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Personnes âgées et handicapées - Médicosocial : la circulaire budgétaire 2012 conjugue rigueur et mesures nouvelles

La circulaire budgétaire du secteur médicosocial apporte son lot de mesures intéressant les collectivités. Si la rigueur budgétaire épargne les mesures nouvelles, avec un objectif national de dépenses d'assurance maladie de 4% pour le médicosocial, les dépenses de fonctionnement courant des établissements font en revanche l'objet d'un réel tour de vis...

Le ministère des Solidarités et celui du Budget publient la circulaire budgétaire relative aux orientations de l'exercice 2012 pour la campagne budgétaire des établissements et services médicosociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées. Adressée aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS), elle passe en revue, comme chaque année, l'ensemble des grands chantiers du secteur. 
Cette circulaire du 5 avril 2012 commence par rappeler que le secteur médicosocial continue de faire l'objet d'une attention particulière, puisque le Parlement a voté un Ondam médicosocial (objectif national des dépenses d'assurance maladie) en progression de 4% pour 2012, alors que l'Ondam général reste limité à 2,5% (voir notre article ci-contre du 5 janvier 2012). L'objectif prioritaire justifiant cet effort est le développement de l'offre et l'achèvement de la médicalisation des établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Rigueur pour le fonctionnement courant des établissements

S'il bénéficie d'un traitement de faveur pour permettre une amélioration quantitative et qualitative de l'offre, le secteur n'échappe pas pour autant à la rigueur au titre de son fonctionnement courant. Le taux d'évolution de la masse salariale des établissements et services sociaux et médicosociaux privés à but non lucratif est ainsi fixé - pour toutes les conventions collectives - à 0,8%, tandis que la valeur du point est gelée dans les établissements et services publics (comme dans l'ensemble des trois fonctions publiques). Pour sa part, l'effet des prix sur l'évolution des autres dépenses est fixé à 0%. En combinant ces deux éléments, le taux global de progression des dépenses récurrentes est donc de 0,712% pour les établissements et services pour personnes âgées et de 0,6% pour ceux destinés aux personnes handicapées. Ces taux de progression s'entendent hors "mesures catégorielles et autres mesures impactant les modalités de reconduction des DRL" (dotations régionales limitatives).
Toujours au chapitre de la rigueur budgétaire, la circulaire du 5 avril 2012 rappelle également la mise en réserve de précaution de 100 millions d'euros sur le secteur médicosocial. Ceci conduit à surseoir, en début d'exécution, à plusieurs dépenses : 48 millions d'euros sur les crédits du plan annuel d'investissement (PAI) 2012 (hors soutien aux mesures Alzheimer), 15 millions sur des opérations PAI plus anciennes et non engagées et qui devraient donc tomber en déchéance, 16,4 millions sur des "opérations diverses" qui ne pourront finalement voir le jour en 2012 et 20,6 millions sur des crédits de paiement de places nouvelles dans le secteur des personnes âgées.

Convergence tarifaire et crédits non reconductibles

Parmi les mesures catégorielles évoquées par la circulaire figure notamment la convergence tarifaire des établissements pour personnes âgées qui, tout en restant un objectif, fait l'objet en 2012 de modalités de mise en oeuvre "assouplies" pour les établissements encore financés sur le modèle des conventions tripartites de première génération, dites Dominic (dotation minimale de convergence). Cette coexistence de rythmes différents dans la mise en oeuvre de la convergence soulève plusieurs difficultés, que la circulaire budgétaire 2012 s'efforce d'aplanir en rappelant un certain nombre de règles d'équité, portant notamment sur l'allocation des crédits non reconductibles (voir nos articles ci-contre du 5 avril et du 27 février 2012).
Toujours sur l'évolution des DRL, la circulaire du 5 avril 2012 rappelle l'épuisement progressif des marges de manoeuvre temporaires apportées jusqu'alors par l'allocation de crédits non reconductibles. Ceux-ci résultaient de l'écart entre les prévisions d'installation et les réalisations des équipements pour personnes âgées ou personnes handicapées. Le nouveau dispositif de budgétisation de ces crédits en AE-CP (autorisations d'engagement et crédits de paiement) tend en effet à tarir cette marge, même si elle représentait encore 500 millions d'euros en 2011 d'après les rapprochements entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les ARS.
La circulaire appelle aussi l'attention des directeurs généraux d'ARS sur différents éléments, comme le déploiement du système d'information de la tarification (projet Hapi, pour "harmonisation et partage d'information"), la nécessité d'un suivi effectif de l'activité des établissements pour personnes handicapées tarifés au prix de journée ou encore la gestion des résultats et l'utilisation des ratios d'analyse.
Elle évoque également les modalités de l'expérimentation sur les règles de tarification des Ehpad - à ne pas confondre avec la convergence - prévue par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012. Cette expérimentation - conduite dans des établissements volontaires pour une durée de trois ans - permet notamment de déroger aux règles de calcul du forfait soins, en majorant ce dernier en fonction d'un certain nombre d'indicateurs de qualité et d'efficience des soins (dont la liste doit être arrêtée par décret).

