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Commande publique - Marchés publics : la Commission prépare une révision des directives

Les directives européennes sur les marchés publics datent de 2004. Tout le monde ou presque est d'accord sur le fait qu'il va falloir faire évoluer ces textes pour les adapter aux besoins actuels des entreprises et des acheteurs publics. Mais toute la question est de savoir quand et comment. Et c'est là que le consensus disparait. La conférence sur la modernisation de la politique européenne des marchés publics, qui s'est tenue le 30 juin 2011 à Bruxelles, a été l'occasion pour Michel Barnier, commissaire chargé du Marché intérieur de présenter ses pistes de travail sur le sujet.

Pour l'instant, rien n'est acté. Et de toute façon, même si le processus de révision commençait  dès maintenant, le temps de l'adoption puis de la transposition en droit national des nouvelles directives, les acheteurs français auraient encore au moins deux ou trois ans avant de connaître des modifications effectives de réglementation. Mais le train de la réforme est lancé... et il finira bien par arriver sous forme de décrets sur le bureau des acheteurs publics.
Pour rappel, le programme de travail de la Commission européenne dit "Acte pour le marché unique" adopté en avril 2011 identifie les marchés publics comme "l'un des douze leviers prioritaires pour relancer le marché intérieur", c'est-à-dire pour lutter contre la crise économique. L'objectif de la Commission européenne est de "faire en sorte que les directives Marchés publics soient vécues davantage comme un espace d'opportunités que de contraintes". Les modifications pourraient intervenir sur quatre sujets : la simplification des procédures d'achat, le soutien aux PME, la promotion de l'achat vert, social et innovant et l'amélioration de la gouvernance des marchés publics.

Une nécessaire simplification

La simplification des procédures est une "priorité" a déclaré Michel Barnier. Plusieurs pistes sont évoquées : généralisation de la procédure négociée,  "réduction drastique" de la documentation demandée aux soumissionnaires, relèvement des seuils d'application des directives et clarification des spécificités de la coopération public-public.
La généralisation de la procédure négociée constitue une mesure-clé. Michel Barnier a toutefois mis en garde contre les risques de "dérive". Un large consensus se dégage également sur la nécessité de réduire la documentation exigée des candidats aux appels d'offres. Michel Barnier précise notamment que les entreprises doivent parfois fournir "plus d'une vingtaine de documents - émanant d'autorités diverses et souvent payants – pour un seul appel d'offres". L'une des solutions envisagée consiste "à remplacer cette documentation par des déclarations solennelles des entrepreneurs". Seul le soumissionnaire gagnant devrait produire les certificats en bonne et due forme.
La question du relèvement des seuils d'application des directives semble en revanche poser quelques difficultés. Les acheteurs jugent que ces seuils sont trop bas et qu'ils "engendrent des procédures trop lourdes et coûteuses pour des contrats de valeur relativement faible". Michel Barnier souligne à ce propos qu'au niveau du seuil le plus bas, le coût de la procédure d'achat peut représenter jusqu'à 20% ou 30% de la valeur totale du contrat. Les entreprises craignent toutefois qu'un relèvement des seuils "ne réduise leurs garanties d'accès à un nombre important de marchés". Le débat sur cette question reste donc ouvert. 
Enfin, Michel Barnier a dit vouloir clarifier le régime d'exception applicable à la coopération public-public (in-house et mutualisation), "qui a fait l'objet d'une jurisprudence très importante, mais qui soulève toujours des incertitudes".

