Formation professionnelle - Laurent Wauquiez : la notion de services sociaux d'intérêt général est "totalement vide"
La question des règles juridiques applicables à la commande publique en matière de formation professionnelle continue de diviser les acteurs publics, notamment les régions et l'Etat. Elle a de nouveau été soulevée à l'Assemblée nationale en fin de semaine dernière, lors des débats concernant le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation tout au long de la vie. Un amendement déposé par le député de la Gironde Alain Rousset (par ailleurs président de l'Association des régions de France) a été l'occasion pour le gouvernement d'éclairer sa position. L'amendement (rejeté) proposait que les régions puissent utiliser la procédure de mandatement dans le cadre de la formation professionnelle. Une procédure, accordée dans le droit communautaire, pour les services sociaux d'intérêt général (SSIG), tandis que les autres services, économiques, doivent s'en remettre au Code des marchés publics. Les auteurs de l'amendement soulèvent aussi la question de la transposition de la directive Services, qui doit être accomplie d'ici la fin de l'année, et qui pourrait inclure, parmi les secteurs d'activité traités, la formation professionnelle. L'enjeu est important pour les régions puisqu'il s'agit de faire reconnaître la formation et notamment la formation des personnes les plus éloignées de l'emploi comme celles des SSIG. Certaines régions ont d'ailleurs décidé de prendre les devants, sans attendre la décision de l'Etat, en utilisant le mandatement. C'est notamment le cas de la région Poitou-Charentes. La région Limousin a choisi une voie plus riquée en décidant d'octroyer des subventions à quatre opérateurs publics de formation, dont l'Afpa (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes). Ce qui lui vaut aujourd'hui un recours devant le juge adminsitratif saisi par la Fédération des unions régionales des organismes de formation (Urof) et par le Syndicat national des organismes de formation de l'économie sociale (Synofdes).
Mais le gouvernement français a une position tranchée : c'est le droit de la concurrence qui s'impose. "Il n'y a aucune marge de manœuvre, la formation est considérée comme une activité économique, soumise à ce titre au droit de la concurrence", a signalé Laurent Wauquiez, le secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, devant les députés. "Concernant la notion de SSIG, le gouvernement a consulté de nombreux experts pour aboutir à la conclusion que cette notion est totalement vide", a-t-il ajouté. Selon lui, "elle ne reçoit aucune application en droit communautaire permettant de l'utiliser pour se dérober au droit de la concurrence" et elle "ne permet pas de se soustraire à l'application du droit de la concurrence". Enfin, Laurent Wauquiez s'est exprimé sur la fameuse notion de mandatement que les régions aimeraient pouvoir appliquer. "Il apparaît, après avoir interrogé la Commission, que la notion de mandatement est pour elle la simple transcription de ce que nous appellerions une délégation de service public", a-t-il ainsi précisé, une délégation à laquelle les règles du droit de la concurrence s'appliquent. Impossible donc, selon le secrétaire d'Etat, d'échapper aux règles de la concurrence, même pour le secteur de la formation professionnelle. Et Laurent Wauquiez n'a pas hésité à mettre en garde contre les pratiques qui s'éloigneraient de ce cadre juridique. "Je suis très inquiet de la prise de risque juridique", a-t-il indiqué, mentionnant que les subventions versées par la région Limousin à l'Afpa pourraient être demandées rétroactivement... En revanche, le secrétaire d'Etat propose de creuser une piste qui consiste à utiliser les marges que "nous laisse le Code des marchés publics", citant l'exemple de la Bretagne qui a lancé un appel d'offres contenant des clauses qui valorisent les services publics et l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi. "Je crois que c'est dans cette voie qu'il faut s'engager, a clairement affirmé le secrétaire d'Etat, je suis tout à fait prêt à travailler avec vous dans ce sens."
Emilie Zapalski