Archives

Concurrence - Services publics et services sociaux : la Commission déçoit doublement

Les réactions sont aussi nombreuses et vives que les attentes étaient fortes. La communication sur les services d'intérêt généraux adoptée par la Commission européenne le 20 novembre a fait l'effet d'une douche froide pour beaucoup d'associations et syndicats. En se contentant de cette communication qui vient compléter le protocole annexé au futur traité modificatif de Lisbonne, la Commission a réaffirmé son refus de créer une directive cadre sur les services d'intérêts généraux. Autre source de mécontentement : l'absence de texte spécifique dédié aux service sociaux.
La notion de service d'intérêt général, qui englobe tant des activités économiques (énergie, gaz, transports, services postaux) que non-économiques (police, justice, service sociaux) est au coeur d'un contentieux communautaire important : livret A, services des intercommunalités, etc. Une bonne partie des dispositifs des collectivités sont suspendus à la jurisprudence de la CJCE en la matière depuis des années. L'introduction de la notion dans le droit primaire européen à Lisbonne le mois dernier, grâce à la pression du gouvernement néerlandais, a permis sa reconnaissance officielle. Cette prise en compte n'a pourtant pas soulevé que de l'enthousiasme : le texte du protocole annexé laisse en effet une grande marge de manoeuvre aux Etats membres, qui peuvent décider quels services sont économiques ou non, et donc soumis au droit communautaire ou non. Le protocole n'est pas non plus assez précis pour arrêter l'inflation jurisprudentielle dans le domaine de la CJCE.

 

"Les collectivités territoriales n'ont pas été entendues"

La vigilance était donc de mise pour les syndicats et les associations qui attendaient une directive encadrant tant les actions des Etats que de la Cour. "Il n'est pas utile d'avoir une directive horizontale sur les services d'intérêt général. (...) Nous n'aurons jamais de consensus sur la question, il est inutile de perdre du temps", a déclaré José Manuel Barroso, mardi 20 novembre, devant la presse, rappelant ainsi la position constante de la Commission. Une position qui fait réagir vivement l'AFCCRE (Association française du Conseil des communes et régions d'Europe), pour laquelle "les collectivités territoriales n'ont pas été entendues sur les services publics, alors même que le traité de Lisbonne en fournit la base juridique".
Il semblait irréaliste de faire bouger la Commission sur le sujet, rappelle l'USH (Union sociale de l'habitat). La Commission a en effet toujours clairement exprimé sa préférence pour le respect des règles du marché plus que pour la définition de règles le limitant.

 

Méprise sur les services sociaux

Si la rédaction d'une directive cadre semblait peu réalisable, la rédaction d'un texte unique et spécifique consacré au services sociaux (régime de protection sociale, aides aux personnes et aux famille, logement social) paraissait acquise en revanche. Elle avait en effet été annoncée par le commissaire Spidlà le 17 septembre dernier. La mise au panier de ce texte par José Manuel Barroso empêche la création d'un document unique. Les avancées dans le domaine (en particulier dans le domaine des aides d'Etat et des services publics) sont donc fournies par la Commission de façon éclatée, tant dans la communication que dans ses annexes et documents de travail de la Commission. La question des autorisations d'agrément n'est en particulier pas réglée et chaque Etat membre reste libre de définir les modalités de cette procédure.
"On utilise le protocole pour fermer le débat sur les services d'intérêts généraux, alors qu'au contraire le protocole ouvre le débat", regrette Laurent Ghékière, représentant de l'USH auprès de l'UE. Nul doute que les nombreux organismes déçus par le texte vont procéder à un lobbying intense auprès du Parlement européen et du Conseil : le sujet sera en effet débattu au prochain Conseil de printemps, sur la base d'un rapport d'initiative des députés.

 

Gwenaëlle Radosevic / Welcomeurope

 

Les règles du marché au coeur du "projet pour les citoyens"

La communication sur les services d'intérêt généraux n'est qu'une des facettes du grand projet dévoilé le 20 novembre par la Commission européenne, appelé "projet pour les citoyens". Par ce projet, lancé en mai 2006, la Commission s'attaque aussi à la modernisation du marché unique et de la vision sociale de l'Europe. De nombreuses pistes sont proposées et resteront à confirmer lors du Conseil européen du printemps prochain, dans des secteurs aussi variés que les services financiers, la protection des consommateurs et la possibilité d'actions collectives, le suivi sectoriel des marchés ou la présentation d'un "small business act" favorisant les petites entreprises dans les marchés publics.

 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis