Patrimoine - Le Conseil constitutionnel censure le transfert des monuments historiques aux collectivités
Le Conseil constitutionnel a peut-être mis un terme définitif à la possibilité d'élargir et de pérenniser le transfert (expérimenté en 2005-2006) aux collectivités territoriales de la propriété de monuments historiques et de sites archéologiques appartenant à l'Etat, en vue d'en assurer la conservation et la valorisation culturelle. Dans sa décision du 29 décembre, le Conseil a en effet déclaré contraire à la Constitution l'article 116 de la loi de finances pour 2010. Le contenu de cet article ne revêt certes pas l'importance de la création de la taxe carbone (censurée), de la réforme de la taxe professionnelle (validée) ou de la création du RSA jeunes (validé), mais marque néanmoins un coup d'arrêt pour une réforme qui semblait déjà mal engagée (voir nos articles ci-contre d'octobre à décembre 2009).
Contrairement aux autres dispositions examinées par le Conseil constitutionnel, l'article 116 ne figurait pas dans le recours déposé par l'opposition parlementaire. C'est le Conseil lui-même qui s'est saisi de cette disposition et qui l'a déclarée contraire à la Constitution, non pas sur le fond - qui n'a pas été examiné -, mais au titre de "cavalier budgétaire" n'ayant pas sa place dans une loi de finances. L'article en question est en effet sans rapport direct avec le budget de l'Etat, les transferts autorisés par l'article 116 étant réalisés à titre gratuit.
Bien que le fond de l'article n'ait pas été censuré, il n'est pas certain que l'Etat cherche à réintroduire cette disposition. Il n'en est d'ailleurs pas véritablement à l'origine, puisque l'article 116 reprenait en réalité une proposition de loi déposée en octobre 2008 par Philippe Richert, député et ancien président du conseil général du Bas-Rhin (voir notre article ci-contre du 22 octobre 2008). Après le transfert expérimental autorisé par le décret du 20 juillet 2005 et limité à la liste de monuments élaborée par la commission présidée par l'historien René Rémond, l'objectif était d'autoriser un appel généralisé et sans limite temporelle au volontariat des collectivités territoriales. Dans le même temps, l'article 116 prévoyait d'élargir les possibilités de transferts à l'ensemble du patrimoine de l'Etat et de ses établissements publics (et non plus du seul Centre des monuments nationaux). Mal rédigé, cet article a cependant suscité un accueil mitigé à l'Assemblée nationale et, plus encore, au Sénat, qui en ont fortement amendé le contenu, en renforçant notamment le contrôle de l'Etat sur les transferts. Plusieurs parlementaires de tous bords ont également exprimé des inquiétudes sur le périmètre des transferts, certains n'hésitant pas à évoquer - sans vraiment y croire - le transfert de l'arc de triomphe de l'Etoile ou du Mont-Saint-Michel. D'autres se sont également inquiétés du devenir des monuments après leur transfert.
Outre la difficulté de trouver un nouveau support législatif à cette disposition, le relatif échec des transferts proposés en 2005-2006 ne semble guère incitatif à un retour devant le Parlement. Sur les 176 monuments proposés à l'époque, seuls 65 ont fait l'objet d'un engagement de transfert et seules 56 conventions ont été signées à ce jour entre l'Etat et les collectivités concernées.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Conseil constitutionnel, décision numéro 2009-599 DC du 29 décembre 2009 relative à la loi de finances pour 2010 (Journal officiel du 31 décembre 2009).