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Culture - Le Sénat veut instaurer un "principe de précaution" sur le transfert des monuments historiques

Françoise Férat, sénatrice de la Marne, a présenté le rapport du groupe de travail, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, sur le Centre des monuments nationaux (CMN). Intitulé "Au service d'une politique nationale du patrimoine : le rôle incontournable du CMN", ce document s'inscrit dans un cadre bien précis : celui des débats - agités - de l'automne dernier sur la relance du processus de transfert des monuments historiques de l'Etat aux collectivités territoriales volontaires, qui s'est finalement achevée par une censure du Conseil constitutionnel (voir nos articles ci-contre). A l'occasion de ces débats, le Sénat s'était montré des plus réservé sur le projet de texte, se faisant l'écho des inquiétudes du secteur culturel sur un risque de "bradage" de patrimoine monumental de l'Etat. Le rapport s'emploie donc à démontrer que "le CMN est un outil précieux au service d'une politique dynamique de protection et de valorisation du patrimoine de l'Etat". Même s'il encore trop tôt pour établir un bilan définitif de la réforme du CMN menée il y a trois ans (voir notre article ci-contre du 16 avril 2007), la commission de la culture constate les effets positifs de la dynamique engagée et se félicite d'une politique de développement des ressources propres "à la fois ambitieuse et respectueuse de sa mission de service public culturel". Le rapport pointe néanmoins un certain nombre de points faibles ou de dysfonctionnements. Ceux-ci concernent la mise en oeuvre de la maîtrise d'ouvrage - qui constitue une compétence nouvelle pour le CMN -, les conséquences de la RGPP sur les ressources humaines et les incertitudes sur les évolutions du périmètre du Centre, "principale crainte de la commission de la culture".

Ce contexte conduit la commission à souligner "l'urgence de la définition d'un principe de précaution appliqué au patrimoine monumental de l'Etat". Une demande justifiée à ses yeux par un triple constat. D'une part, le rapport relève des carences dans la mise en oeuvre et le suivi de la première vague de transferts, intervenue en 2005-2006. D'autre part, il s'inquiète des modalités d'application des règles de la domanialité publique et craint, plus précisément, un "découpage" des monuments historiques en fonction de leur utilisation, avec un risque de "déclassement des parcelles qui ne seraient pas directement affectées à un service public culturel". Enfin, la commission s'inquiète des polémiques nées de la mise en oeuvre de la politique immobilière de l'Etat. Elle cite notamment l'exemple actuel de l'Hôtel de la Marine (place de la Concorde à Paris) et constate que, parmi la liste des biens vendus récemment par l'Etat, "figurent des monuments historiques qui ne sont pas répertoriés en tant que tels et dont la signification patrimoniale et symbolique n'est pas prise en compte". La position sur ce point est parfaitement claire : "La commission de la culture du Sénat ne peut accepter que l'Etat donne le sentiment de brader son patrimoine au détriment d'une politique patrimoniale nationale cohérente."

Pour mettre en oeuvre les garde-fous qu'elle appelle de ses voeux, la commission de la culture du Sénat formule une dizaine de propositions. Celles-ci visent à relancer le principe de "transférabilité" des monuments historiques de l'Etat, tout en l'assortissant d'une procédure et de conditions très strictes. Parmi ces dernières, on retiendra notamment des obligations d'information précises (notamment à l'égard des collectivités intéressées), une interdiction des transferts partiels d'immeubles ou d'objets séparément des immeubles qui les abritent, ou encore l'affirmation de la prééminence du ministre de la culture dans les décisions de transfert (allusion aux désirs de cession de Bercy, responsable du domaine). Plutôt que d'attendre un hypothétique nouveau projet de loi émanant du ministère de la Culture - passablement échaudé par son échec de l'automne dernier (voir notre article ci-contre du 5 janvier 2010) -, la commission de la culture du Sénat annonce que ces mesures feront l'objet d'une proposition de loi, qui sera déposée "au cours de la prochaine session parlementaire".

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

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