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Culture - Patrimoine monumental : le Sénat adopte une proposition de loi profondément remaniée

Le Sénat a adopté en seconde lecture, le 3 novembre, la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'Etat, déposée par l'ancien président de la commission, Jacques Legendre, et Françoise Férat, sénatrice (Union centriste) de la Marne et auteur d'un rapport sur la question. Mais le débat a souffert d'une évidente confusion. Alors que la nouvelle commission de la Culture avait refusé d'examiner le texte et les amendements déposés (voir notre article ci-contre du 25 octobre 2011), la proposition de loi a pourtant été adoptée lors de la séance plénière, qui a donné lieu au dépôt de 80 amendements qui n'avaient pas été présentés en commission... Dans ces conditions, Françoise Férat, rapporteur de la proposition de loi, s'est désistée et c'est Marie-Christine Blandin, la présidente de la commission de la Culture, qui a dû endosser le rôle de rapporteur... Le paradoxe est que la majorité et l'opposition sénatoriale sont largement d'accord sur le contenu du texte et se sont trouvé un "adversaire" commun : l'Assemblée nationale, qui a introduit dans le texte voté en première lecture par le Sénat des amendements jugés "inacceptables" et qui "modifient l'esprit du texte et ne peuvent pas être acceptés tels quels".
Les modifications introduites par le Sénat visent avant tout à restreindre les possibilités de cession aux collectivités du patrimoine monumental de l'Etat. Pour cela, le texte renforce notamment le rôle et les pouvoirs du Haut conseil du patrimoine monumental, créé par la proposition de loi. L'article 1er précise ainsi - dans une formulation qui ne relève pas vraiment de l'ordre législatif et semble quelque peu contradictoire avec l'objet même du texte - que "le Haut conseil du patrimoine monumental est guidé dans ses décisions par le principe d’inaliénabilité des monuments inscrits ou classés. La cession et le bail emphytéotique ne sont consentis qu’à titre exceptionnel et ne peuvent en aucun cas constituer un mode de gestion global et pérenne du patrimoine monumental de l’Etat comme des collectivités territoriales". Les restrictions concernent également les éventuels projets de bail emphytéotique administratif portant sur les monuments historiques classés ou inscrits de l'Etat. Alors que, dans la rédaction de l'Assemblée, le Haut conseil était "informé" des projets de bail emphytéotique d'une durée égale ou supérieure à 30 ans (et pouvait rendre un avis à la demande d'un tiers au moins de ses membres), le texte du Sénat prévoit que cette instance doit nécessairement se prononcer sur ces projets quelle qu'en soit la durée. De plus, la rédaction du Sénat prévoit que "les projets de baux emphytéotiques ne peuvent porter ni sur les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, ni sur les abbayes‑mères, ni sur les monuments d’intérêt national ou fortement symboliques au regard de la Nation", ces deux derniers éléments pouvant donner lieu à une interprétation extensive.
La rédaction du Sénat pose également des verrous à l'égard des collectivités territoriales. Elle précise en effet que "la vente d’un monument historique classé ou inscrit par une collectivité territoriale ou par un groupement de collectivités, préalablement transféré par l’Etat à cette collectivité ou à ce groupement, est interdite". En cas de manquement à cette règle, l'Etat pourrait demander la restitution du monument transféré.
La proposition de loi doit maintenant être inscrite, en seconde lecture, à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Celle-ci pourrait soit rechercher un compromis, en commission mixte paritaire, soit décider de revenir purement et simplement au texte adopté par elle en première lecture... malgré les critiques formulées au Sénat sur cette rédaction par la majorité gouvernementale.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'Etat (adoptée en première lecture par le Sénat, le 4 février 2011 et par l'Assemblée nationale le 6 juillet 2011 ; adoptée par le Sénat en seconde lecture le 3 novembre 2011).

 

 

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