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Assises de l'APVF - Petites villes : comment demeurer attractives ?

Les 19es assises de l'Association des petites villes de France (APVF), organisées ces 26 et 27 mai à La Grande Motte, ont mis l'accent sur trois grands terrains de préoccupation pour ces maires de communes de 2.500 à 25.000 habitants : le maintien de la capacité d'investissement (encore et toujours la baisse des dotations), la place des petites villes dans la nouvelle organisation territoriale, les services publics. Sans oublier les enjeux liés au numérique et à la reconquête des centres-ville. Les deux ministres venus s'exprimer devant eux, Emmanuel Macron et Jean-Michel Baylet, ont avant tout décliné les décisions du dernier comité interministériel aux ruralités.

C'est dans une petite ville pas tout à fait comme les autres que l'Association des petites villes de France (APVF) avait donné rendez-vous ces 26 et 27 mai pour ses 19es assises – La Grande Motte, cette station balnéaire de l'Hérault sortie de terre à la toute fin des années 1960. La Grande Motte est bien une petite ville l'hiver, avec ses 9.000 habitants permanents. Mais au cœur de l'été, ce sont 120.000 personnes qui séjournent dans cette commune dont le maire, Stéphan Rossignol, continue de nourrir des projets de développement.
Le président de l'APVF, Olivier Dussopt, avait souhaité placer ces assises sous le signe de "l'attractivité" liée à une certaine "qualité de vie" dans ces communes de 2.500 à 25.000 habitants. Mais avait aussi d'emblée parlé de "villes qui souffrent, socialement et économiquement", confrontées à de nouveaux enjeux de "cohésion sociale" et, dans le même temps, au risque de devoir "diminuer l'action publique locale" faute de ressources. "Nous demandons à l'Etat de prendre toute la mesure de nos difficultés", déclarait le député-maire d'Annonay, évoquant naturellement à la fois la baisse des dotations et la hausse des charges contraintes.
S'agissant de la baisse des dotations, l'APVF souhaite, comme l'Association des maires de France notamment, que "la troisième tranche soit si possible annulée" dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 et, à défaut, que cette dernière étape de la baisse soit a minima "étalée sur deux ou trois ans". "Réduire encore et pour la troisième fois les dotations pourrait avoir un effet récessif", a prévenu Olivier Dussopt à l'adresse du ministre de l'Economie, venu vendredi s'exprimer devant les maires. L'APVF attend en outre que le gouvernement "pérennise le fonds d'investissement de 1 milliard d'euros". Toutefois, a souligné Olivier Dussopt, "1 milliard de dotation globale de fonctionnement ne peut être assimilé à 1 milliard de fonds d'investissement", notamment parce que dans le cadre de ce fonds, c'est bien l'Etat, via les préfets, qui décide de l'éligibilité de tel ou tel projet – encore une entorse à la libre administration des collectivités locales. Enfin, l'association ne peut que souhaiter que la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) "tienne mieux compte des spécificités des petites villes", principalement en matière de charges de centralité. "La centralité : c'est là que ça ne marche pas, que c'est le plus compliqué", a résumé Pierre Jarlier, le premier vice-président délégué de l'APVF, lors d'un atelier consacré aux concertations en cours (comité des finances locales, Parlement, associations d'élus…) sur cette réforme.
Ces trois exigences financières se sont retrouvées dans "l'Appel des petites villes", la résolution finale des assises. Chacun dans son style, les deux membres du gouvernement présents à La Grande Motte, Emmanuel Macron et Jean-Michel Baylet, n'ont pu que reconnaître l'importance de l'effort demandé aux collectivités. Tout en s'empressant de rappeler ce qui a été fait pour "préserver la capacité d'investissement local" : FCTVA, aide aux maires bâtisseurs, renforcement de la péréquation, fonds d'investissement… dont "les crédits seront reconduits", a déclaré le ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités locales. Celui-ci a en outre assuré "suivre de près la répartition, région par région, de l'attribution de ce fonds", dont "60% est déjà engagé, avec plus de 3.000 dossiers retenus" par les préfets. S'agissant de la réforme de la DGF, on saura que le gouvernement présentera "à l'été" le rapport "faisant la synthèse des travaux menés".

