Commande publique - Eurodéputés et Commission européenne s'opposent sur la révision des directives Marchés publics
Les marchés publics représentent 16% du PIB européen, une part essentielle de l'activité économique. Le droit européen en vigueur est-il adapté aux besoins des acheteurs et des vendeurs ? Telle est la question à laquelle vient de répondre la commission du Parlement européen "Marché intérieur et Protection des consommateurs" (Imco). Globalement, oui, répondent les eurodéputés : s'il faut indéniablement coordonner les réglementations, les appliquer plus simplement et mieux informer les praticiens de la commande publique, ils estiment qu'il ne serait pas adéquat de réviser dès à présent les directives de 2004 (2004/17/CE et 2004/18/CE) et de 2007 (directive Recours, 2007/66/CE). Dans un projet de résolution, qui devrait être adopté à la mi-mai par le Parlement en séance plénière, les députés indiquent également que légiférer sur les concessions de service ne serait pas opportun, les réglementations nationales étant trop variées. Très clairement, cette résolution, si elle est adoptée dans sa version actuelle, constituerait un frein sérieux aux velléités de la Commission européenne de réviser ces directives. Bertrand Carsin, directeur "politique des marchés publics" à la Commission européenne a réagi à l'occasion d'un colloque à Paris le 7 mai 2010 à ce projet de résolution.
Ne pas réviser les directives tout de suite, ne pas y inclure les concessions de service
Les eurodéputés dressent d'abord un constat d'échec : l'adoption des directives qui devaient simplifier et moderniser la réglementation européenne de l'achat public n'a "pas atteint ses objectifs". Ainsi, la complexité, la rigidité et l'opacité des procédures ont participé à l'augmentation des recours contentieux et au renforcement d'un sentiment d'insécurité juridique chez les acteurs les plus fragiles, notamment les communes de petites tailles. L'inflation d'un droit non-contraignant (vade-mecum, guides de bonnes pratiques...) dans les Etats membres augmente la disparité des interprétations et l'opacité des textes. Pour lutter contre cette fragmentation du droit communautaire, les députés proposent de revenir aux principes fondamentaux de subsidiarité et de proportionnalité, d'améliorer la coordination entre les réglementations, de mettre en place des formations spécialisées, une aide juridique aux acheteurs et un site web dédié.
La Commission européenne envisage bien de réviser les directives, indique Bertrand Carsin, mais pas tout de suite : "Elle a lancé une évaluation du droit européen de la commande publique", a-t-il expliqué. "Cette évaluation devrait prendre un an, déboucher sur la rédaction d'un livre blanc, puis on en tirera les conséquences en 2012 ou 2013. Ainsi, le temps de leur négociation, les directives ne seraient de toute façon pas révisées avant la fin du mandat de Michel Barnier (2014)."
Les parlementaires prennent également position sur l'opportunité d'inclure les concessions de services (et par exemple en France, les contrats de partenariat) dans le champ des directives de 2004. Contrairement aux concessions de travaux, les concessions de services en sont actuellement exclues. Et c'est très bien comme cela !, estiment les députés. En effet, la diversité des pratiques juridiques des Etats membres rendrait délicate l'édiction d'une réglementation unique. Sur ce point, Bertrand Carsin se montre très critique : il n'est pas "du tout convaincu que tout soit clair dans la réglementation des concessions de services". Ces incertitudes et diversités de pratiques entre Etat membres sont "sources de contentieux". Selon lui, une réglementation européenne sur le sujet est donc indispensable.
Répertorier les éco-labels
Enfin, les députés européens invitent la Commission européenne à faciliter l'insertion de clauses environnementales et sociales dans les marchés publics. La dernière mise à jour de la réglementation en la matière date de 2000. Elle nécessiterait d'être actualisée, estiment les députés. La réticence des acheteurs à introduire ces critères dans leurs appels d'offres s'explique par la difficulté qu'ils ont à contrôler leur influence dans le produit final. Pour les aider, les parlementaires proposent à la Commission européenne d'instaurer une banque de données qui répertorierait les "éco-labels" les plus utilisés grâce à des listes organisées selon les produits spécifiques auxquels chaque critère se rapporte.
L'Apasp et Hélène Lemesle
Références : projet de rapport sur l'évolution de la passation des marchés publics, Heide Rühle, 5 février 2010 ; amendements de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, Heide Rühle, 26 mars 2010 ; directive 2004/17/CE du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux ; directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services