Nouveau pacte ferroviaire - "Peut mieux faire", estiment les régions
Juste avant l'adoption en première lecture par les députés du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, Régions de France a présenté ce 17 avril ses propositions en vue de l'examen prochain du texte au Sénat. Si les régions se disent satisfaites sur plusieurs points, notamment en matière d'ouverture à la concurrence, elles se disent "vigilantes" sur certaines dispositions. Elles exhortent l'Etat à respecter l'intégralité de ses engagements d'investissement dans le réseau, notamment pour les "petites lignes".
"Peut mieux faire" : telle était l'appréciation portée par Régions de France ce 17 avril sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, à quelques heures de son adoption en première lecture par les députés. "Il y a des avancées mais aussi des points de vigilance à avoir, a déclaré lors d'une conférence de presse Michel Neugnot, président de la commission 'transports et mobilité' de Régions de France. Nous espérons que nos propositions seront prises en compte lors de la lecture au Sénat."
Satisfecit sur l'ouverture progessive à la concurrence
Sur deux grands points au moins, les régions affichent leur satisfaction. L'ouverture progressive à la concurrence, d'abord, et la liberté qui leur est laissée de décider elles-mêmes de son calendrier. Le code des transports permettra ainsi à partir de 2019 aux régions qui le souhaitent d’attribuer tout ou partie de leur service de transport ferroviaire par appels d’offres. A contrario, celles qui souhaitent poursuivre leur collaboration avec la SNCF pourront le faire jusqu’en 2023. "Il n'y aura pas de big bang, a souligné Michel Neugnot. Cela permettra de tester la réaction du marché et de faire une transition progressive car toutes les régions ne souhaitent pas aller à la même vitesse." Autre élément rejoignant leurs propositions : l'accès garanti aux données de l'opérateur sortant, nécessaire pour que les régions élaborent les prochains appels d'offres. Il faudra maintenant que le texte soit plus précis sur les modalités de communication de ces données aux entreprises candidates à l'appel d'offres, a ajouté Michel Neugnot, qui a aussi salué d'autres "points positifs" pour les régions comme la possibilité pour le gestionnaire d'infrastructure de différencier les redevances d'infrastructure afin de garantir le maintien de la desserte des villes moyennes ou le fait pour les régions de pouvoir conclure une convention directement avec la Suge, le service de sûreté de la SNCF.
Les régions se satisfont aussi d'autres dispositions introduites par les députés lors des débats comme la nécessité de les informer en cas de modification de l'offre longue distance desservant leur territoire et de les consulter dans le cadre de la fixation des tarifs sociaux.
Points de vigilance
Dans la perspective de l’examen au Sénat, les régions se disent néanmoins "vigilantes" sur un certain nombre de dispositions non précisées dans le texte. Sur la gouvernance du groupe ferroviaire public, elles souhaitent ainsi que leur présence dans les conseils d’administration de la SNCF et de SNCF Réseau soit "explicitement mentionnée" alors que dans sa version actuelle, le texte prévoit uniquement une représentation adaptée "des parties prenantes". Comme d'autres associations d'élus, Régions de France milite pour le rattachement de Gares & Connexions à SNCF Réseau (lire ci-dessous notre du 13 avril 2018). Cette filialisation doit en outre s'accompagner d'une autonomie de gestion et financière permettant à Gares & Connexions de réaliser les investissements nécessaires au développement des gares, sans que l'importante dette de SNCF Réseau obère sa capacité d'investissement, défendent les associations d'élus. Les régions veulent en outre récupérer "dans des conditions équitables" le matériel roulant ainsi que les ateliers de maintenance utilisés pour les activités TER. Elles tiennent en particulier à ce que soit précisée la répartition de la prise en charge du coût du démantèlement du matériel roulant amianté. Le pacte ferroviaire prévoit aussi un "conventionnement supplétif", autrement dit que les régions puissent conventionner des services TGV afin de permettre l'accès des abonnés TER aux TGV et d'assurer le maintien de la desserte de certaines gares. Là encore, les régions souhaitent que le texte soit amélioré pour éviter que ce conventionnement permette à l'Etat et à SNCF Mobilités de faire reposer une part trop importante du coût des services TGV sur les régions. Elles disent aussi accorder une "vigilance toute particulière" à l’évolution de la tarification de l’infrastructure ferroviaire. "La soutenabilité de ces augmentations pour les finances régionales doit être contrôlée par un tiers impartial, l’Arafer, pour ne pas conduire à un transfert de charges de l’Etat vers les collectivités", soulignent-elles. Elles estiment "à tout le moins" que la hausse des péages imposée aux régions doit être sortie du champ d'application de la "contractualisation financière" avec l'Etat.
Interrogations sur le financement des petites lignes
Les régions restent également préoccupées par la question des "petites lignes". "Il ne suffit pas d’affirmer, comme le président de la République le 12 avril sur TF1, que les régions devront prendre leurs responsabilités. Il convient au préalable que l’Etat respecte intégralement les engagements qu’il a pris au titre des contrats de plan Etat-régions (CPER) 2015-2020, soulignent-elles. Or, fin 2017, à mi-parcours des CPER, moins du quart des crédits promis par l’Etat sur le volet mobilité ont été engagés. Le gouvernement doit donc accélérer le déblocage des fonds promis pour que les régions puissent entamer les travaux."
Enfin, elles regrettent que le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) qui devrait conforter les régions dans leur rôle d’autorité organisatrice pour une couverture totale du territoire national, n'ait pas été examiné en premier. "Ce morcellement du processus législatif nuit à la cohérence globale de la démarche gouvernementale", pointent les régions. "Il eût été plus lisible pour le débat démocratique de commencer par la loi LOM pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens qui ne se résument pas au ferroviaire, fait valoir Michel Neugnot. N'oublions pas que 30% de la population française est encore éloignée des modes de transport et rencontre des problèmes de mobilité."