Quel dialogue avec la grande région ?

Au-delà des seuls enjeux financiers, l'APVF demande dans sa résolution finale à ce que les petites villes soient réellement "associées à la réforme territoriale". La nouvelle carte intercommunale issue de la loi Notr – dont Olivier Dussopt fut le défenseur en tant que rapporteur du texte à l'Assemblée – offre a priori des perspectives intéressantes pour nombre de petites villes, dont la place se trouve plutôt confortée. Reste à leur laisser le temps (en matière d'urbanisme, de fiscalité…) et la souplesse (pour le versement transport notamment) nécessaires. Jean-Michel Baylet a confirmé que des dispositions sont prévues dans le cadre du projet de loi Egalité et Citoyenneté (pour le PLU) et du prochain projet de loi de finances.
"Je sais bien que pour le maire, la question qui se pose, c'est : quelle est la place de ma commune dans cette nouvelle organisation territoriale ?", a reconnu le ministre, réaffirmant au passage que le suffrage universel direct sera bien réservé aux seuls délégués métropolitains.
Les élus s'étant exprimés lors des assises ont tous insisté sur l'enjeu des nouvelles grandes régions. Comment être partie prenante dans l'élaboration des schémas régionaux ? Comment adapter les nouvelles politiques régionales aux besoins des communes ? "Il faut profiter de la nouvelle dynamique territoriale pour créer un lien fort entre la région et les territoires", a ainsi insisté Pierre Jarlier. Tout comme Jean-Pierre Balligand, le président de l'Institut de la gouvernance territoriale, a considéré que "le vrai défi des régions, c'est l'interland inframétropolitain" : "Les métropoles n'ont pas vraiment besoin de la région. Elles sont déjà connectées au reste du monde. C'est sur leur périphérie que les régions ont du travail", a-t-il jugé. Plusieurs voix ont à ce titre souligné l'importance des conférences territoriales de l'action publique (CTAP), notamment pour porter toutes les contractualisations nécessaires entre échelons territoriaux.
Considérant que "la CTAP reste quand même marquée par une forte représentation des territoires urbains", Carole Delga, présidente de la région Midi-Pyrénées-Languedoc Roussillon, prévoit de mettre en place une "assemblée des territoires" pour assurer ce dialogue. Elle compte en outre ouvrir au moins une "maison de la région" par département afin d' "incarner" la région, "notamment sur le développement économique, avec le transfert des compétences du département à la région".
Jean-Michel Baylet a pour sa part indiqué avoir souhaité que le Pacte Etat-métropoles en cours de discussion avec l'association France urbaine comprenne "un volet spécifique sur la prise en compte de la périphérie".

Services… et réseaux

Troisième pilier de l'Appel des petites villes : leur permettre de rester "l'un des éléments essentiels du maillage du pays" et de nourrir leur attractivité en disposant de services publics de qualité. Par services publics, l'APVF songe en premier lieu à la sécurité : pas question de continuer à "subir les pertes d'effectifs de police et de gendarmerie" et pas question de "remplacer la police nationale par la police municipale", toutes deux étant simplement "complémentaires" (voir notre encadré ci-dessous).
Sur le terrain des services de santé, thématique chère à l'APVF, on retiendra notamment une proposition, celle de désigner des "territoires prioritaires de santé", un peu sur le modèle des territoires prioritaires de la politique de la ville, qui donneraient lieu s'il le faut à des "mesures coercitives". Jean-Michel Baylet y a répondu en rappelant le déploiement des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), ainsi que les diverses mesures liées à la santé évoquées une semaine plus tôt à Privas dans le cadre du troisième comité interministériel aux ruralités (voir notre article du 23 mai).
Tous domaines confondus, Jean-Michel Baylet comme Emmanuel Macron n'ont d'ailleurs pas manqué de puiser largement dans le catalogue de ce comité interministériel : maisons des services au public (MSP), schémas départementaux d'amélioration et d'accessibilité des services au public, contrats de ruralité… Sans oublier le volet numérique et téléphonie.
Il faut dire que le président de l'APVF avait largement insisté sur cet enjeu-là, notamment à l'adresse d'Emmanuel Macron, appelant l'Etat à ne pas oublier, au-delà des seules zones blanches, toutes ces zones grises – toutes ces petites villes ne pouvant offrir à leurs habitants et leurs entreprises autre chose que des réseaux de piètre qualité. "Une desserte intermittente, c'est aussi rédhibitoire que l'absence de desserte."
Qualifiant les problèmes d'accès aux réseaux d' "intolérables", le ministre en charge du numérique a fait état des dernières avancées et des nouveaux engagements du gouvernement – et des opérateurs – en matière de fibre et de couverture mobile : statut de zone fibrée, nouvel appel à notification pour les centres-bourgs, prise en charge des frais de construction des pylônes, nouvelles zones grises "prioritaires"…

