"Nouveau pacte ferroviaire" - Une réforme par ordonnances
Le projet de loi "pour un nouveau pacte ferroviaire" a été présenté ce 14 mars en conseil des ministres. Il vise à habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnances pour réformer le fonctionnement de la SNCF et à préparer l'ouverture à la concurrence des transports intérieurs de voyageurs qui pourrait intervenir dès la fin 2019 pour les TER.
Le projet de loi "pour un nouveau pacte ferroviaire" a été présenté par la ministre des Transports Elisabeth Borne ce 14 mars en conseil des ministres. Le texte comprend huit articles, dont six visent à habiliter le gouvernement à recourir à des ordonnances pour décliner les axes de la réforme du système ferroviaire arrêtés le 23 février dernier (lire notre article ci-dessous). "Le recours aux ordonnances permet de mener de façon concomitante deux mois de concertation approfondie avec l’ensemble des acteurs (mars – avril) et trois mois de débat au Parlement (avril – juin), indique le communiqué du conseil des ministres. La concertation servira de socle au débat parlementaire, dans la mesure où à chaque fois qu’elle aura permis d’avancer suffisamment sur un sujet, le gouvernement pourra introduire les mesures correspondantes sous forme d’amendements au projet de loi, à la place des ordonnances."
"L'objectif est simple, c'est un meilleur service public ferroviaire au meilleur coût pour les usagers et pour les contribuables. C'est aussi une SNCF plus efficace, plus unifiée et ayant tous les atouts dans l'ouverture à la concurrence", a résumé Elisabeth Borne à l'issue du conseil des ministres.
Pas de remise en cause du caractère public de la SNCF
Le premier article autorise le gouvernement à prendre une ordonnance "pour améliorer le fonctionnement du groupe public ferroviaire (la SNCF, ndlr) dans le contexte de l'achèvement de l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire". Il s'agit d'en "modifier les missions, l'organisation, la gouvernance et la forme juridique (...) sans remettre en cause (son) caractère public" et "de déterminer les conséquences de ces modifications, notamment les conditions dans lesquelles les contrats de travail se poursuivent après leur intervention et les effets en résultant sur le droit social applicable". Les modalités de gestion des gares de voyageurs seront aussi traitées dans le texte, "notamment en veillant aux moyens de financement des investissements nécessaires à leur bon entretien et à leur développement", selon l'exposé des motifs.
Au grand dam des syndicats qui menacent d'une grève dure, le gouvernement veut pouvoir "modifier le cadre de la négociation sociale d'entreprise, ainsi que les conditions de recrutement et de gestion des emplois des salariés du groupe public ferroviaire". L'exposé des motifs évoque directement "l'arrêt des recrutements au statut (de cheminot) des nouveaux agents", un point hautement sensible.
Transposition du "quatrième paquet ferroviaire"
Le texte (articles 2 à 5) prévoit aussi la transposition dans la loi française du "quatrième paquet ferroviaire", l'ensemble de textes européens régissant l'arrivée de la concurrence, et ses aspects techniques et sociaux. "Il s'agit de déterminer le calendrier d'ouverture de ces services, les modalités de la période de transition ainsi que les conditions dans lesquelles il pourra être dérogé, le cas échéant, aux obligations de mise en concurrence", explique la ministre dans son exposé des motifs. Sont abordés aussi dans l'article 4 les problèmes pratiques comme la reconnaissance croisée des billets des différentes compagnies. L'article 6 précise quant à lui le rôle de l'Arafer, le régulateur du secteur, et les deux derniers sont purement procéduraux.
Concernant le calendrier, la ministre a déjà indiqué mercredi vouloir permettre aux régions qui le souhaitent d'ouvrir les TER à la concurrence à partir de décembre 2019, les autres ayant encore la possibilité de maintenir une attribution directe à la SNCF jusqu'en 2023.
Le patron de la SNCF Guillaume Pepy doit de son côté expliquer jeudi matin à Elisabeth Borne comment il compte s'y prendre pour préparer le "projet stratégique" qu'il doit présenter avant l'été. Il doit réorganiser le groupe public et surtout le rendre plus efficace. Edouard Philippe lui a en particulier demandé d'"aligner ses coûts sur les standards européens", quand "faire rouler un train en France coûte 30% plus cher qu'ailleurs".
Petites lignes SNCF : des collectifs d'usagers et élus en appellent à l'Etat
Dans une tribune publiée dans Le Monde ce 14 mars, une vingtaine de collectifs d'usagers de toute la France, trois syndicats et huit élus insistent sur la nécessité de "redéployer un service public" du ferroviaire. Pour eux, l'État doit absolument "rénover les lignes de proximité", favoriser l'intermodalité et le transport de vélos, "re-développer les trains classiques de jour et de nuit, avec des liaisons transversales, régionales et internationales" et "décider d'une véritable fiscalité écologique pour remettre les camions sur les rails et rendre le train attractif face à la route et l'avion". "Les lignes de train ne sont pas des lignes comptables ! A-t-on jamais demandé à une route départementale d'être rentable ? Plutôt qu'un abandon fondé sur des calculs de rentabilité économique à court terme, nous avons besoin aujourd'hui d'une politique de rénovation et d'innovation", écrivent-ils.
Parmi les signataires, des usagers des lignes Morlaix-Roscoff, Nantes-La Rochelle-Bordeaux, Agen-Périgueux-Paris, Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, des trains de nuit ou encore de l'étoile ferroviaire de Veynes (Hautes-Alpes). Outre les fédérations CFDT Cheminots, Sud Rail ou la CGT Cheminots des Alpes, cet appel est soutenu par huit élus de tous bords, dont Guillaume Gontard, sénateur (CRCE) de l'Isère, Patricia Morhet-Richaud, sénatrice (LR) des Hautes-Alpes, Nathalie Perrin-Gilbert, maire (Divers gauche) du 1er arrondissement de Lyon, Frédérique Puissat, sénatrice (LR) de l'Isère.
Fin février, les régions avaient déjà expliqué qu'elles ne voudraient en aucun payer seules pour la rénovation de ces petites lignes. Dans un communiqué, la SNCF explique que "le Premier ministre a dit clairement qu'il ne suivrait pas les préconisations du rapport Spinetta" et que les investissements pour ces lignes ont augmenté, de 546 millions d'euros en 2016 à 818 millions en 2017. Par ailleurs, elle rappelle que cinq lignes ont été rouvertes l'an dernier dont Brest-Quimper et Cannes-Grasse. Six lignes en revanche ont été suspendues pour des raisons de sécurité comme Oyonnax-Saint-Claude ou Pertuis-Meyrargues.
AFP