Culture - Transfert des monuments aux collectivités : le Sénat revient à la charge
En juillet dernier, Françoise Férat, sénatrice de la Marne, présentait le rapport du groupe de travail fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat sur le Centre des monuments nationaux (voir notre article ci-contre du 7 juillet 2010). Intitulé "Au service d'une politique nationale du patrimoine : le rôle incontournable du Centre des monuments nationaux", il concluait à "l'urgence de la définition d'un principe de précaution appliqué au patrimoine monumental de l'Etat". Derrière cet appel figure le souci constant du Sénat - face au feuilleton de l'acte II du transfert des monuments historiques de l'Etat (voir nos articles ci-contre) - d'éviter les dévolutions précipitées, dictées avant tout par la recherche d'économies rapides et qui risqueraient de menacer, à terme, l'intégrité du patrimoine national. Lors de l'adoption de ce rapport, Jaques Legendre, président de la commission des affaires sociales du Sénat, avait d'ailleurs annoncé le dépôt d'une proposition de loi "avant la fin de la session parlementaire" afin de mettre en oeuvre les préconisations du rapport.
La promesse est désormais tenue, avec le dépôt, par Françoise Férat et Jacques Legendre, d'une proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'Etat. Avec ses treize articles, il ne s'agit pas d'une pétition de principe, mais d'un véritable cadre législatif. La philosophie générale en est de réactiver le principe de "transférabilité" des monuments appartenant à l'Etat, tout en identifiant ceux possédant une vocation culturelle et en encadrant strictement la procédure de transfert des monuments aux collectivités territoriales. La proposition de loi crée ainsi un haut conseil du patrimoine, inspiré de la commission Rémond et chargé notamment d'apprécier le caractère transférable des monuments historiques appartenant à l'Etat, d'identifier ceux susceptibles d'avoir une utilisation culturelle et de formuler des prescriptions obligatoires pour chacun d'eux (ouverture au public, diffusion de l'information relative au monument...). La proposition de loi consacre également plusieurs articles aux modalités de transfert aux collectivités territoriales. Ceux-ci prévoient que les transferts accompagnés d'un projet culturel se font à titre gratuit. Ils précisent dans ce cas les obligations des collectivités territoriales. En l'absence d'un projet culturel, les transferts se font à titre onéreux, dans les conditions prévues par le Code général de la propriété des personnes publiques. Lorsqu'ils sont réalisés à titre gratuit, ils valent transfert de service et s'accompagnent des transferts des personnels (avec un droit d'option pour les agents).
Précaution à tous les étages
Dans l'année qui suit le transfert, les ministères chargés du domaine de l'Etat et des monuments historiques assurent gratuitement un suivi et une mission d'assistance technique pour accompagner les collectivités bénéficiaires. La proposition de loi détaille le déroulement de la procédure de transfert et précise le contenu des informations qui doivent figurer dans la convention de transfert. Elle instaure également le fameux "principe de précaution" souhaité par le Sénat, en prévoyant une série de mécanismes de sécurité. Ainsi, les commissions des affaires culturelles de l'Assemblée et du Sénat doivent être destinataires, tous les trois ans, d'un bilan d'application de la loi transmis par le gouvernement et d'un bilan du transfert transmis par les collectivités concernées. L'avis conforme du haut conseil du patrimoine est requis pour autoriser le déclassement du domaine public en vue de la revente des monuments historiques cédés gratuitement par l'Etat à une collectivité territoriale. Enfin, avant toute revente du monument, la collectivité doit saisir les ministres chargés du domaine de l'Etat et des monuments historiques, qui peuvent alors demander la restitution, à titre gratuit, du monument.
Référence : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'Etat, présentée par Françoise Férat et Jacques Legendre, sénateurs.