Centres-ville : pour une "approche transversale"

L'APVF ne pouvait guère aujourd'hui évoquer l'attractivité des petites villes sans se pencher sur le devenir des centres-ville. La problématique de la "redynamisation" des centres-ville n'est évidemment pas nouvelle. Elle semble toutefois s'affirmer avec davantage d'acuité, du fait des nouveaux dispositifs proposés aux élus et, visiblement, d'une nouvelle prise de conscience : le déclin qui touche nombre de centres-ville aujourd'hui n'est pas qu'une question de petit commerce asphyxié par les zones commerciales de périphérie. C'est aussi une question d'habitat, de "mutations sociales" voire de "ghettoïsation", d'urbanisme, de patrimoine, de culture, de transports, de stationnement, de fiscalité… La ville doit donc faire l'objet d'une "approche transversale".
L'exemple de Saint-Flour, dans le Cantal, fait apparemment figure de cas d'école. La ville s'est engagée dans cette voie d'une "démarche globale" depuis plusieurs années, avant même d'être retenue dans le cadre de l'appel à projets "centres-bourgs" de 2014. Son maire, Pierre Jarlier, évoque à ce titre les leviers qui ont été mobilisés : "une intervention patrimoniale" s'appuyant sur une Avap (aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine) et un "PLU qualitatif" ; la requalification de certains secteurs afin, par exemple, de consacrer une rue entière à l'artisanat ; la création d'un parking de proximité en faisant "de la réserve foncière"… Sur le commerce, la ville fait jouer son droit de préemption et a adhéré à un établissement public foncier (EPF) pour "pouvoir faire des acquisitions rapides" notamment destinées à pouvoir offrir à des franchises des espaces commerciaux de taille suffisante. Elle s'est dotée d'un agent de développement (entre autres en charge d'assurer une veille sur les multiples appels à projets lancés dans ce domaine…), a prospecté les franchises potentiellement intéressées par une implantation en cœur de ville, a conventionné avec l'association des commerçants… Quant au volet habitat (l'objet de l'appel à projets centres-bourgs), avec 2.000 logements vacants ou relevant de l'habitat indigne, un important programme de réhabilitation a été lancé, "pas uniquement sur du locatif conventionné, mais aussi de l'accession sociale et de l'accession à la propriété classique", témoigne Pierre Jarlier. Regrettant que les logements réhabilités ne puissent actuellement pas bénéficier des mêmes dispositifs incitatifs que les logements neufs en accession, le maire a indiqué que son territoire allait lancer autour de cette question "une opération expérimentale" avec l'Union sociale pour l'habitat et la Caisse des Dépôts.
Thierry Ravot, directeur régional de Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon de la Caisse des Dépôts, a mis en exergue le soutien que celle-ci peut apporter dans le cadre, notamment, de la revitalisation des centres-bourgs ou des conventions "Centre-ville de demain" (dont la première a été signée à Libourne il y a quelques jours – voir notre article du 25 mai), y compris en matière d'ingénierie. Marc Abadie, directeur du réseau et des territoires de la Caisse des Dépôts, y voit une bonne illustration de la façon dont la Caisse des Dépôts entend être l'interlocuteur privilégié des petites villes pour "mobiliser l'argent public et privé" mais aussi, plus largement, "accompagner les transitions" et "encourager les coopérations".
S'agissant du seul volet commercial, Emmanuel Macron a pour sa part rappelé le travail en cours depuis juin dernier pour "moderniser le Fisac" et le fléchage de 20 millions d'euros supplémentaires (également une mesure arrêtée dans le cadre du comité interministériel)… et a fait savoir que la mission lancée en février dernier par Sylvia Pinel et Martine Pinville sur les commerces en centre-ville (voir notre article du 8 février) rendra son rapport "dans quelques semaines".
Ce n'est pas dans quelques semaines, mais dans quelques jours, que les maires trouveront une nouvelle tribune pour faire part de leurs attentes les plus immédiates et concrètes. Nombre de maires de petites villes se joindront en effet au congrès de l'Association des maires de France, où l'atmosphère sera sans doute moins tempérée qu'à La Grande Motte. L'APVF prévoit quant à elle d'ores et déjà d'adresser début 2017 "un manifeste des petites villes à tous les candidats à l'élection présidentielle", avec publication des réponses de chacun d'entre eux.

