille Marie-Dominique Lacoste. Ils y trouvent peut-être un sentiment d'utilité." La maison de l'emploi de Lille fait partie des trois structures, avec la maison de l'emploi de Bayonne-Pays Basque et celle de Nancy, à tenter une expérimentation. Copilotée par l'Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Alliance Villes Emploi (AVE), cette initiative vise à construire un plan d'actions pour combler les écarts entre l'offre et la demande d'emplois dans le domaine du développement durable. Une expérimentation qui va être étendue à trente autres maisons de l'emploi sur tout le territoire français, et qui devrait permettre de savoir si les jeunes sans qualification ou les personnes les plus éloignés de l'emploi seront ou non les grands oubliés de la croissance verte.

 

Emilie Zapalski