Directive Services - Services sociaux : Michel Barnier entretient le flou
"Je n'ai pas l'intention d'attacher mon nom et mon action à ce qui pourrait provoquer des régressions sociales", a assuré Michel Barnier, lors de son audition devant le Parlement européen, mercredi 13 janvier. Désigné pour le portefeuille de Commissaire au marché intérieur et services financiers, il a plutôt réussi son examen de passage à en croire les réactions des eurodéputés, même s'il est resté flou sur les sujets qui fâchent.
Parmi les thématiques passées au crible par les eurodéputés durant les 3 heures qu’a duré l’audition : le soutien aux PME, pour lesquelles Michel Barnier se fixe l’objectif de diminuer de 7 milliards d’euros leurs dépenses dues à des charges administratives trop lourdes, les droits des consommateurs mais aussi et surtout la question du suivi de la transposition de la directive Services. Celle-ci devait intervenir avant fin 2009. Quinze Etats membres s'y sont tenus (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Irlande, Italie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Suède, République tchèque et le Royaume-Uni). La France fait partie des retardataires et la question est l'objet d'un bras de fer entre Etat et acteurs sociaux, collectivités incluses. L'enjeu : profiter de cette transposition pour définir un socle de services sociaux et les soustraire ainsi au champ de la directive et donc au marché. Une proposition de loi socialiste déposée le 9 décembre qui donne une interprétation très large de l'exclusion des services sociaux doit être examinée par l'Assemblée nationale le 21 janvier. Elle a reçu de nombreux soutiens dont celui du collectif SSIG qui regroupe une vingtaine d'organisations nationales de services sociaux. "Les questions qui y sont posées et les réponses apportées lui semblent susceptibles de susciter un large consensus hors de tout clivage partisan", souligne le collectif, qui se félicite que soit reprise l'idée de "convention de partenariat d’intérêt général" susceptible "de sécuriser en droit les pratiques de contractualisation des collectivités territoriales et d’éviter la systématisation non justifiée du recours aux marchés publics".
Intergroupe sur les SSIG
Dans ce contexte, Michel Barnier s’est contenté de souligner sa préférence pour la négociation avec les gouvernements et les représentants économiques et sociaux plutôt que d'agiter le chiffon juridique. Parallèlement, l'ancien ministre de l'Agriculture sera chargé de l'évaluation du paquet "Monti-Kroes". Depuis trois ans, ce paquet autorise certaines aides à la condition que les prestations aient été clairement "mandatées" par la collectivité au prestataire. Or, sur la base des rapports de "juste compte" que les 27 Etats membres viennent de remettre à la Commission, l'exécutif européen doit décider ou non d'assouplir ces nouvelles règles d'autaut plus délicates à mettre en oeuvre que dans certains pays, comme la France, le mandatement n'existe pas. Sur cette question, Michel Barnier est resté vague. "Faut-il une directive-cadre ou des directives secteur par secteur ?", s'est-il interrogé, ajoutant n'être "pas sûr de la réponse". Rien de neuf donc, depuis que la Commission Barroso I a refusé de légiférer dans ce domaine en 2007, laissant les quelque 60.000 opérateurs de service (bailleurs, crèches, centres médico-sociaux, etc.) dans l'insécurité juridique. Un intergroupe vient tout juste de se constituer au Parlement européen pour suivre le dossier. De son côté le Comité des régions entend bien faire usage de son nouveau droit de consultation découlant du traité de Lisbonne. Il se montrera "particulièrement vigilant sur la question des SSIG – notamment sur le logement ou l'aide aux personnes âgées – qui sont souvent fournis au niveau local ou régional", a-t-il fait savoir. En tant qu'ancien Commissaire à la politique régionale, Michel Barnier avait appuyé l'insertion de la cohésion territoriale dans le traité de Lisbonne et le renforcement du rôle du Comité des régions. Saura-t-il s'en souvenir ?
Michel Tendil