Claire Mallet, à La Grande Motte


Sécurité : de la "petite délinquance" à la prévention de la radicalisation…
En matière de sécurité, l'une des deux tables rondes du 26 mai a permis de rappeler que les petites villes "aussi" doivent évidemment faire face à des problèmes parfois prégnants de délinquance. Et de reposer, à leur échelle, la question de la fameuse "coproduction locale de sécurité". Le maire et sa police municipale, la police ou la gendarmerie (certaines villes sont en zone gendarmerie, d'autres pas), les autres acteurs de terrain… A chacun sa place. Mais selon les territoires et les élus, les nuances sont sensibles. Il y a La Grande Motte fière de ses 27 agents de police municipale (et le double l'été) ou, à un quart d'heure de route de là, Lunel et ses 37 policiers municipaux armés, assurant une présence "sur le terrain" 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Et puis il y a Saint-Pierre-Des-Corps qui, malgré ses 15.000 habitants, "des difficultés importantes sur la toute petite délinquance" et un "effet gare TGV", n'a pas de police municipale et dont le maire, Marie-France Beaufils, "s'est toujours battue pour que la police nationale joue pleinement son rôle". Tout comme il y a Coulaines et ses 7.000 habitants, dans la Sarthe, où il n'y a ni police municipale ni caméras sur la voie publique, et où l'on continue de penser que "90% de la délinquance peut être réglé par la prévention". Tous, en revanche, témoignent de l'utilité du CLSPD. "On compte aujourd'hui environ 900 CLSPD en France. Ce n'est pas énorme. Mais il y a une montée en puissance, un intérêt croissant. L'obligation légale des CLSPD ne concerne que les communes de plus de 10.000 habitants mais il peut en réalité représenter un outil précieux pour tous les maires", a exposé Philippe François, sous-préfet, chargé de mission au Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).
L'ajout de ce R pour "radicalisation" est récent. Le maire de Lunel, Claude Arnaud, sait qu'il n'avait pas été invité par hasard, depuis que sa ville a été "sous les feux des projecteurs" pour la vingtaine de jeunes partis en Syrie, dont huit ont été tués. La radicalisation, "une nouvelle problématique, qui s'ajoute aux autres", témoigne l'édile, qui avait "senti depuis 4 ou 5 ans des changements en termes de comportement, de tenues, de fréquentation de la mosquée". En revanche, précise-t-il, cette dérive extrême de certains jeunes, "personne ne l'a vue venir". Aujourd'hui, là-dessus aussi, le CLSPD montre selon lui son utilité, dans le cadre d'une cellule autorisant l'échange d'informations nominatives, "où on parle des cas de radicalisation potentielle". Les policiers municipaux ont été sensibilisés et formés. Des formations sont aussi organisées pour les "acteurs en contact avec la jeunesse" (médiateurs, animateurs sportifs…). "Les maires sont essentiels pour transmettre de l'information. Ils n'ont en revanche jamais de retour. Il faudrait au moins qu'ils soient informés lorsqu'une personne est mise hors de cause", a relevé Christophe Rouillon, maire de Coulaines, qui faisait partie de la délégation de maires présents à Matignon le 19 mai dernier pour la signature de la convention entre Manuel Valls et l'AMF visant à renforcer la coopération entre l'Etat et les maires dans ce domaine de la lutte contre la radicalisation (voir notre article du 20 mai).
C.M.
 

 

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