Culture - Le patrimoine classé ou inscrit de l'Etat pourra être transféré aux collectivités à tout moment
L'article 97 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales et son décret d'application du 20 juillet 2005 ont ouvert une possibilité de transfert aux collectivités territoriales d'éléments du patrimoine classé ou inscrit de l'Etat et du Centre des monuments nationaux. Mais cette "décentralisation du patrimoine" ne s'est pas vraiment révélée un succès. Malgré quelques transferts spectaculaires (le château du Haut-Koenigsbourg ou l'abbaye de Jumièges, par exemple), les deux tiers des 176 monuments proposés par l'Etat en 2005-2006 - à l'issue des travaux de la commission présidée par l'historien René Rémond - sont finalement restés dans son giron (voir notre article ci-contre du 27 juillet 2006). Des monuments aussi emblématiques que le palais Jacques-Coeur de Bourges, le château d'Aulteribe, la maison de George Sand à Nohant ou les tours de La Rochelle ne sont ainsi pas parvenus à trouver preneur.
L'Etat n'a cependant pas renoncé à transférer une partie de son patrimoine aux collectivités territoriales, pour se concentrer sur les sites et monuments d'intérêt national. L'article 52 du projet de loi de finances (PLF) pour 2010 apporte, sur ce point, une avancée spectaculaire. Celui-ci remplace en effet l'appel à candidatures ponctuel, limité dans le temps et portant sur une liste nominative de monuments (celui de 2005-2006 n'a jamais été renouvelé) par une autre approche : celle d'un appel généralisé et sans limites temporelles au volontariat des collectivités territoriales. En d'autres termes, le patrimoine de l'Etat est à transférer en toute saison... Autre novation introduite par l'article 52 du PLF : le patrimoine transférable ne se limite plus à celui de l'Etat et du Centre des monuments nationaux, mais s'étend désormais à celui de tous les établissements publics de l'Etat. Toute collectivité territoriale intéressée pourra donc - si l'article est adopté en l'état - solliciter à tout moment l'un de ces trois acteurs pour demander le transfert d'un monument qui l'intéresse. Attention toutefois : le dispositif prévu par l'article 52 du PLF ne va tout de même pas jusqu'à la vente libre ! Le cadre prévu par le décret du 20 juillet 2005 est en effet maintenu. L'Etat se réserve la possibilité d'accepter ou non les candidatures, au terme d'un délai d'expertise, et après avoir fixé les conditions scientifiques du transfert, par exemple par la voie d'une convention. Selon l'exposé des motifs de l'article 52, "le transfert pourra être refusé sur la base de critères tirés de l'intérêt des finances publiques, des conséquences statutaires pour les personnels concernés, du projet scientifique de l'établissement ou de l'importance qui s'attache à ce que l'élément de patrimoine demeure au sein de l'Etat".
Cette disposition du PLF 2010 reprend l'essentiel d'une proposition de loi de Philippe Richert, sénateur du Bas-Rhin (très en pointe sur les transferts), déposée en octobre 2008 et "concernant les nouvelles possibilités de transfert d'affectation aux collectivités territoriales du patrimoine de l'Etat" (voir notre article ci-contre du 22 octobre 2008). Cette proposition de loi préconisait déjà le principe d'un appel à candidatures généralisé et sans limites temporelles.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : Projet de loi de finances pour 2010 (déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 30 septembre 2010).