Emploi des jeunes - L'Igas préconise une réforme des missions locales
"Les écarts de situation entre les jeunes de zones urbaines sensibles (ZUS) et ceux du reste des agglomérations concernées se sont aggravés entre 2003 et 2008." C’est l’un des constats de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) établi dans le cadre d’une mission sur l’insertion professionnelle des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Une mission destinée à évaluer les conditions d’accès à l’emploi de ces jeunes, qui a été réalisée entre novembre 2009 et février 2010 à partir d’entretiens au niveau national et d’enquêtes de terrain dans quatre régions (Champagne-Ardenne, Ile-de-France, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes). Et le premier constat du rapport de la mission, rendu public le 8 octobre 2010, est donc préoccupant : les objectifs fixés dans le cadre de la loi de rénovation urbaine du 1er août 2003, qui prévoyaient une réduction d’un tiers du nombre de jeunes demandeurs d’emploi dans ces quartiers sur cinq ans et un taux de chômage proche de celui des agglomérations de chacune de ces ZUS, n’ont pas été atteints. "L’écart des taux de chômage des jeunes entre les ZUS et les autres quartiers des agglomérations concernées non seulement ne s’est pas réduit, mais s’est accru, surtout depuis 2007, le rapport passant de 1,6 à 2,0", détaille ainsi le rapport de l’Igas. En 2003, ce taux atteignait 36,5% pour les ZUS, contre 22,4% pour les autres quartiers ; en 2008, il atteint 35,7% contre 17,6% dans les autres quartiers… "Les jeunes résidant en ZUS restent frappés par un taux de chômage double de celui des autres quartiers des mêmes agglomérations", souligne encore le rapport, qui avance les principales explications à ces différences : les niveaux de qualification plus faibles des jeunes de ces quartiers et les problèmes de discrimination. Forte de ce constat, l’Igas passe ensuite en revue les interactions entre les deux principaux réseaux concernés : Pôle emploi et les missions locales. "Pôle emploi et les missions locales ont mis en place depuis 2001, avec l’accord de l’Etat, un partenariat de 'co-traitance'. Cette relation, en apparence équilibrée et à laquelle chacun des partenaires est attaché, est confuse et déséquilibrée, au détriment de la prise en charges des jeunes, assure l’Igas, les missions locales acceptent de prendre en charge les jeunes au-delà des quotas, considérant que l’accompagnement relève de leur responsabilité eu égard à leur mission principale de service public." Et malgré les avancées du nouvel accord signé entre l’Etat, le Conseil national des missions locales (CNML) et Pôle emploi, l’Igas estime que la co-traitance réalisée par les missions locales est sous-financée, d’où l’idée lancée d’"aligner progressivement le contenu et le niveau de financement de la co-traitance sur ceux des prestations d’accompagnement sous-traités par Pôle emploi, sans réduire par ailleurs les subventions pérennes de l’Etat aux missions locales".
Civis renforcé
Autre problème à régler avec Pôle emploi : l’articulation entre les deux réseaux. Dans ce domaine, l’Igas propose d’encourager le développement du rôle de placement des missions locales par une meilleure articulation entre leurs outils et ceux de Pôle emploi. Un développement qui "peut s’accompagner d’une reconnaissance par la loi qui consacrerait enfin la mise sur un pied d’égalité des deux réseaux au regard du placement". L’Igas propose même de réformer le réseau des missions locales pour lui permettre de mieux répondre aux besoins de ces jeunes de quartiers difficiles. Une réforme d’ampleur et de niveau législatif, dont l’Igas dessine les premières esquisses : la création d’un GIP national, la filialisation au sein de Pôle emploi ou encore la constitution de structures de portée régionale sous forme associative qui assureraient la gouvernance des antennes toujours situées au plus près des jeunes (commune ou agglomération). Mais en attendant cette réforme ambitieuse, l’Igas estime qu’il est nécessaire de clarifier le rôle des missions locales et de réévaluer leurs moyens financiers. "Sur ce dernier point, le Civis (contrat …) devra être complété d’un dispositif renforcé pouvant s’inspirer du contrat d’autonomie en cours de déploiement". En résumé, les moyens consacrés au contrat d’autonomie, qui peine à se développer, seraient redéployés vers ce Civis renforcé. Un "Civis intensif", qui correspondrait à une prestation de prospection et d’accompagnement renforcé vers et dans l’emploi, que "les missions locales pourraient assurer en régie ou piloter dans le cadre de marchés régionaux". Au-delà des évolutions nécessaires du réseau des missions locales, et concernant l’accès des jeunes des ZUS à la qualification, le rapport de l’Igas estime qu’il faut renforcer l’offre à la disposition des jeunes des quartiers, dans le cadre des nouveaux contrats de plan régional de développement des formations professionnelles (CPRDF) et mettre davantage ces jeunes en capacité d’accéder aux contrats en alternance.
Emilie Zapalski