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Culture - Le rapport de Montgolfier bouscule le monde du patrimoine

Dormir à Versailles ou se réveiller à Chambord sont des rêves qui pourraient bientôt devenir réalité. Ils font partie des 37 propositions soumises, le 7 octobre dernier, par Albéric de Montgolfier au chef de l'Etat qui l'avait chargé d'examiner "tous les leviers d'action, juridiques et financiers [...] pour que notre politique du patrimoine soit exemplaire". Dans un rapport audacieux, le sénateur et président du conseil général d'Eure-et-Loir formule des propositions pour dynamiser la gestion du patrimoine monumental et favoriser l'appropriation par le public de l'histoire nationale et locale. Parmi les sujets sensibles, figure ainsi la proposition invitant l'Etat à utiliser des baux emphytéotiques dits "administratifs" pour la location des bâtiments historiques. L'émotion suscitée par la récente annonce d'un projet de location, pour un bail de longue durée, de l'hôtel de la Marine, place de la Concorde à Paris, témoigne du caractère délicat de la question. Le sénateur de Montgolfier estime néanmoins qu'il ne faut pas "considérer comme tabou l'aménagement résidentiel, la création de bureaux ou le développement d'activités économiques annexes dans un monument historique". A titre d'exemple, il préconise de créer sur les grands sites comme Versailles, Fontainebleau, Compiègne, Chambord ou Rambouillet des structures hôtelières labellisées "grands hôtels de France" sur le modèle des "paradores" espagnols. Une autre proposition invite à confier, à titre expérimental, la gestion de certains monuments du Centre des monuments nationaux au secteur privé, par le biais d'une gestion déléguée ou de partenariats public-privé. Le rapport insiste également sur la nécessité de promouvoir le mécénat de proximité des PME pour le rendre plus favorable aux "petits dons" et suggère d'étendre le chèque-emploi service universel aux activités d'accueil dans les monuments historiques privés. Cette dernière mesure devrait s'accompagner d'une dérogation systématique autorisant le travail le dimanche dans les monuments historiques privés. Enfin, une autre préconisation ne devrait pas manquer de susciter des réactions. Elle concerne en effet le retour de la proposition de transfert aux collectivités territoriales, à titre gratuit, de monuments historiques de l'Etat. Si elle devait être mise en oeuvre, cette proposition du sénateur de Montgolfier rouvrirait un dossier que le Sénat s'était pourtant employé à refermer (voir nos articles ci-contre du 7 juillet 2010 et du 3 décembre 2009).
En sa qualité de président de conseil général, Albéric de Montgolfier profite du rapport pour déplorer que l'effort financier des collectivités territoriales en faveur des monuments historiques soit aussi mal connu. Il rappelle que les collectivités sont propriétaires de 58% des monuments classés et d'environ 45% des monuments classés et inscrits, seuls 6% appartenant à l'Etat. Les communes sont, à elles seules, propriétaires de 43% de ce patrimoine. D'après ses calculs, la contribution des collectivités s'élèverait à 300 millions d'euros.

 

Jean-Noël Escudié / PCA