Plan Alzheimer : priorité à l'accueil de jour

La moitié de la circulaire du 5 avril 2012 est toutefois consacrée à la mise en oeuvre des mesures nouvelles dans le secteur des personnes âgées et dans celui des personnes handicapées.
En matière de personnes âgées, la circulaire rappelle ainsi les "feuilles de routes 2012 et 2013" pour la déclinaison des mesures du plan national Alzheimer. Tout en mettant en avant les bons résultats déjà obtenus - 460 pôles d'activités et de soins (Pasa), 58 unités d'hébergement renforcées (UHR) médicosociales et 65 UHR sanitaires accueillent déjà des malades - et en soulignant la rapide montée en charge des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (Maia), la circulaire reconnaît "que les objectifs pour l'accueil de jour et l'hébergement temporaire peinent à être atteints". Elle demande donc aux ARS de donner, pour 2012, la priorité à la restructuration des accueils de jour, afin de "mettre fin au 'saupoudrage' des autorisations de création de places et faire obstacle aux effets d'aubaine de certains établissements [...]".
Elle demande aussi que les équipes spécialisées Alzheimer (ESA) - au nombre de 195 à ce jour - dans les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) "ciblent leur file active sur les malades en début de maladie et entretiennent des liaisons étroites et formalisées avec les consultations mémoire". Même le plan Alzheimer - priorité présidentielle - n'échappe pas au souci de rigueur dans la gestion budgétaire : les crédits correspondant au financement sur six mois de la tranche 2012 des Pasa et des ESA seront conservés au niveau national et "pourront être délégués en cours d'année aux régions qui auront totalement achevé la réalisation des tranches 2010 et 2011 [...]".
Enfin, considérant que le financement des dernières mesures prévues par le plan Solidarité grand âge 2007-2012 (PGSA), et notamment la création de places d'Ehpad, est désormais garanti par les AE notifiées par la CNSA en 2011 et 2012, les crédits excédentaires seront affectés pour les deux tiers aux créations de places d'accueil de jour et pour un tiers à celles de places de Ssiad.

La médicalisation des Ehpad toujours au premier plan

La circulaire traite également de trois autres mesures nouvelles dans le secteur des personnes âgées. La première concerne l'affectation et l'utilisation des 140 millions d'euros de crédits de médicalisation des Ehpad pour 2012. Ces crédits seront consacrés au financement des conventions conclues et prenant effet cette année et au financement de la mise en oeuvre de moyens échelonnés sur plusieurs exercices et relevant de conventions déjà conclues. Ces crédits pourront être renforcés par les marges éventuelles dégagées par la mise en oeuvre de la convergence tarifaire.
Les directeurs généraux d'ARS sont invités à "veiller strictement" à ce que le renouvellement de la convention pluriannuelle des établissements s'effectue sur la base du modèle dit "de seconde génération" et permette leur tarification sur la base du référentiel Pathos. De même, les mesures nouvelles de financement de la médicalisation des Ehpad sont à utiliser, "en priorité absolue", pour le renouvellement des conventions tripartites des établissements toujours tarifés en mode Dominic (cf. supra). Il est également demandé de ne renouveler les conventions signées en 2008 qu'après avoir contractualisé avec l'ensemble des établissements relevant encore d'une convention signée en 2006. La circulaire apporte aussi diverses précisions sur la prise en compte du renforcement du temps de présence du médecin coordonnateur, sur le gel de l'option tarifaire et sur le conventionnement des Ehpad en cours d'ouverture.