Faire plus pour les PME

La Commission prévoit également de prendre des mesures ciblées pour aider les PME comme la définition d'"un niveau de chiffre d'affaires maximal exigible d'une entreprise comme preuve de sa capacité à exécuter un marché", l'amélioration des règles relatives à la sous-traitance ou le recours éventuel à des "quotas PME" (ou "Small Business Act"). Michel Barnier s'est montré réservé sur ce dernier point en estimant que les quotas sont des mesures discriminatoires peu efficaces.
La Commission souhaite également promouvoir l'achat vert, social et innovant. Cependant,  les résultats de la consultation montrent que les avis sont très partagés sur ce point. De nombreuses parties prenantes craignent en effet que des obligations d'achat vert ou social généralisées réduisent la marge de manœuvre des pouvoirs publics. La Commission européenne envisage donc d'intégrer certaines obligations ciblées dites "what to buy" en veillant à ne pas créer "des charges administratives disproportionnées" et ne pas mettre en danger "la saine concurrence dans les marchés public". Un point de consensus se dégage en revanche sur la nécessité de formaliser le concept du coût du cycle de vie. Il s'agit "de déterminer et expliquer soigneusement ce qui est couvert par ce concept", en y intégrant par exemple les coûts de transport (ce qui permettrait en pratique de favoriser le circuit court) et en fixant "des garde-fous pour empêcher un détournement d'une telle disposition à des fins de favoritisme local".
Sur les services sociaux, Michel Barnier se prononce clairement pour l'élaboration d'un régime spécifique. Il pourrait ainsi être envisagé de créer "un seuil plus élevé pour les services à la personne, donnant plus de flexibilité aux opérateurs et acheteurs".
Enfin, améliorer la "gouvernance des marchés publics" suppose de professionnaliser l'achat public, d'élaborer "des instruments plus performants pour l'agrégation de la demande afin de permettre aux petits pouvoirs adjudicateurs de recourir plus facilement à des centrales d'achat" et d'apporter plus de conseil et de soutien aux pouvoirs adjudicateurs. Michel Barnier précise toutefois que "tout cela ne dépend pas de la Commission européenne". Les Etats membres sont donc invités à saisir cette opportunité et s'engager dans ce domaine.
A ce stade, la Commission européenne n'a pris aucun engagement définitif. Michel Barnier a en effet tenu à rappeler que les pistes de réflexion évoquées constituaient une "étape de mi-parcours" dans la préparation de la proposition définitive de la Commission. Les propositions de réforme évoquées doivent être confrontées aux grands principes communautaires et si "certaines idées sont déjà plutôt concrètes", des interrogations demeurent sur de nombreux points.  La Commission veut présenter avant la fin de l'année "un paquet de mesures, à la fois ambitieux et réaliste".

L'Apasp

Références : Discours de Michel Barnier, membre de la Commission européenne, chargé du marché intérieur et des services : L'avenir des marchés publics, Conférence sur la modernisation de la politique européenne des marchés publics, Bruxelles, le 30 juin 2011 ; Rapport d'évaluation des règles sur les marchés publics ; Synthèse de la consultation sur la modernisation de la politique de l'UE en matière de marchés publics ; Commission européenne - Communiqué de presse du 24 juin 2011 : Acte pour le marché unique : la politique de l'UE en matière de marchés publics a permis d'économiser environ 20 milliards d'euros.
 

 

Les directives Marchés publics auraient permis d'économiser 20 milliards d'euros

Dans un communiqué de presse publié le 24 juin 2011, la Commission européenne rappelle que les contraintes budgétaires conduisent les Etats membres à faire de l'efficacité de la commande publique une priorité afin de mettre en place de nouveaux outils "plus souples et plus conviviaux" et "de réduire les coûts et la durée des procédures d'attribution".
L'évaluation des directives menée par la Commission révèle que la réglementation européenne a favorisé "l'émergence d'une culture de la transparence" et permis "d'instaurer une concurrence entre les soumissionnaires, de réaliser des économies et d'améliorer la qualité des résultats des marchés publics". L'ouverture à la concurrence aurait ainsi engendré "une baisse des coûts d'environ 4%, soit une économie d'environ 20 milliards d'euros", dépassant "de loin le coût des mesures de réglementation (estimé à 5 milliards d'euros)".
 

 

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