Social - SSIG : créer des conventions de partenariat pour éviter le mandatement
Si les rapports et les prises de position se multiplient sur le thème des services sociaux d'intérêt général (SSIG), leur statut juridique au niveau européen n'est toujours pas fixé. Le collectif SSIG a souhaité remettre le sujet sur la table lors d'un colloque organisé le 4 avril 2009 au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Actuellement, il existe un cadre juridique communautaire sur les services d'intérêt économique général, mais le collectif le considère "insuffisant et inadapté car construit pour les services de réseau (poste, énergie, télécommunications) et difficilement transposable au secteur social". D'où l'idée de clarifier les règles applicables aux SSIG. "L'enjeu est de préserver ce qui est un des points importants du modèle social français et européen, ce tiers secteur, cette économie sociale et solidaire", a ainsi affirmé Christophe Caresche, membre de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, lors du colloque. Mais les avis divergent sur la manière de faire. Le Parlement européen, tout comme le CESE, défend l'idée de définir un cadre juridique spécifique aux SSIG. La Commission européenne juge quant à elle inutile de légiférer dans ce domaine. En France, le CESE a pris position l'an dernier pour demander un cadre juridique national et européen et la commission pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale a voté une résolution le 1er avril 2009 dans laquelle elle juge "indispensable de prévoir, dans le cadre d'une démarche politique, une clarification du droit européen aux SSIG".
La question va être au coeur de qui doit intervenir d'ici la fin de l'année : en cas d'intégration des services sociaux dans son champ, ils seraient soumis à la concurrence. Une perspective qui inquiète beaucoup les acteurs sociaux. "A-t-on bien mesuré les risques d'une mise en concurrence, y compris de stérilisation d'initiatives associatives ?", a ainsi questionné un membre du collectif SSIG. "Il y a des pans entiers dans le social où il n'y a pas de marché ; quand c'est le cas ou bien quand il y a un partenaire de confiance, il ne faut pas s'enfermer dans des choix binaires", a pour sa part signalé Michel Thierry, inspecteur général des affaires sociales, et président du groupe de travail sur la sécurisation juridique des SIG, précisant que de nombreuses initiatives, comme l'accompagnement du sida à la fin des années 80, n'auraient pu exister sans l'intervention des associations, et le tout sans appel d'offres.
En France, la notion de mandat pose problème
Autre risque d'une mise en concurrence totale : la difficulté des collectivités locales, et notamment des départements, à continuer à travailler avec leurs partenaires habituels. "Dans le cadre de la politique sociale, 150 à 300 opérateurs sont autour de nous ; comment allons-nous pouvoir construire des partenariats avec eux s'ils sont confrontés à des situations telles que l'application de la directive Services, s'est ainsi interrogé André Castelli, vice-président du Conseil général du Vaucluse. Si on est obligé d'organiser des méthodes de mise en concurrence, ça va complexifier notre intervention."
Le député Christophe Caresche devrait initier un débat à l'Assemblée nationale avant les élections européennes. Le Sénat doit quant à lui publier un rapport sur le sujet au mois de mai. Mais d'ores et déjà, Michel Thierry, dans son dernier rapport sur la prise en compte des spécificités des SIG dans la transposition de la directive Services et l'application du droit communautaire des aides d'Etat, a émis plusieurs propositions pour faire évoluer la situation en France. Il préconise notamment la création d'un nouvel outil juridique pour les SSIG, des "conventions de partenariat d'intérêt général". Un nouveau mode de contractualisation réservé aux services sociaux actuellement non explicitement chargés de la gestion d'un service d'intérêt économique général et qui "devrait permettre de préciser la notion de mandat dont la tradition en France pose problème", d'après Fabrice Heyriès, directeur général de l'action sociale au ministère du Travail. Le mandatement ne correspondant pas aux traditions juridiques françaises où est utilisé un système d'agrément mais étant indispensable pour exclure les services sociaux de la directive Services, ce nouvel outil permettrait de contourner le problème. Autres propositions du rapport : fixer par directive interministérielle ou circulaire du Premier ministre, la doctrine de l'action publique en matière de SIEG et diffuser des décisions types ou schémas de conventionnement, notamment en direction des collectivités territoriales.
Emilie Zapalski