Expérimentation de l'intégration des médicaments : le retour

La seconde mesure nouvelle dans le secteur des personnes âgées réside dans la reprise de l'expérimentation de la réintégration des médicaments dans les tarifs de soins des Ehpad sans pharmacie à usage intérieur (PUI). Ce second volet de l'expérimentation fait suite au rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) pointant plusieurs faiblesses du dispositif. Seuls 80 Ehpad sur les 257 continuant à participer à la deuxième phase de l'expérimentation ayant fait remonter les données attendues sur la journée du 15 janvier 2012 (avant une nouvelle coupe le 15 juin prochain), les ARS sont invitées à "opérer une relance des établissements expérimentateurs non répondants".
Enfin, conformément à l'article R.314-169 du Code de l'action sociale et des familles (CASF), introduit en 2010, la circulaire précise les modalités du déploiement, en 2012, du traitement automatisé de la liste des résidents et de la consommation de soins dans les Ehpad. Ce dispositif, mis en oeuvre par la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), a notamment pour objet d'éviter le double paiement des soins par l'assurance maladie lorsque ces derniers sont couverts par la dotation de l'établissement. Il repose sur une remontée mensuelle des informations par les Ehpad.

Plan Handicap 2008-2012 : encore un effort

Cinq mesures nouvelles sont prévues dans le secteur du handicap. La principale concerne la mise en oeuvre du plan pluriannuel 2008-2012 de création de places en établissements et services pour personnes handicapées. Selon le bilan établi par la CNSA, 48% des places prévues ont déjà été autorisés sur la période 2008-2010, soit 17.000 places nouvelles. A ce jour, 89% des places pour enfants notifiées sur 2008-2010 sont ouvertes, de même que 70% des places pour adultes. En termes de consommation des crédits, les taux sont respectivement de 80% et 53% sur la même période, ce dernier chiffre - plutôt médiocre - s'expliquant "par le poids important des établissements [pour adultes, ndlr] et l'impact de leurs délais d'installation". Pour 2012, la circulaire appelle "vivement" l'attention des ARS sur deux points particuliers. D'une part, au sein des créations de places pour adultes, il est impératif de respecter la répartition prévue par le plan pluriannuel, soit 35% de places nouvelles en maisons d'accueil spécialisé (MAS) et 65% en foyers d'accueil médicalisé (FAM). D'autre part, "le développement de l'offre supplémentaire rendue possible par les crédits délégués dans le cadre du plan s'accompagne de l'adaptation de l'offre existante aux besoins des personnes". En d'autres termes, il convient aussi de concevoir - à travers les schémas régionaux de l'organisation médicosociale (Sroms) qui vont être mis en oeuvre dans les régions - "une organisation médicosociale qui soutienne et facilite cette accessibilité".

Transports, autisme et handicaps rares

La seconde mesure nouvelle concerne le sujet, longtemps litigieux, des frais de transports des personnes handicapées vers et depuis les établissements. S'il est normalement réglé depuis 2010 pour les adultes (article L.344-1-2 du CASF, issu de la LFSS 2010), la circulaire appelle néanmoins à veiller aux remontées d'information sur 2011 "afin d'évaluer cette nouvelle dépense à la charge de l'objectif de dépenses médicosociales". Pour les enfants, elle rappelle que la LFSS 2012 prévoit une prise en charge des frais de transports vers les centres d'action médicosociale précoce (Camsp) et vers les centres médicopsychopédagogiques (CMPP) "dans les conditions et limites du droit commun de l'assurance maladie". Ces dépenses n'entrent donc pas dans le périmètre de la dotation globale de ces structures couverte par l'objectif global de dépenses (OGD) du secteur des personnes handicapées.
Deux autres mesures nouvelles portent sur la poursuite de deux plans en cours : le plan Autisme 2008-2010, dont certaines mesures continuent de produire leurs effets, et le schéma national d'organisation sociale et médicosociale pour les handicaps rares 2009-2013. Sur le premier point, la mesure concerne la mise en oeuvre de formations de formateurs afin de favoriser, dans un domaine très conflictuel, l'émergence d'un corpus commun de connaissances sur l'autisme et les troubles envahissants du développement (TED). Sur le second point, la circulaire annonce deux vagues successives d'autorisations pour 2012, non chiffrées à ce stade, "afin de répondre rapidement aux besoins des personnes en situation de handicap rare et de leurs aidants".
Enfin, la dernière mesure nouvelle est plus ponctuelle, puisqu'elle concerne le financement des instituts nationaux de jeunes sourds et de jeunes aveugles, structures relevant de l'Etat.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale, ministère du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat, circulaire DGCS/5C/DSS/1A/2012/148 du 5 avril 2012 relative aux orientations de l'exercice 2012 pour la campagne budgétaire des établissements et services médicosociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées.

 

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