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Présidence française - Services sociaux : comment sortir du statu quo ?

A quelques mois de la présidence française de l'UE, la question des services sociaux ressurgit. Le Conseil économique et social plaide pour la définition d'un nouveau cadre juridique et invite la France à fixer un agenda.

Donner un cadre juridique aux services sociaux : la question est l'objet d'une bataille assez vive à Bruxelles entre défenseurs des services publics et tenants du tout-marché, entre le Parlement, qui y est favorable, et la Commission qui a récemment jugé inutile de légiférer dans ce domaine. Or, les députés européens viennent de recevoir un appui de plus : celui du Conseil économique et social (CES) français qui, dans un avis du 9 avril, estime que le droit communautaire reste "au milieu du gué". Il appelle le gouvernement à en faire un temps fort de la présidence française qui débute le 1er juillet. "A défaut de cadre juridique national et européen, le quotidien et l'avenir des acteurs sociaux continueront d'être soumis aux aléas de la jurisprudence risquant d'accroître ainsi leur vulnérabilité voire de remettre en cause leur existence même", met en garde le CES.
La boîte de Pandore ouverte en 2004 par l'ancien commissaire Frits Bolkestein n'est toujours pas refermée. Faute d'entente entre les différents pays, les services sociaux d'intérêt général (SSIG) n'ont pas de définition claire en Europe. Ils occupent un no man's land entre les services d'intérêt général (services publics dans le jargon européen) et les activités économiques classiques. Résultat : un contentieux croissant lié aux règles de la concurrence, en particulier dans le domaine du logement social.

Subsidiarité

Le CES estime que le règlement de ces contentieux ne peut pas être laissé à la seule jurisprudence de la Cour européenne de justice et qu'il convient donc de fixer des règles du jeu, un périmètre. D'autant que le traité de Lisbonne en cours de ratification fournit une base juridique pour l'adoption d'un tel cadre communautaire. Mais la tâche s'avère compliquée, chaque pays ayant ses particularités. En France, par exemple, les SSIG recouvrent quantité d'activités (logement social, services à la personne, aide à l'enfance, aide aux familles, secteur social et médicosocial, emploi et formation, tourisme social, etc.). Une liste beaucoup plus large que celle retenue dans la plupart des textes européens. Les intervenants ne sont pas moins variés : Etat, collectivités territoriales, associations, fondations, mutuelles, syndicats, entreprises publiques et privées, organismes de protection sociale. Quant aux financements, ils peuvent être publics (Etat, collectivités territoriales, sécurité sociale) ou privés. Pour le CES, le cadre juridique ne doit pas remettre en cause la subsidiarité, c'est-à-dire la liberté laissée aux Etats membres de définir le contenu. Mais la présidence française de l'UE doit être l'occasion de sortir du flou actuel. Il s'agit selon le conseil de fixer un "agenda européen". Les SSIG pourraient ainsi figurer à l'ordre du jour du Conseil européen de décembre 2008. Les futures présidences tchèque et suédoise prendraient ensuite le relais "afin de permettre à la nouvelle Commission et au nouveau Parlement européen de s'emparer du sujet après 2009", c'est-à-dire après les élections législatives européennes.

Mandatement

L'un des principaux points d'achoppement est de savoir si les SSIG s'adressent à tous les citoyens européens ou seulement aux publics fragiles. La Commission, soutenue par les libéraux, prétend que le marché doit être la règle et les services sociaux l'exception. Ce qui n'est pas l'avis du CES qui rejoint ainsi la ligne défendue par le Parlement, mais aussi le Conseil économique et social européen et le Comité des régions.
Mais avant de trancher cette question, un autre rendez-vous attend la France : la transposition de la directive "services" adoptée en 2006 et qui doit se traduire par l'achèvement du marché intérieur des prestations de services. En France, le projet de loi de transposition sera présenté en Conseil des ministres en juin 2008 pour une adoption prévue avant la fin de l'année. Mais c'est la question du "mandatement" qui risque de poser le plus de problèmes. Pour être exclus du champ de la directive et donc des règles de la concurrence, les SSIG doivent être assurés par l'Etat, les associations caritatives ou des prestataires mandatés. Ces derniers ont alors une obligation de service rendu. En dehors de ces trois cas de figure, les subventions sont interdites. Seul problème : le mandatement n'existe pas en tant que tel en France où prévaut un simple régime d'agrément. Pour le CES, il faudra donc trouver un moyen juridique d'adapter le mandatement à la France. Une définition souple.

 

Michel Tendil