Emploi - Missions locales : la pédagogie de Xavier Bertrand ne convainc pas
L'intervention de Xavier Bertrand, ministre du Travail, à l'occasion de la séance plénière du Conseil national des missions locales (CNML) du 20 avril 2011, n'a réussi à convaincre ni les missions locales, ni leurs dirigeants, ni les élus. Si le ministre a délaissé son discours institutionnel pour amorcer un débat avec les élus, les discussions ont été musclées. L'objectif de cette intervention était pourtant, d'après le ministère, de "faire de la pédagogie"… Au centre de la polémique : la publication de la circulaire de la DGEFP (Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle) du 19 janvier 2011 qui fixe les nouveaux objectifs des missions locales. Cette circulaire instaure un financement de ces structures en fonction de leurs résultats, à savoir le nombre de jeunes placés et donc sortis du dispositif d'accueil et d'insertion. Une nouvelle façon pour l'Etat d'évaluer, et donc de financer, les missions locales justifiée par les disparités de leurs résultats. Dernièrement, à l'occasion d'une question posée le 29 mars à Xavier Bertrand par le député du Nord, Jean-Louis Pérat, le ministre a souligné ces écarts. "Si le taux d'insertion s'élève à 28% au niveau national, il ne doit pas faire oublier les disparités locales : dans certaines régions, ce taux est à 13% dans d'autres à 62%", a-t-il indiqué, précisant que "cette circulaire a pour but de tirer les missions locales vers le haut". Un financement "à la tâche" qui, d'après la vice-présidente du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur déléguée à la formation professionnelle et à l'apprentissage, Pascale Gérard, ne correspond pas du tout au mode de fonctionnement des missions locales, qui travaillent davantage sur un accompagnement global des jeunes. "On voit sous nos yeux l'Etat transformer les missions locales en un Pôle emploi pour les jeunes", déplore-t-elle. Pourtant, ce rôle d'accompagnateur des jeunes est aujourd"hui reconnu. Le 29 septembre 2009, le président de la République les avait ainsi confortées dans leur rôle "pivot de l'accompagnement des jeunes".
"On avait fait bouger les lignes"
Les rapports présentés récemment par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'action sociale ont également "confirmé leur spécificité, leur dynamisme et leur utilité au service de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes", a fait valoir le président du CNML, Bernard Perrut, député-maire de Villefranche-sur-Saône, lors de son intervention le 20 avril. Le protocole 2010-2015 du 30 septembre 2010, signé entre l'Etat et l'Association des régions de France (ARF), l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'Association des maires de France (AMF) allait dans ce sens. "On avait fait bouger les lignes avec les missions locales et l'Etat, indique ainsi Pascale Gérard, on avait réussi à ce que les missions locales soient tout sauf des opérateurs de placement." La circulaire, imposée par le gouvernement, vient contrarier cette démarche. Jugée "antinomique avec le protocole" par la vice-présidente du conseil régional de Paca, elle pose aussi, d'après elle, un problème de fragilisation financière des missions locales et empêche les conseillers de ces structures de travailler correctement. "Elle impose une sorte de schizophrénie professionnelle : d'un côté, les régions leur demandent d'être sur le suivi global des jeunes, de l'autre, côté Etat, on leur demande des indicateurs quantitatifs de placement. Professionnellement, ça devient difficile pour les conseillers !" Autre problème auquel les missions locales sont confrontées : leur budget. S'il demeure le même qu'en 2010, soit 198 millions d'euros, les 51 millions d'euros accordés dans le cadre du plan de relance ne seront pas renouvelés. Pourtant l'afflux de jeunes aux portes des missions locales se poursuit, conséquence de la crise économique et financière.
Xavier Bertrand n'a rien lâché
D'après une étude de la Dares (ministère du Travail), publiée en avril 2011, 1,3 million de jeunes de 16 à 25 ans ont été reçus en 2010, soit 10% de plus en un an. 515.000 ont été accompagnés pour la première fois en 2009. Et les mauvaises conditions économiques, dues à la crise, rendent difficile le travail des missions locales. En 2010, 435.000 jeunes seulement ont pu signer un contrat de travail classique, soit 10% de moins qu'en 2009. Un chiffre en partie compensé par les emplois aidés (108.000 dont 42.000 contrats en alternance) et les entrées en formation (241.000). Enfin, des baisses de financement pour certaines missions locales ont été signalées par le Syndicat national des métiers de l'insertion (Synami). Ainsi, d'après celui-ci, 18 régions sur 22 voient leurs financements baisser, la somme des financements régionaux étant inférieure à l'enveloppe nationale... Sur ces points, la réunion du CNML a été l'occasion de faire ressortir ces difficultés. Et Xavier Bertrand a chargé le président du CNML, de faire remonter ces problèmes locaux. En revanche, sur les autres points, enveloppe budgétaire identique à 2010, budget du plan de relance non reconduit et application de la circulaire, Xavier Bertrand n'a rien lâché. Malgré les opérations de mobilisation, organisées par le Synami en mars à l'occasion du passage du train de l'emploi en France, la pétition qui est en train de tourner dans les missions locales, ou encore la menace d'une grève, qui serait organisée par le syndicat le 13 mai... La demande des régions, par la voix de l'ARF, d'un moratoire sur l'application de la circulaire et sa remise à plat aura-t-elle le même impact ? L'Union nationale des missions locales (UNML) a quant à elle demandé à rencontrer Xavier Bertrand. Le rendez-vous, qui a été repoussé, doit avoir lieu le 4 mai. Il y a de fortes chances pour que le ministre reprenne son discours pédagogique.
Emilie Zapalski
Les missions locales en quelques chiffres
472 structures (433 missions locales et 39 PAIO)
11.050 professionnels
1,2 million de jeunes accompagnés (dont 515.000 en premier accueil)
543.000 contrats de travail signés : 435.000 emplois classiques, 108.000 emplois aidés et 241.000 entrées en formation
187.773 jeunes entrés en Civis (contrat d'insertion dans la vie sociale), avec un taux de sortie de 42%
409 euros par jeune accompagné
Les financeurs : l'Etat (38,3%), les régions (18,8%), les communes et EPCI (23%), le Fonds social européen (7,4%), d'autres organismes publics et privés (7,2%) et les départements (5,2%).